“Nanterre, du bidonville à la cité” ~ par Victor Collet

J’ai rencontré Victor Collet il y a quelques années dans un bar de la Plaine, à Marseille. Notre relation a commencé sur un quiproquo: je l’ai abordé le prenant pour un autre garçon croisé dans les mêmes parages. Heureuse confusion et belle rencontre! J’ai suivi, de loin en loin, les péripéties rédactionnelles et éditoriales de sa thèse devenue livre et les affres du jeune auteur (j’espère qu’elles deviendront les affres de l’auteur tout court et qu’il continuera à écrire). Je ne dirais pas que j’ai été aussi soulagé que lui de voir paraître Nanterre, du bidonville à la cité, dans la belle collection «Mémoiresociales» des éditions Agone, mais disons que ça m’a fait très plaisir.

Ma position de lecteur est assez paradoxale puisque je peux dire à la fois que je ne connais rien au sujet qu’il traite et tout aussi bien que l’histoire ici rapportée – à l’issu d’un travail de dix ans, après des milliers de pages d’entretiens retranscrites – m’est familière en ce que ses échos parvenaient au militant dans les années 1970.

C’est d’ailleurs une des questions que la lecture de ce livre – hors de tout questionnement culpabilisant – a suscité pour moi: Comment se fait-il que j’ai (que nous ayons pour la plupart) pu rester à ce point à la marge d’une histoire qui, certes, était censée se dérouler à la marge de notre monde. Cette «étrangeté», des centaines d’articles (dans Libération, qui était un autre journal), de tracts, d’affiches et de meetings ne l’ont pas atténuée, plutôt dissimulée dirais-je.

De ce fait, je reconnais (presque) tout de cette histoire inconnue de moi, tous ses éléments disparates, des noms de militants, de victimes de la violence meurtrière des flics, des usines en grève…

Cette histoire de Nanterre est aussi une histoire du militantisme, d’abord celui auprès des travailleurs immigrés, qu’ont pratiqué avec plus moins de bonheur, et souvent sur le mode du «prêtre ouvrier» ou de l’«établi», des catholiques de gauche et des militants gauchistes. Enfin celui des immigrés eux-mêmes.

On retrouve ici plusieurs tendances de l’extrême gauche, libertaires et maos surtout (les trotskystes brillent par leur absence) qui utilisent la faculté de Nanterre comme «base», y organisant une «crèche sauvage» dont ils·elles veulent se servir comme d’une passerelle entre le bidonville et la fac.

«En face», l’État bien sûr, ses CRS, sa brigade spéciale qui rase les baraques ajoutés ou agrandies et terrorise ses habitants, mai aussi le parti communiste dont on ne sait qui il supporte le plus mal, des immigrés ou des gauchistes qu’ils attirent.

Trente années de discours sécuritaires ont consacré un regard dépolitisé, sinon racial, sur les classes populaires. Les supposées «Trente Glorieuses» continuent d’être contées comme une période de progrès social sans équivoque. Trente ans d’habitat provisoire et de gourbis sordides en banlieue, d’asphyxie au charbon et de saturnisme restent largement ignorés. Quant aux années 1968, elles sont ravalées au rang de révolte culturelle et sexuelle. Les années rouges sont souvent méconnues par les militants eux-mêmes, qui préfèrent se souvenir des luttes anticoloniales ou contre la ségrégation outre-Atlantique. Oubliés, les grèves ouvrières et immigrées, l’usine et un parti communiste omniprésents, le christianisme social, l’anti-impérialisme et l’antifascisme, les premiers collectifs de défense contre la surexploitation et le logement indigne des travailleurs et familles immigrés.

En produisant cette histoire de Nanterre aux prises avec son prolétariat immigré, la plupart du temps ignorée des militants d’aujourd’hui, Victor Collet nous offre – depuis cette «banlieue» toujours stigmatisée – une nouvelle histoire populaire de la période qui va de la guerre d’Algérie aux années 1980.

Nota. Parmi les personnalités qui se distinguent dans les luttes et le récit qui en est fait, je distinguerai (subjectivement) Mogniss H. Abdallah (auteur chez Libertalia de Rengainez, on arrive ! Chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la hagra policière et judiciaire (des années 1970 à aujourd’hui) et Mohammed Kenzi, dont Victor Collet m’a fait connaître le très beau petit livre La Menthe sauvage, qui mériterait d’être réédité aujourd’hui.

Consulter la présentation du livre sur le site des éditions Agone.

Tenez-vous informé des rencontres avec l’auteur.

Serge Quadruppani, dont je m’inquiète d’être si souvent d’accord avec lui ces derniers temps (heureusement, je consulte la semaine prochaine) a publié sur Lundimatin le premier d’une série de deux articles sur le livre.

Dans Politis, du 6 mars 2019, Laurence De Cock & Mathilde Larrère ont notamment écrit:

Le livre de Victor Collet n’est pas une énième narration des conditions de vie dans les bidonvilles, c’est une étude socio-historique qui s’attaque à des pans jusque-là négligés : comment la présence des bidonvilles a-t-elle contribué à redéfinir la ligne du PCF sur l’immigration ? Quelles ont été les actions des groupes locaux militants de gauche ? Collet retrace une histoire de luttes et de rencontres en une balade urbaine jalonnée d’archives inédites et de photographies.

Collet Victor, Nanterre, du bidonville à la cité, 432 pages, 22 €.

À noter: L’ouvrage est enrichi de plans et de nombreuses photographies.

 

Statut de l’ouvrage:

Envoyé en service de presse par l’éditeur.

AUJOURD’HUI LES ENFANTS, C’EST CATÉCHISME!

Certain(e)s des abonné(e)s, lectrices et lecteurs d’occasion de ce blogue ignorent peut-être le site Non fides, sur lequel ont été publiés les deux textes qui suivent.

Je me fais un devoir de les porter à la connaissance générale. On s’étonnera peut-être que je ne publie pas de texte en réponse…

Mais comment répondre à de tels manieurs de foudre?

Meilleurs théoriciens que moi ! Meilleurs logiciens, meilleurs moralistes, meilleurs écrivains, meilleurs théologiens, meilleurs humoristes…

Comment prétendrais-je affronter pareils géants? Oh! je m’en garderai bien! D’ailleurs, je n’ai même pas pu, je le reconnais, aller au bout de ce pensum. Un jour peut-être…

Et puis tout ça prend du temps, de l’énergie. Il faut décrypter…

Par exemple, je n’ai pas la moindre idée de ce à quoi renvoie le paragraphe suivant : «D’autres épisodes récents ont eu lieu, de notoriété publique, dont un a tout particulièrement mis en scène une violence inégale, sans aucun fondement politique d’aucune sorte autre qu’une guerre de territoire». Encore un incident de la guerre des gangs qui ne m’est pas parvenu aux oreilles…

Mais l’on juge mon silence lourd de sens!…

Allez, ça va bien comme ça! J’ai dit ce que j’avais à dire. Je m’en tiens là sur les incidents auxquels j’ai fait allusion.

Quant aux questions de fond, j’y reviendrai quand bon me semblera.

Tout au plus me suis-je permis d’ajouter ici quelques illustrations qui m’ont semblé assez bien assorties aux textes.

Je ne m’autorise qu’une remarque, dictée par le seul scrupule intellectuel: Je ne peux sans protester laisser mes contempteurs profiter de mon exposition en place publique pour compromettre un tiers, innocent du crime dont il est soupçonné.

Non! Serge Quadruppani n’est pas de mes amis. Nous nous sommes fréquentés, certes, à l’époque où nous participions tous deux au comité de rédaction de la revue Mordicus. Mais nous sommes brouillés, au point que je n’ai pas salué le personnage depuis 20 ans. On conviendra que cela constitue pour lui une espèce de prescription. Quant à la basse opinion que je me fais de ses positions, on s’en informera aisément en suivant les liens ad hoc de ce blogue.

 

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Et Claude Guillon créa l’excommunication… et oublia le négationnisme

jeudi 18 août 2016

 

Remarque préliminaire : ce texte apparemment nécessaire — vu le niveau de publicité et les imprécisions majeures diffusées — a été écrit suite au premier texte de Claude Guillon publié le 29 juillet. Depuis il persiste, signe et aggrave les menaces et les attaques personnelles, s’enfonçant tout seul dans une guerre privée à propos d’un épisode qui n’a rien à voir avec lui. S’il s’agit de refuser la violence interpersonnelle, d’autres épisodes récents ont eu lieu, de notoriété publique, dont un a tout particulièrement mis en scène une violence inégale, sans aucun fondement politique d’aucune sorte autre qu’une guerre de territoire, et pour lequel « viriloïde » serait un doux euphémisme. Pourtant Claude Guillon n’y a pas réagi. Pour l’instant, face au caractère de plus en plus insultant des propos tenus, et au déchaînement de menaces en cours, le plus raisonnable semble être d’attendre que le soufflet retombe pour faire le point et aviser.

 

Claude Guillon, entremetteur dans la bonne pensée radicale devant l’éternel, nous gratifie le 29 juillet 2016 d’un étrange billet d’humeur mauvaise.


Le 30, il le débaptise et le rebaptise : « ”La Discordia”, les ”dieux”, La mort, l’humour, le mauvais goût et les fascismes… ». Il y ajoute un paragraphe dans lequel il se fait l’inventeur du fil à couper le compagnon, en livrant à la vindicte militante un excellent compagnon rencontré deux milliers de fois, au moins… Ah, non, nous ne sommes pas de ceux qui délivrons ce genre de diplôme.

Le raisonnement est déjà fort sinueux. Suivez bien.

Dans ce texte à plusieurs double-fonds de lâcheté, il fait savoir à tout un chacun qui compose son auditoire virtuel qu’il ne s’offusque pas plus d’une blague qu’il juge mauvaise à propos du prêtre égorgé par quelques uns qui ont entendu l’appel du comité-visible-et-barbus-qui-ont-commencé-et-proclamé-un-califat-islamique, que d’un tag dont les termes consonnent avec le champ lexical négationniste, trouvé sur un mur après une manifestation contre la loi Travail.


« Pas d’amalgame ! », nous dit le Père Claude, pas question d’« assimiler » le curé égorgé avec d’autres curés violeurs d’enfants (pour un développement détaillé sur cette question, voir le post scriptum intitulé Guillon, les tweets, l’humour, la roussophilie, la mort, les religions et les djihadistes, et la défense calomnieuse). Le moment choisi, après un crime de ce type, n’est-il pas le meilleur pour faire un peu la vierge effarouchée ? En tout cas voilà une position courageuse qui tranche avec l’ambiance christianophobe de pogrom anti-curés qui se prépare actuellement en France. Monseigneur Guillon a tranché, remballez fourches et fusils : il est « hostile à l’assassinat des prêtres », la messe est dite, c’est proscrit, on annule tout.


Passons sur le début poussif, comme à chaque fois que Guillon Notre Père étale ses états d’âmes sur l’actualité. Le roi du ni-ni, l’apôtre de la distinction, donne son avis sur ce qui anime l’opinion, pour en venir à ce qui n’a aucun rapport et aucun lien. « Enfin Claude, pas d’amalgame, voyons ! », pourrait-on se contenter d’avoir idée de lui répondre…
Mais là, le sujet abordé est grave et un compagnon qui ne manque certes pas d’excellence, même s’il n’est pas diplômé de la Guillon’s Academy en la matière, est livré à la vindicte publique. L’idée qui nous traversait l’esprit se fait nécessité d’en dire quelque chose.

Sachons donc que Claude Guillon ne s’intéresse pas à des tags aux connotations au moins discutables. Tout cela le laisse froid — lui qui nous répète à l’envie qu’il n’est pas de bois — et il nous le fait savoir. Mais il s’offusque en revanche que d’autres puissent s’en émouvoir, et que lors d’une conversation à ce sujet, deux personnes majeures et (sans doute) vaccinées en soient venues aux mains. Il s’agit donc de ce qui indiffère et de ce qui émeut, de ce qu’il y a à penser et à dire, de comment on prend part à une conversation, on l’interrompt, on la poursuit ou on la fait cesser, de ce qu’on accepte d’entendre, de ce qui laisse froid ou de ce qui énerve, et c’est là, à propos de tout ça, entre la mondanité et la politique, que Claude Guillon a des choses à nous dire. Il n’est pas ému par le tag et, politisant cet affect étrange, juge intolérable que d’autres le soient. Il est ému en revanche qu’un ami à lui qui s’est imposé longuement et lourdement dans une discussion à ce sujet, en tenant avec insistance une position intenable — celle de vouloir à coup de non arguments, obliger ses interlocuteurs forcés à cesser d’en discuter — ait été conduit sur un autre terrain puis, ayant proposé de doubler la mise, se soit battu avec l’un de ses contradicteurs. Modeste proposition pour aider à s’y retrouver dans la vie, puisqu’il faut réagir au diapason avec Guillon, et surtout rester impassible quand ça ne lui fait rien : pourquoi ne pas avoir proposé une adaptation personnelle du best-seller Indignez-vous, avec une application permettant de savoir, en temps réel, grâce à l’échelle d’indignation de Guillon comme maître étalon, quand et comment réagir.


On voit bien déjà une inversion et une projection propre à un narcissisme débridé : c’est lui qui voudrait que tout un chacun réagisse comme il l’entend ou comme il dit réagir, et pas l’inverse. Personne n’a réclamé à personne une quelconque réaction, (encore moins à lui, ou de celle dont il fait état dans son triste texte), rien de ce type n’a été exigé. Il suffisait juste que son excellent ami l’inopportun accepte de cesser de raconter n’importe quoi et de prendre la parole et la tête à ceux qui voulaient réfléchir et converser. S’éloigner ou parler d’autres choses aurait sans doute, à ce moment-là, suffi.

En glosant autour de cette trame passionnante, Claude Guillon nous dévoile plusieurs curieuses qualités.

D’abord il excelle dans l’art de parler de ce qu’il ne connaît pas. Normal, en bon historien généraliste, il ne s’est pas renseigné. Il fait croire à une agression de taré qui aurait pris à parti n’importe qui (ou plutôt pas n’importe qui, justement, un des excellents amis de Claude Guillon), et n’aurait pas accepté qu’à brûle pourpoint la personne n’ait pas eu le même avis que lui. Il ne sait donc pas, apparemment, que la rixe en question a eu lieu après une longue et patiente discussion, et que l’énervement est venu suite à l’insistance particulièrement inquiétante, voire pénible ou proprement inacceptable vu les propos tenus, d’un qui s’était imposé, pour parler du sujet débattu, dans la discussion d’autres. Ce véritable Watson du sens des choses avait le loisir de se renseigner. Il ne l’a pas fait, du moins assurément pas de manière contradictoire. Il ne cherche même pas à préciser le contenu des tags dont il est question et commence dans son premier billet par gloser sur strictement n’importe quoi, comme si la précision en la matière était hors de propos. Le tag passe de « Ils [les CRS, nous précise-t-il, mais pourquoi pas l’État, les socialistes, l’oligarchie cosmopolite, ce gouvernement au service des patrons…] nous douchent avant de nous gazer » à une photo du tag avec le réel slogan, effectivement discuté ce soir là : « Le gaz, la douche, c’est douteux… ». Aucune différence pour Claude Guillon entre ces deux formules, il laisse en l’état son appréciation du tag imaginaire antérieur, qui n’a rien à voir et à partir duquel il a brodé son argumentaire, et qui ne soulève clairement pas les mêmes questionnements. Le fait qu’il ne prête absolument aucune attention, et ce de manière si ouverte, au contenu réel des tags et donc au contenu réel de la dispute montre que c’est évidemment un procès d’intention malveillant. Mais de quoi parle-t-il donc, à part du fait qu’il ne faut pas parler de ce dont il pense qu’il a été question ce soir-là ? D’ailleurs, il n’y a que lui pour parler d’une « plaisanterie de huit mots » (pour le tag qu’il invente totalement, pourquoi alors ne pas assumer comme d’autres collègues, l’usage de la fiction ?). Personne n’a parlé de plaisanterie, de trouver ça drôle ou même spirituel. Sur le fond, on y reviendra, notons tout de même cet ultime paradoxe de la pensée guillonesque : il intime l’ordre de comprendre les choses comme lui (alors qu’il affiche ne pas les comprendre) et il faut réagir à sa manière, c’est à dire pas. Mais comment faire pour se plier à cette exigence, alors qu’il proclame en même temps être le seul à « être Claude » ? Ce que nous confirmons d’ailleurs : il est lui, Claude est Claude Guillon. Ceci dit, en bons élèves, nous avons réagi à sa manière, en faisant un texte. Si Sire G. a besoin d’un fixeur de terrain, un autre homme de lettres en la personne de Serge Quadruppani, pourrait faire l’affaire. Chacun étant amoureux de sa propre plume et spécialiste de se regarder écrire, ils devraient sans doute se comprendre fort courtoisement. Voilà une belle paire. Ce vieil ami du diseur de mauvaise aventure était venu à la manifestation du 14 juin, surement pour prendre en photo avec son smartphone les lacrymogènes que se prenaient les autres, on peut les voir sur son propre blog (c’est là que les grands esprits d’écrivains se rencontrent), il pourra sans doutes apporter quelques lumières sur ces tags, puisque le tag en question y figure.


Sûrement a-t-il un avis ou même des informations, voire des scoops, qui sait, sur la question.

Ensuite Mister Guillon nous inflige une fort mauvaise exégèse, sur fond de contre vérités, de dénégation, voire de déni. Il y confirme qu’il n’y a rien à penser de ces tags. Comme son excellent ami, il n’en pense rien, mais il pense surtout qu’il faut empêcher quiconque d’en penser quelque chose. Et ce par tous les moyens. Par exemple en n’employant à aucun moment dans son exposé le terme « négationnisme » alors que c’était bien, plus que la question de l’antisémitisme qu’il évoque rapidement pour la balayer d’un revers de sa noble main, le centre de la discussion dont il restitue des échos déformés. Ce que notre auteur concède dans sa grandeur d’âme, c’est que le tag qu’il invente, est une « allusion au déroulé des opérations d’extermination menées dans certains camps de concentration nazis ». Or le mode opératoire en question n’est précisément pas le bon. Même à ce propos, il raconte n’importe quoi ! Quand et où y-aurait-il eu « douche », puis « gaz » ? Qu’est-ce que c’est que cette manière de jouer au funambule sans filet en appelant « camps de concentration » justement les camps d’extermination ? Il n’est pas certain que considérer Rassinier et la Vieille Taupe comme source sur la question soit propre à éclairer un esprit embrumé. Tant qu’on parle d’esprit embrumé, d’ailleurs, Maitre Guillon, qui ne rechigne devant aucun argument spécieux, convoque « l’humour juif », pour justifier le mauvais goût, qui, par la magie de l’euphémisme, pourrait allez jusqu’à couvrir un antisémitisme là ou potentiel. On ne dépliera pas ce raisonnement, déjà bien bancal, qui craint tout particulièrement, et à plusieurs niveau, à cet endroit-là. Ne serait-ce que ce présupposé que le fait d’être juif prémunirait contre l’antisémitisme. A chacun de relire, réfléchir, aller jusqu’au bout, et voir jusqu’où ça mène…


Comme il ne parle jamais du négationnisme, on ne saura pas si d’après lui l’« humour juif » pourrait aussi servir d’alibi contre ce « mauvais goût » spécifique. C’est dommage et ça enlève de la portée à son raisonnement, parce qu’il se trouve justement que c’est la base du procédé employé ad nauseam par Dieudonné — et ceux qui le défendent que ce soit ouvertement ou en minimisant ses propos — pour faire passer pour de l’humour ses éructations propagandistes racialistes, antisémites et négationnistes.


Claude Guillon en appelle donc à « l’humour juif » qui tombe comme un cheveu sur la soupe et alors qu’il n’y a que pour lui que ces tags ont une vocation humoristique, mais ni dans le texte premier, ni dans l’ajout postérieur, il n’est question en tant que telles des chambres à gaz, alors que c’était bien l’objet premier de la discussion. On a de ces oublis parfois… L’extermination est qualifiée de « dispositif antisémite », voilà une étrange formulation, sans grande pertinence, qui caractérise assez mal ce dont il est question et ses spécificités, qui essentialise un dispositif et perd de vue ce dont on parle concernant le dispositif, l’antisémitisme et le reste (parmi lequel le nazisme dont on n’entendra pas parler non plus). Nous ne souhaitons pas commenter là le fait qu’il puisse en arriver à considérer le négationnisme comme une « allusion » « irrévérencieuse à des personnes de confession ou d’origine juive ». Ceci dit et sans entrer dans un débat, sans doute passionnant par ailleurs – sachant que si on peut parler de l’humour et de ce qui fait rire, ce n’est pas avec n’importe qui – au sujet des spécificités de l’« humour juif » et des mérites comparés de l’humour selon les cultures (et les « races », sociales bien sûr, même pourquoi pas ?), il semble bien que, sans trop s’avancer, on puisse convenir que c’est un humour qui met en œuvre de la réflexion, de l’ironie, des jeux de situations, de sens et de mots. Autant le texte dont Guillon nous inflige la lecture n’est pas dépourvu de mots, autant, s’il est ironique, c’est bien malgré lui et, s’agissant du jeu intellectuel sur le sens et les situations, il en manque cruellement. Comment peut-il alors gloser et faire la leçon sur ce que manifestement il ne comprend pas et qui encore une fois n’est présent en rien dans le tag ? Aux athées ne plaise !

Il manifeste aussi une capacité certaine à passer du coq à l’âne, strictement, d’un tweet humoristique qui a fait le buzz à propos de l’exécution du prêtre par des illuminés qui se prennent pour le bras armé de Dieu, à une controverse vigoureuse sur un sujet politiquement délicat et important. Partir de « l’actualité » pour dire ce qu’on a à dire et qui n’a rien à voir, c’est assez nul. Quand ça conduit à mettre sur le même plan un partisan imaginaire, mais pas tant que ça, de Daesh avec un compagnon qui n’est pas d’une patience à toute épreuve face à la confusion et la bêtise quand elle est défendue politiquement, on peut appeler ça de la malhonnêteté. Ce faisant, il semble se prémunir par avance contre cette « traque » au « mauvais esprit » (esprit, au sens d’humour, sans doute…) dont il invente l’existence, mais dont il craint apparemment de pouvoir faire les frais, en imposant silence et absence de réflexion ou de questionnement sur ses positionnements passés et actuels.


D’ailleurs, qui est en train de proposer la traque (et bien pire puisqu’il s’agit de « mettre hors d’état de nuire ») de qui avec ces accusations publiques ?

Comme corollaire de ces bonnes vertus, il montre donc une capacité à saisir n’importe quelle occasion pour régler ses petits comptes personnels. En effet, renseignements pris, il se trouve, même si ça ne se voit pas, et pour cause, qu’il avait été fort respectueusement questionné (par mail privé, avec toutes ces formes du bon usage qu’un « fou dangereux » n’emploierait sans doute pas) par celui qu’il désigne à la vindicte militante, à propos de ses récentes courbettes à divers racialistes. Lui avait été demandé comment il les rendait compatibles avec ses autres prises de position. Pas de réponse honnête, de la temporisation, des faux-fuyants polis… et puis ce texte ! Faire brûler un interlocuteur trop curieux en place publique est sans doute une manière de clore la discussion. On peut s’étonner que cela prenne ce chemin. L’auteur, qui a plutôt la plume bavarde, n’a-t’il donc pas supporté de devoir défendre des positions finalement inconfortables ? A-t’il voulu punir définitivement celui qui se sera permis un regard critique sur le contenu de ce qu’il diffuse ?

Il fait aussi, et ce n’est pas là la moindre de ses qualités, la preuve d’une attitude tout à fait flicarde dans cette promptitude à qualifier les faits, à produire une version accusatoire et à désigner quelqu’un suffisamment précisément pour qu’une bonne partie de son auditoire virtuel voie de qui il s’agit, ce qui revient, en somme, à le livrer en pâture. En cela on peut dire qu’il hurle avec les loups puisque sa proposition de mise au pilori se trouve associée à nombre d’accusations, de menaces, voire de lâche trahison dont il a certainement eu au moins des échos.

Mais surtout, il sait faire preuve d’une finesse diagnostique digne des plus grand experts psychiatres de tribunaux. Parce que pour pestiférer celui qui le dérange par quelques mails, il faut d’abord établir un diagnostic : « fou dangereux » donc. Pourquoi pas « psychopathe asocial » ou « forcené bon à être exécuté », verbalement s’entend puisqu’on est un auteur de papier et de discours même si, tel Dieu, on les fantasme performatifs. Chacun son DSM et ses pratiques de « soin ». Il sera « fou dangereux » selon le bon Docteur Guillon. Mais au regard de quelle norme ? Et dangereux pour quel petit confort d’intellectuel organique d’un milieu à la dérive ? Peut-on être d’ailleurs si malveillant et si éloigné de toute pratique soignante, que, en admettant même que le diagnostic soit juste et désintéressé (en est-on capable, Narcisse invétéré ?), on se mette à crier à la face du diagnostiqué « au fou dangereux ! » par communiqué écrit, rendu immédiatement public, interposé ?

Plus encore on peut porter au crédit de notre auteur la maîtrise d’une rhétorique acérée pour séparer le fond de la forme, signe imparable de la volonté de refuser de penser sérieusement ce qui a pu se passer, de quoi il s’agissait, qu’est-ce qui a pu rendre une discussion suffisamment pénible pour que l’un des participants perde patience. Guillon marche dans les pas de son ami si insistant : il redouble, à l’écrit, la même volonté de clore à toute force la discussion. Parmi d’autres mots doux il se croit autorisé à ranger les contradicteurs qui ne lui plaisent pas avec « les fachos, les flics et les barbus » avec lesquels, comme chacun sait, il a déjà fort à faire et combat, non-viriloïdement, au quotidien, la plume ne pouvant en aucun cas être utilisée comme un attribut phallique, comme chacun le sait. On aimerait d’ailleurs avoir une définition de ce que seraient les pratiques « viriloïdes » dont il est question. Faut-il ranger dans cette intéressante catégorie déconstruite, celle des enragés, ou dernièrement celle du « cortège de tête » ? Est-ce à dire que toute conversation doit rester courtoise et qu’aucune altercation n’est licite ? On se retrouverait alors dans un moralisme victorien tout à fait délétère. Si c’est une critique pour faire le beau, l’esthète, le raffiné et le penseur que l’on déverse comme un ersatz de mépris de classe sur celui qui n’aurait pas autant de lettres et d’esprit, si cet anti-virilisme est celui que nous croyons, nous lui en laissons volontiers le monopole… Enfin, bien entendu, ces viriloïdes dont il entend faire la critique sont à placer parmi les autres « imbéciles », de droite, de gauche ou d’extrême radicalité (plate-bande réservée, Guillon’s Corporate). C’est faire preuve d’un véritable courage de professer ainsi le refus de « l’extrême » et de la « radicalité ». Un appel à rester dans le milieu du milieu, en somme, où on se sent bien. Pas trop de vague. Pour la subversion, on verra sans doute plus tard, ou ailleurs. Et s’il faut pour cela tolérer l’intolérable, allons-y, en toute courtoisie révolutionnaire !

Pour finir, la meilleure de ses qualités réside sans doute dans cette étrange manière de concevoir les rapports entre amitié et politique. Quand on est connu par Claude Guillon comme un « excellent camarade », on n’a pas à être contredit, quelles que soient les positions qu’on tient. Si avoir été croisé un millier de fois par Guillon confère le statut privilégié de béatifiable de l’anarcho-communisme, il faudrait tout de même veiller à ce que cela ne s’applique pas forcément à son éventuel concierge, kiosquier, boulanger, banquier ou confesseur, il faut que ça se mérite un peu tout de même… Pourquoi n’avoir pas proposé une distinction à porter à la boutonnière, ou parce qu’on aime à faire mine de refuser les honneurs et qu’on collectionne ce qui plaît à l’ancienne jeunesse, un simple badge ? Sinon un pin’s avec sa photo dédicacée ? Ou un slogan sobre « Je suis Claude G. » Mais il y a un risque de méprise sur la personne pour les admirateurs qui ne l’aurait pas rencontré en chair et en os. Plutôt alors un digne portrait stylisé comme celui figurant sur son blog, ou une photo de son chapeau, avec légende pour ceux qui ne sont pas sensibles à l’art du trait. En tout cas un signe distinctif pour que l’on sache alors qui il faut révérer et avec qui ne point parler politique ni s’embrouiller. On aurait tout de suite cessé de contre argumenter. « C’est un excellent camarade de Claude Guillon ! ». « Mon Dieu, taisons-nous, laissons le débiter la plus grande confusion, refuser de prendre en compte l’existence historique d’un négationnisme d’extrême gauche, laissons-le venir nous interrompre dans une conversation privée pour affirmer envers et contre tout que notre discussion n’a pas lieu d’être. » Dans les rues, les réunions, les parcs, de Paris et de sa banlieue, sachons donc laisser les ami-es de Claude Guillon raconter tout et n’importe quoi, ils connaissent le grand homme, ça devrait nous suffire. Il se trouve, il faut l’avouer, que cette carte de visite, en l’occurrence, nous a échappé, et que, même badge à l’appui, face au discours qui nous a été tenu et aux circonstances dans lesquelles les choses se sont déroulées, nous n’en aurions sans doute pas fait grand cas. Qui sait, nous aurions peut être prié ensuite pour que ce ne soit tout de même pas pris comme un blasphème ou une profanation par la trinité incarnée auctoriale et radicale.

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Car enfin que s’est-il passé ? De quoi était-il question pour que la conversation entre quelques camarades et quelqu’un qu’ils ne connaissent pas se termine par un échange de coups qui donne des vapeurs à notre vedette ?


Reprenons. En marge d’une projection/discussion publique, sur comment se défendre et l’interrogatoire, organisée par les Archives Getaway le 4 juillet, quelques camarades devisent pendant la pause sur un bout de trottoir. L’un d’entre eux restitue le contenu de deux tags inscrits sur les murs de Paris lors d’une des grandes manifestations contre la loi travail, celle du 14 juin 2016 : « nos rues ne sont pas des chambres à gaz ! » et « le gaz, la douche, c’est douteux ». Une discussion s’ensuit à propos de ce qu’ils en pensent, pourquoi leur contenu interroge et dérange, d’où cela peut bien venir, ce que cela peut signifier, dans un contexte ou certains groupes, enfants en cela aussi des situationnistes, et rompus à la captation et à la privatisation des énoncés, occupent largement les murs et placent leurs banderoles en tête des manifestations pour prendre, par le discours, une hégémonie sur ce qui circule et se donne à voir du mouvement… Pour le premier des tags, on se dit qu’il n’a pas forcément en lui-même de signification véritablement problématique, mais que voir écrit sur les murs aujourd’hui, dans une manifestation contre la loi Travail, « chambre à gaz » ne tombe pas sous le sens. On se dit à ce moment-là que ce tag est probablement sans grande importance. Mais quand même, si le Zyklon B était un gaz incapacitant utilisé par les Nazis pour le maintien de l’ordre, ça se saurait. Enfin il consonne avec le second, écrit dans la même manif, qui, quant à lui, semble beaucoup plus problématique. Outre qu’il relève de cette même thématique peu en lien avec l’actualité, l’allusion aux « douches » et l’adjectif « douteux » mettent son contenu en résonance avec le négationnisme old fashioned. S’il est certain que la formule est ambiguë et qu’on ne sait pas bien à la lecture, ce qui est « douteux », le sens premier, n’en déplaise à quelques exégètes partisans et à Claude Guillon, est bien qu’il est douteux (donc qu’on peut/doit douter) que du gaz et des douches aient été utilisés, et ce doute ne s’applique évidemment pas au présent. Prétendre le contraire, quand on a été ne serait-ce que contemporain des années 80 et des errements d’un certain nombre, est tout bonnement scandaleux. Si on veut faire dire à ce tag qu’il est contestable d’utiliser du gaz lacrymogène ou des canons à eau pendant les manifs et que ça rappelle « des heures sombres de l’histoire » comme on dit, il faut singulièrement en tordre le sens, et oublier « douteux » par exemple, ou lui substituer autre chose, qui aurait très bien pu être tagué à la place, si on avait cherché à ce que le sens soit clair. On se laisse le temps de réfléchir, on formule des hypothèses mais en tous les cas, il semble à chacun que le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a un jeu d’écho plus que « douteux » pour reprendre l’expression, s’inscrivant encore une fois dans un contexte assez particulier d’offensive antisémite et négationniste. Si certains font la sourde oreille à cette situation, le dernier livre de Bouteldja Les blancs, les juifs et nous, en est un vecteur et un symptôme particulièrement clair. Ce livre, édité à La fabrique, ayant été défendu et encensé sur un site qui a le même rapport aux énoncés que les communicants par tags, on peut peut-être légitimement se poser quelques questions, non forcément sur les intentions du ou des tagueurs mais, pour l’instant, sur l’ambiance qui appelle et permet ce genre de tags. On s’étonne d’ailleurs qu’ils soient en photo sur des sites d’information militants sans aucun développement critique, ni discussions. Quelqu’un avance alors que c’est peut-être à mettre sur le compte de l’inconscience et de l’ignorance.


L’échange amical, la conversation privée pourrait-on dire, et la confrontation d’arguments, sont interrompus et parasités très tôt et à de nombreuses reprises par un personnage très certain de son importance et très impératif quant à ses interventions, qu’aucun des autres ne connaissent. Il tient à intervenir pour convaincre le petit groupe qu’il n’y a rien à penser de tout cela et à dénier jusqu’à la possibilité de l’existence d’un négationnisme à l’extrême gauche. Il déroute la discussion et, pendant une bonne vingtaine de minutes, il faut se justifier du droit qu’il y aurait à s’en parler et recadrer quelques éléments minimaux concernant le négationnisme et l’antisémitisme, leur mode de déploiement par l’effet de confusion dans ces milieux (comme ça lui a été dit dans la discussion, de nos jours, personne ne se permet encore — mais jusqu’à quand ?— de se présenter ouvertement avec 3 blagues antisémites et une sortie négationniste ; on fait le faux naïf, on se demande, par des jeux de forçage, pourquoi tout cela serait important, si ça existe vraiment, on minimise, etc…), le vichyste Darquier de Pellepoix et l’usage de l’ « explication » par les douches par exemple, le « doute » comme ressort faurissonien depuis toujours, défendu ensuite, y compris par des ultra-gauches, des communistes, des libertaires et des anarchistes, au nom de la liberté d’expression et de la recherche. Les interventions de cette personne qui affecte de ne rien y connaître et de ne pas s’y intéresser, sont insistantes, confuses et, plus pénible, visent dans la durée à empêcher la discussion à laquelle il ne lui était pas nécessaire de participer, ainsi qu’à propager la confusion et l’idée que pour finir tout cela doit ne rien signifier. Il ne parle même pas des tags, et, quand on le sollicite à plusieurs reprises pour savoir ce qu’il en pense, il n’en dit rien et ne développe pas en quoi, pour lui, ils ne veulent rien dire. Il cherche tout simplement à empêcher que d’autres s’en parlent. Au bout d’un long temps de patience toute pédagogique, on finit par lui demander de nous laisser finir notre discussion tranquillement, ce qu’il ne fait pas et continue à servir sa propagande de la confusion tous azimuts, perlant le tout de propos pour le moins « douteux », puisque de « pourquoi on n’aurait pas le droit de comparer » cela passe à « pourquoi on n’aurait pas le droit de se poser des questions » (alors même qu’il nous empêche de nous en poser). Il gratifiera l’assistance d’un « je ne suis pas antisioniste » ce qui était-là pour signifier assurément qu’il n’était pas antisémite, démontrant par là une certaine imprécision problématique s’agissant des mots et des choses. Très imprécis, en effet, puisque son intention semblait être de donner des gages et qu’il n’avait pas été question de « sionisme » mais de négationnisme (et pourquoi en aurait-il été autrement ?). Mais sans doute est-ce encore une distinction sans aucune importance ? On finit par lui signifier qu’on n’est pas d’humeur à poursuivre cette discussion-là qu’on n’a d’ailleurs pas choisi d’avoir, ni quelque autre rapport que ce soit avec lui. Il persiste toujours. L’un d’entre nous finit par s’énerver un peu plus que les autres, ils en viennent aux mains et des coups sont échangés entre les deux personnes qui sont assez rapidement séparées. Une discussion assez complète aura lieu un peu plus tard avec un de ses amis venu demander des comptes à propos de l’altercation. Il avait assisté à distance à une partie de la scène et était déjà bien mal renseigné, par le camarade de Guillon lui-même, sur le contenu et le déroulement des échanges. Les uns et les autres finissent par s’écouter, voire plus ou moins se comprendre.


Dans les bribes de récit proposées par Claude Guillon, rien de tout cela n’apparaît. Pour les « insultes » qu’il évoque, il doit s’agir d’un autre épisode avec d’autres protagonistes, ou d’une exagération épique et littéraire dont cette histoire et ses protagonistes se retrouvent à faire les frais. Quant à « l’œil au beurre noir » nous n’avons pas fait passer de visite médico-légale postérieure aux deux participants à la bagarre, qui n’avaient pas l’air de souffrir d’atroces blessures ou contusions, en tout cas pas de quoi alerter une quelconque medical team. De même pour l’emploi choisi du terme « milice ». A force de rapport « douteux » à l’histoire, le professeur Guillon ne doit plus bien avoir les yeux en face des trous. Quand il parle de « milice », sait-il bien ce dont il s’agit ?


Quant à se considérer « l’incarnation du vrai prolétariat révolutionnaire », là, il faut reconnaître que nous avons été percé à jour. Nous nous excusons simplement de ne pas avoir demandé la permission pour se considérer tels : « autoproclamé », voilà le crime de lèse-majesté, sa sainteté Guillon n’a pas été consultée et n’a pas pu bénir cette quête rédemptrice, puisse t’il nous pardonner et nous déverser sa grande mansuétude !

Par curiosité, et pour peut être se faire aider à débroussailler un peu la confusion du texte du sieur Guillon, nous l’avons confié (le texte) à un pyschiatre/psychanalyste expert en pathologie de l’image et en narcissisme débordant. Pas de diagnostic de « fou dangereux » mais un bon client potentiel. Un récit des faits lui a été conté et il a tiqué sur la phrase « j’adresse exactement la même critique aux imbéciles, de droite, de gauche, ou d’extrême radicalité (d’un bord ou de l’autre), qui pensent que l’urgence est de dépister les « vrai(e)s » racistes ou racialistes, fût-ce à travers une plaisanterie de huit mots… » en remarquant que personne n’entendait « dépister » quoi que soit. Ce que l’on « dépiste » ce sont certaines maladies, le sida par exemple. S’il s’agit de traquer, ce qui ne fait pas partie des pratiques en cours répertoriées, il n’était pas question de chercher les « vrais », ni les faux, « racistes ou racialistes » (on remarquera que l’ami aime à noyer le poisson), d’ailleurs ils ne se cachent pas tellement, dans certains milieux on peut les cueillir comme les champignons après la pluie. Et puis, réagir vigoureusement face aux racistes serait donc en soi tout à fait inconvenant ? Ceci dit il y a des gens pour qui faire de la politique, tenir des points de vue et des engagements sert à autre chose qu’à remplir des feuilles d’encre et vendre des livres. On peut peut-être se demander si ce n’est pas plutôt la rareté des réactions, de tous ordres, y compris en en venant aux mains donc, face aux racistes (à toutes les espèces de racistes) et aux négationnistes qui doit consterner. Quant au « dépistage » même au sens métaphorique il appartient plutôt au registre de langage de certains entichés du dévoilement, et aux traqueurs et inventeurs de mensonge qui ont suivi les chemins du négationnisme.


Ici ou là on fait de la propagande négationniste, ou on s’en fait l’écho, ou on joue au con avec ça, personne à notre connaissance ne s’est encore fait « casser la gueule » pour ces raisons là, ce n’est pas que ce ne serait pas mérité, mais ça ne s’est pas produit.

Pour prendre un peu de champ, il se trouve qu’un certain nombre de personnes, en particulier dans ce qu’il reste des courants révolutionnaires, s’inquiètent, et semble t-il malheureusement à juste titre, de la résurgence des thèmes et motifs négationnistes, dans un contexte de banalisation assez diffuse et généralisée de l’antisémitisme, et plus particulièrement de la persistance de toute une propagande grise qui cherche à rendre poreux certains courants à ce genre de prose et aux modes de pensée qui vont avec ce méta-complotisme infect, véritable peste intellectuelle, qui a déjà fait, et ce à des époques pas si lointaines, et à plusieurs reprises, de la fin des années 70 au milieu des années 90 au moins, de sérieux dégâts chez les révolutionnaires, en particulier, mais pas seulement dans les courants nommés d’ultra-gauche.

Pour ce qui nous occupe là, sans aller très loin dans la réflexion, il est à peu près indéniable qu’on n’avait pas vu de tags relevant du registre négationniste, même par mauvais jeu ou bêtes comparaisons — explications qui sont encore loin d’être démontrées pour le cas présent — depuis bien longtemps (mais y en a-t-il jamais eu à l’extrême gauche d’ailleurs ?), et qu’il y a certainement quelque chose à en penser…


Mais c’est vrai que nous n’avons pas sur la question la grande expérience du Professeur Claude, expérience qui explique sans doute qu’il reste de marbre et éprouve ainsi le besoin de produire cet espèce de contre feu préventif. Nous ne nous sommes effectivement pas pris les pieds dans les faurrissonnades des années 80. Nous n’avons jamais été attirés par le miroir aux alouettes du dévoilement de ce « mensonge » formidable qui mettrait à bas le capitalisme et tous ses autres mensonges sans même avoir besoin de révolution : « le mensonge des chambres à gaz » ! Par manque d’habitude sans doute, la gymnastique mentale qui permet de s’ébattre, en tant qu’anarchiste distingué, dans un contexte où circule une bonne dose d’antisémitisme (de celui qui fait aujourd’hui par exemple parfois confondre « juif » avec « Israélien » et « Israélien » avec « l’État d’Israël »), en regardant ailleurs si les livres se vendent, si les filles sont rousses, et si son blog est bien garni d’anarchisme à la découpe, nous est étrangère.

D’ailleurs, sans même plonger dans des époques marécageuses, et au-delà de cette question précise qui le laisse tellement froid qu’il doit en écrire un texte, c’est un vrai capharnaüm en ce moment qui règne dans les positions de notre auteur, qui à force de se distinguer, finit par se faire rattraper par la normalité et par rejoindre le lit commun du fleuve tranquille qui mène tout un milieu radical vers les contrées de la race, jusque là apanage de l’extrême droite.


On n’a pas lu encore Pourquoi les femmes doivent s’intéresser à moi ? ni Comment être un bon libertaire comme moi à 18 euros, ni assisté à une de ses tournées promotionnelles. N’étant pas encore érudit en guillonisme, et pour en savoir plus sur cet excellent auteur qui a sûrement des raisons pour se comporter de manière aussi crapuleuse, nous nous sommes rabattus sur son blog. Nous y avons trouvés, en plus d’un hédonisme crasse, une pétition de Libération où justement la clique racialiste figure en bonne place. Des considérations passionnantes sur le Lieu Dit, avec l’appel à soutien écrit par Lordon et Hazan ; entre collègues, il ne rechigne pas à la solidarité, et n’est pas si regardant sur les contenus politiques. Encouragements sur fond de petite moralisation à y manger pour aussi peu cher que dans les autres petits restos sympas du quartier de Ménilmontant. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sauver un tel lieu si indispensable aux luttes ! Bouteldja y a fait la présentation de Les blancs, les juifs et nous, avec Hazan (son éditeur). Jusqu’où n’irait-on pas pour, via Libertalia, maison d’édition qui gratifia Hazan d’un excellent « camarade Hazan », dans un tweet postérieur à la sortie du pamphlet antisémite, tenir sa place dans le raout commercialo-éditorial sobrement intitulé Petit Salon du Livre Politique. Le « camarade Hazan »… encore un « excellent camarade » à ne pas contrarier ? C’est beau, l’esprit de corps et de camaraderie des vendeurs de papiers. La revue activement confuse Ballast et la propagande appelliste y ont trouvé aussi tout normalement leur place. Plus question d’esprit chagrin : on a donc pu trouver sur les tables du Lieu Dit un des écrits de Claude Guillon. D’ailleurs, cohérence éditoriale oblige, Libertalia est aussi l’éditeur de Pierre Tevanian, un des compagnons de routes des racialistes et promoteur invétéré du voile des autrEs. Alors Claude Guillon est-il devenu racialisto-compatible ? La question est plutôt de savoir dans quelle mesure il pourrait faire autrement.

Mais au-delà de ces ronds de jambes, comment comprendre, enfin, ce concentré de fiel, de dénonciation et d’accusation que nous a produit notre auteur ? Il se trouve que Monsieur G. tient à la distinction. Se distinguer, pour lui, est une préoccupation de tous les instants, la boussole de ses prises de positions. Il est même passé professionnel dans cet art : la distinction tous azimuts érigée en discipline. Peut être espère-t-il ainsi qu’enfin on le distingue. Dans la confusion en cours, ça donne de curieux mic-mac. Claude Guillon est contre la notion d’islamophobie, mais reprend à son compte le terme de « racisé », il pense que l’état fait exister des races, et qu’il n’est pas, du point de vue de l’état bien sûr, de la même race que les migrants ou les sans papiers. En plus, il les nomme étrangement dans son texte « réfugié(e)s », adoptant là la catégorie la plus dépolitisée qui soit, celle qui nomme l’infime partie des migrants, de moins en moins nombreux, que l’État veut bien protéger et qui voudrait faire mine que ce serait cette politique qu’il faudrait étendre, ce qui est politiquement désastreux, structurellement aberrant et pratiquement absurde. Voilà donc un des objectifs de ce billet d’humeur. Il y affirme discrètement son credo racialiste (comment comprendre autrement cette allusion au « racialisme » qu’il ne faut pas « traquer » ?) tout en protégeant ses arrières face à l’incohérence réelle de cette prise de position. Faire ainsi annonce publique au dépend des autres, c’est déplorable, c’est doubler la servilité qui consiste à montrer patte blanche, mais c’est bien la moindre des lâchetés de ce texte.

Dans ce contexte, complexe et contraint pour qui estime avoir droit à un certain confort d’auteur distingué, on comprend que ce qui brûle les entrailles de Claude Guillon, ce soit l’urgence de dire, par communiqué accusateur, diffamant et infamant, ses quatre vérités à un compagnon trop curieux à ses yeux, tout en exprimant un soutien indéfectible, mais relativement périssable, à la bibliothèque à laquelle ce dernier participe, la Discordia, bibliothèque anarchiste à plusieurs reprises attaquée pour ses prises de position véritablement courageuses. Avec de tels soutiens, la Discordia, qui n’en demandait pas tant, et qui n’a, en tant que telle, rien à voir avec la discussion en question ou le petit pugilat qui s’en est suivi, n’a plus besoin d’ennemis…

Alors, si « fou dangereux » désigne celui qui fait autre chose que protéger son petit potentat, sa place d’auteur et sa tranquillité bien méritée après des décennies de prises de positions courageuses, le plus souvent dans le sens du vent, parfois risquées, reconnaissons-le, — mais était-ce vraiment pour la bonne cause ? —, alors on peut effectivement dire que Claude Guillon n’en est pas un.

« A coups de marteau » concluez-vous, Chevalier Guillon. Alors au plaisir de vous rencontrer, au rayon bricolage peut être, plutôt du côté des faucilles…

D’autres participants à la discussion en question et quelques apaches.

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HUMEURS MAUVAISES DE SERGE QUADRUPPANI

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Serge Quadruppani, que j’ai cité ici récemment pour dénoncer la manœuvre gendarmique qui veut en faire le nouveau théoricien du prétendu «terrorisme» tarnacois, est très en colère contre moi.

Tellement en colère qu’il fait semblant de n’avoir aucun humour, et pour tout dire d’être un peu sot…

Quadruppani feint de croire que lorsque je le mets en boîte à propos d’une « préretraité bien méritée » à la campagne, je parle travail et gros sous. Et non, comme c’est le cas, de son ancienne carrière parisienne de « révolutionnaire-plus-grande-gueule-radicale-que-moi-tu meurs »…

Pourquoi fait-il ça ? Pour pouvoir, figurez-vous, ressortir de ses tiroirs un argument déjà utilisé par lui contre moi : la dénonciation « de classe ».

L’animal se souvient que j’ai évoqué, en 1995, dans 42 bonnes raisons pour les femmes de m’éviter (La Digitale, en libre lecture sur ce blogue), des titres hérités d’une grand-mère. Il en déduit que — grâce à 20 000 francs annuels ! — je n’ai jamais eu besoin de travailler et que je suis donc mal placé pour mépriser (dans ses cauchemars !) les prisonniers du boulot…

Ah le charme des catégorisations façon « révolution culturelle » chinoise !

Mais mon pauvre Serge, le livre en référence a été écrit entre 1993 et 1994 : il y a belle lurette (plus de trente ans) que les titres en question ont été vendus et l’argent utilisé notamment pour acheter cette maison bretonne… que tu connais bien, puisque je te l’ai prêtée et que tu y as séjourné avec une amie commune.

Je dois à la vérité de dire que tu t’es plaint de l’absence de chauffage… mais non de l’origine des fonds qui m’avaient permis de t’offrir un séjour au bord de la mer[1].

Allons, je ne te chicane pas là-dessus, nous avons tous nos petites contradictions.

D’ailleurs, comme tu le sais, je n’ai jamais laissé un(e) ami(e) dans la mouise (dehors ou en taule) sans participer à la solidarité. Je sais bien qu’aujourd’hui nous nous détestons… Cependant, si jamais tu te trouvais dans la gêne, menacé de te voir couper le chauffage (par exemple) dans tes rudes hivers, je serai toujours là pour toi.

On va trouver que je me dédis comme un cochon, mais j’ajoute une clause de conscience restrictive: ne compte pas sur moi pour t’aider à passer de survie à trépas plus dignement et moins douloureusement. Ton couplet sur Suicide, mode d’emploi «best-seller, recueil de recettes pour se tuer déguisé en pamphlet anarchiste» te prive de cette solidarité là. Un livre «pépère» qui te vaudra une arrestation, une dizaine de procès, des centaines d’articles haineux et des menaces de mort, on attend encore que tu nous en rédiges un…

Bref!

Tu t’engages à ne plus jamais écrire mon nom… Je fais tout comme toi ! Plus jamais le tien ne passera mes lèvres ou les touches de mon clavier, dès que j’aurai mis le point final à ce billet.

Même si l’on devait rétablir la peine de mort à ton seul bénéfice !

Juré, craché !

À ce propos, je comprends que tu sois tenté de capter une parcelle de mon immense renommée internationale en laissant entendre qu’il existe entre nous une telle intimité que tu puisses, comme tu dis, me « pisser au cul ». Mon souci historien de l’exactitude me contraint à démentir. Et quand je dis « Juré, craché », on voudra bien n’y voir aucune allusion à je ne sais quel rituel érotique sadien.

Ah ! Un dernier mot : que crois-tu que je fasse chaque jour, à Paris ou dans le train, tout comme toi cher collègue auteur ? Je « travaille ». Eh oui, kiwi !

Sans y être contraint pour manger. Par goût, par souci d’alimenter la pensée critique et le general intellect, pour conjurer (illusoirement, je sais) la décrépitude que tu évoques si bien et la mort qui vient.

L’exploitation salariale ou précaire, les réfugié(e)s sur le bitume, l’inégalité de nos conditions… Qu’y faire ?

La révolution communiste et libertaire, mon cher ex-camarade. À ça aussi — fort modestement, contrairement à ce que tu affirmes[2] —, je « travaille », avec d’autres.

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[1] J’ai entrepris depuis l’élimination fructueuse d’autres branches de la famille ; on comprendra que je ne puisse donner ici davantage de détails.

[2] T’entendre dénoncer un « donneur de leçon », ça vaut son pesant de truffes !

Capture d’écran 2015-01-15 à 14.38.41 On peut lire l’intégralité du texte de S. Q. sur son blogue.

Les gendarmes limousins repèrent la «Mouvance anarcho-autonome» entre les lignes

Un article de Mediapart nous apprend que la Gendarmerie a trouvé le moyen de lier dans une nouvelle trame fictionnelle Tarnac et la fameuse « Mouvance anarcho-autonome », dont j’avais retracé la généalogie sur ce blogue.

Incapables de s’adapter aux nouvelles formes de mobilisation, et même de les concevoir[1], les gens d’armes continuent d’appliquer des schémas militaires et policiers du XVIIIe siècle à des coordinations et des regroupements de circonstance.

C’est ainsi que l’éphémère et ectoplasmique « Assemblée populaire du Plateau de Millevaches », qui avait appelé au « blocage » de gendarmeries et de commissariats pour protester contre l’assassinat de Rémi Fraisse, semble apparaître aux pandores comme une espèce de nouvelle incarnation du « Comité invisible ».

Une nouveauté dans cette énième mouture d’un mauvais scénario, c’est l’apparition d’un deuxième chef d’orchestre clandestin : Serge Quadruppani. On sait (ou l’on apprendra) que je n’ai guère d’estime pour le personnage. Je serais assez tenté d’ironiser ici sur le fait que la gendarmerie confonde l’achat d’une maison de campagne[2] en vue d’une pré-retraite bien gagnée avec la démarche du général rejoignant le quartier général de l’insurrection qui vient.

Je crains que l’on ne puisse pas faire qu’en sourire.

En effet, nous assistons, après le fiasco de l’instruction judiciaire de l’ « Affaire Tarnac » et juste avant le procès qui va la conclure, à une tentative de « regonfler » le mythe de la pseudo-« mouvance anarcho-autonome » par l’adjonction… d’une nouvelle plume.

On vient d’apprendre que le FBI a surveillé Ray Bradbury pendant des décennies, incapable de trouver quoi que ce soit à lui reprocher, et contraint à hasarder une critique idéologico-policière du genre science-fiction…

Voilà qu’après avoir fait du livre L’Insurrection qui vient (dont je viens d’avouer ici-même la paternité) le pivot du dossier Tarnac, les flics ajoutent une nouvelle silhouette de « nègre » à celle de Coupat.

Certes on peut diagnostiquer là une réconfortante marque de confiance dans la puissance de la littérature (et du verbe, puisque ces crétins ont fait des analyses pour attribuer à Quadruppani la lecture du commentaire du film ci-dessous). Cependant, étant donné l’armement (lourd) et les multiples capacités de nuisance de ces services d’État, le fait qu’ils fassent montre d’une aussi abyssale connerie fait froid dans le dos !

Pour ces gens (d’armes), une société est hiérarchisée, un groupe a un chef, un texte a un auteur. Le texte étant le programme du groupe, il n’y a qu’à trouver l’auteur pour décapiter la hiérarchie. CQFD.

Bref, si le contrôle au faciès est plus que jamais d’actualité dans la « prévention anti-terroriste », l’insurrectionnalisme caucasien en général, et corrézien en particulier, sera désormais détecté et pourchassé selon la bibliothèque et la bibliographie des suspects.

On les tient, chef !

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Extrait de l’article de Mediapart dans lequel est cité le rapport de gendarmerie

À défaut de faits, il faut donc pas mal d’inspiration à la section de recherche de Limoges pour conclure le 18 mai 2015 à une action « d’individus formant la frange radicale de la mouvance anarchiste (…) regroupés autour d’une organisation auto-baptisée “Assemblée Populaire du Plateau de Millevaches” ». Dans ce rapport de synthèse, l’enquêteur voit dans l’Assemblée une « structure clandestine dont la finalité portait sur des opérations de déstabilisation de l’État par des actions violentes ». Et, dans une vision très policière, il la dote de deux théoriciens, Julien Coupat et le romancier Serge Quadruppani.

Voici l’intégralité du passage intitulé « Historique de la mouvance anarchiste du Limousin ».

« Dans les années 90 jusqu’au début des années 2000, des individus affiliés à des mouvements libertaires d’ultra-gauche s’installaient en Haute-Vienne, notamment dans les communes de Nouic, Blond, Cieux et surtout Bussière-Boffy. Ces installations accompagnées d’implantations de yourtes engendraient une profonde discorde avec les élus et la population.

À partir de 2008 et suite à la médiatisation de l’affaire “des inculpés de Tarnac”, de nombreux membres se revendiquant des milieux anarcho-autonomes rejoignaient le “Plateau de Millevaches” situé aux confins des trois départements de la région du Limousin pour se rassembler autour de leur leader charismatique et idéologue, le nommé Julien Coupat (mis en examen et incarcéré dans l’affaire citée supra relative à des actes de terrorisme sur les lignes du TGV français). Ces nouveaux arrivants bénéficiaient alors d’appuis de certains élus locaux et de personnes déjà installées et ralliées à leur cause. Au fil du temps, émergeait alors une structure clandestine dont la finalité portait sur des opérations de déstabilisation de l’État par des actions violentes menées au cours des manifestations d’importance.

Cette communauté anarchiste se regroupait finalement dans un mouvement baptisé “L’assemblée populaire du Plateau de Millevaches”. Son observation permettait de mettre en évidence que celle-ci était régulièrement fréquentée par de nombreux sympathisants belges, suisses, italiens et allemands ainsi que par de jeunes activistes originaires de différentes régions de France. Très méfiants, les membres de cette mouvance adoptaient une attitude de délinquants d’habitude. Au delà de ce mode de vie qui s’apparentait à la théorie prônée par Coupat Julien et Quadruppani Serge (considéré comme l’un des fondateurs), ces individus affichaient une volonté d’agir de manière concertée avec comme seul but de porter atteinte à l’État, à l’autorité de celui-ci et à ses infrastructures. Ils obéissaient ainsi à une doctrine “philosophico-insurrectionnaliste”, tel qu’il était mentionné dans un pamphlet intitulé “L’insurrection qui vient”.

De ce fait, ils s’agrégeaient systématiquement à des mouvements de mécontentement écologistes, altermondialistes, anti-nucléaires, etc., prenant systématiquement pour prétexte certaines initiatives gouvernementales qu’ils baptisaient de “grands projets inutiles et imposés par le gouvernement ou les collectivités territoriales”. La violence à l’égard des forces de l’ordre avec la volonté de porter atteinte à leur intégrité physique apparaissait toujours dans les slogans de ces individus.

La mort de Fraisse Rémi donnait alors une nouvelle tribune à ces activistes et servait d’argument aux fins de mener des actions violentes contre les intérêts de l’État et ses représentants. Ils espéraient ainsi entraîner dans leur sillage les lycéens, écologistes, anticapitalistes, etc., souhaitant défendre cette cause et dénoncer la position du gouvernement. »

Ci-dessous l’«Appel» dans lequel les gendarmes ont voulu entendre la voix de Quadruppani (une chose est certaine, ça n’est pas lui qui parle!) et peut-être lire sa prose.

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[1] Ce qui pourrait faire seulement rire, si hélas ! la même lamentable incapacité ne les paralysait quand il s’agit de comprendre la galaxie islamiste.

[2] Serge… Pas une yourte, tout de même ?

CLAUDE GUILLON, UN CADAVRE — par un non-lecteur énervé de “Comment peut-on être anarchiste ?”

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C’est grâce à une alerte Google (je suis résolument moderne !) que j’ai pu prendre connaissance du charmant texte d’anticipation que je reproduis ci-après.

Mais revenons quelques mois en arrière : Fin décembre 2014, un garçon qui signe du pseudonyme Patlotch (il m’indique son prénom, plus banal que cet anagramme de potlatch), dans mes âges je suppose, répond gentiment à une demande de renseignements publié sur mon blogue historien La Révolution et nous. Il se présente et me dit ce qu’il a lu de moi : « J’avais notamment lu (et relu) ta critique de la communisation puisque j’ai été un “compagnon de route” de ce “courant” entre 2005 et 2010, refusant de m’engager dans SIC (revue internationale…). J’ai regretté que tu partes de la vulgate pédagogique de Léon de Mattis pour le faire, et la conséquence, que tu surfes un peu sur le fond… Au moins ai-je bien rigolé. Merci. »

Pourquoi je t’écris ?

1) d’abord parce que tu m’en donnes l’occasion avec ce nouveau blogue et la présentation que tu en fais là. J’y suis venu plus souvent que sur le précédent pendant le transfert de l’ancien, curieux et intéressé, vu aussi mes propres ? cogitations… errements… ma propre quête initiatique ton blogue est bien présenté et agréable à parcourir, on trouve assez facilement ce qu’on cherche, vu les possibilités multiples. Je pourrais critiquer tes rubriques, mais bon, ce sont les tiennes et elles correspondent à ton genre d’interventions, à ta personnalité, au centre de gravité de tes préoccupations… perso, j’ai aussi adopté le style de courtes chroniques avec un avis personnel assumé comme tel, quasi quotidiennes, avec moult liens et références comme plaque tournantes de questions et positions qui sont en “discussions” entre théories plus qu’entre théoriciens (chacun garde ses veaux, ses cocochons, et ses cruches, l’idéologie c’est les autres.

2) sûr que nous n’avons pas le même parcours, et en plus je ne suis pas comme toi un grand homme célèbre (dit sans ironie) d’un quelconque milieu, j’ai fini par les fuir tous comme la peste, pour autant que je ne finisse pas comme Palante, ou Cioran, bien que la solitude ne me déplaise pas néanmoins, bien que tu “théorises” moins que moi les choses, j’aurais du mal à parler vraiment de désaccords où je vois plutôt des différences d’approches, de centres d’intérêts et sans doute de visées. Disons que de caractère et d’expérience je suis plutôt “anarchiste indépendant” — j’invente ce label pour l’occasion, et de raison “communiste”, pour autant que ce distinguo ait un sens (tu vas sortir “Comment peut-on être anarchiste ?” et si ça se trouve on trouverait bien des points communs si j’écrivais “comment peut-on être communiste ?” puisque je passe une bonne part de mon temps à proposer des réponses qui ne heurtent pas ce que je suis de fait, une espèce de rebelle, nonobstant mes vœux pour la révolution).

3) peut-être, selon ta réponse, t’enverrai-je ici ou là quelques remarques à tes écrits, ou bien le ferai-je sur mon blogue comme à mon habitude de “débats virtuels” (exemple : j’ai relevé récemment ton texte sur la rentrée française de Quadruppani ; du coup j’ai parcouru son blogue à lui, trop drôle après ton papier, vu ce qu’on peut y trouver de complaisance plus que de prises de positions et moins encore de critiques un tant soit peu solides) bon, c’est déjà bien long, j’arrête là, tu me diras… bonne continuation et bon courage.

Amicalement, Patlotch

Il m’explique rapidement où il vit et avec qui (une compagne, un fils, deux chats). Un contact humain fort agréable à priori.

Après la mort de ma mère, et la publication du texte « Vous faites erreur, je ne suis pas Charlie », il m’envoie un message de condoléances et d’encouragements.

Une autre fois, il regrette de s’être trompé dans la date d’un concert où il espérait me saluer. Nous échangeons d’autres mails. Quand il crée un forum internet sur la « communisation », je le signale sur ce blogue, et il m’en remercie sur le forum.

Comment ses yeux ont-ils été aussi brutalement dessillés ? Peut-être est-ce d’avoir regardé de trop près le cul d’une bouteille, vidée un soir de vague à l’âme ? Quel a été le déclencheur de sa colère ? Peut-être la recension — trop élogieuse à son goût — de mon dernier livre dans Le Monde libertaire (pour une fois que… !).

Toujours est-il que c’est « feu sur le quartier général ! », dans un style très maoïste, avec examen sévère de l’origine de classe, plus quelques allusions extravagantes : quelles sont ces « relations dans le journalisme parisien » que je préfèrerais (et à quoi ?) ? où et quand Diable ai-je « boycotté une boulangère kabyle » ?!?!…

Ayant renoncé au projet, dont il m’avait aimablement fait part, de lire mon livre, il tape à l’aveugle, m’adressant par exemple le reproche que j’adresse souvent à d’autres : confondre « domination » et « exploitation » (dont je suis censé ne rien dire…).

Le titre du papier et la citation d’André Breton renvoient au pamphlet collectif signé par les surréalistes contre Anatole France. Cette double transfiguration — moi en Anatole France, et Patlotch en André Breton — demande peu de moyens et n’est évidemment pas à mon avantage.

Cependant, je n’irai pas jusqu’à me plaindre de ces procédés.

En effet, on m’avait traité jusqu’ici d’à peu près tout : assassin en série de suicidaires éperdus (discrète allusion dans le texte, comme on le verra), harceleur de jeunes filles, violeur de petits garçons (les jours impairs, je suppose), agent secret nazi (ou quelque chose d’aussi peu sympathique), mais jamais de « salope ».

Or, vous l’ignorez peut-être chères lectrices, chers lecteurs, si vous n’êtes pas familiers du folklore post-pro-situ-ultra-gauche, quand on est un homme et qu’on n’a pas été traité de « salope » à 65 ans, eh bien on a raté sa vie ! Allant, vivement, sur mes 63, c’était un peu pour moi le dernier carat.

Me voilà, certes, prématurément refroidi, mais au moins puis-je crever l’âme en paix, « salope » estampillée pour l’éternité…

Donc, merci à toi, anonyme et prolétaire camarade « communisateur » !

Nota. Je laisse aux personnes intéressées le soin de se rendre sur le Forum Communisation ; elles pourront y consulter, outre le texte original publié ci-dessous, un ajout dans lequel mon fossoyeur assure ne « même pas arriver à [me] trouver antipathique ».

Encore une bonne nouvelle : je l’ai échappé belle !

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« Il ne faut plus que mort, cet homme fasse de la poussière. »

André Breton, Un cadavre, 1924

Parlons peu parlons bien. Depuis trois ou quatre décennies dans les revues « radicales » et depuis deux ou trois sur Internet, l’étiquette radicale se porte bien, de blog anar en libertaire, qui anti-autoritaire qui antifa, qui garantissant sa pureté issue de l’ultragauche ou de l’autonomie ouvrière (qu’ils n’ont jamais vécue), qui reconverti en abolitionniste d’un prolétariat ayant perdu son identité de classe mais pas sa destinée, à leurs yeux en dernière instance, de s’auto-abolir ces gens-là, que j’ai tous peu ou prou épinglés ad nominem, sont vieux ou jeunes — les jeunes gauchistes font les vieux cons — ils ont plus ou moins de thunes, mais la plupart ne sont ni de souches ouvrières ni d’origines ethniques ou raciales leur ayant donné une expérience de la chose, de la misère ou du racisme, ou des deux. Des trois, puisque ce sont généralement des mecs, et les nanas de ces milieux itou, question origines sociales ou raciales ce sont pour la plupart des gens instruits, qui s’expriment avec facilité, à l’écrit sinon à l’oral : dans une réunion publique, beaucoup sont moins bavards qu’en ligne, pseudonyme ou pas (Guillon parle à Radio Libertaire avec les mêmes effets de langage qui vous distingue, à France Culture). Il leur est donc facile de résister à l’insulte commune : « intellos ». Mais, dans le sens que ce terme a pris dans les écoles des quartiers, ils sont bien, de fait, comme ces « intellos », c’est-à-dire des jeunes issus de milieux leur ayant offert, ou leur offrant, les moyens d’études longues et de meilleurs débouchés dans la société. Qu’ils fassent le choix de la refuser n’y change rien : ils seront toujours avantagés sur les prolos français en surplus.

Claude Guillon, un cadavre

Quand on voit un Claude Guillon, anarchiste de plume, et l’éloge de son dernier bouquin dans Le Monde libertaire : « Une écriture mordante et radicale », la modestie avec laquelle il affiche ça sur son blog « généraliste », quand on sait le peu d’expérience et de feeling prolétaire qu’il y a dans son « communisme libertaire », quand on a vu des années le relai complaisant à son texte creux au niveau théorique « Communisation, l’impensable projet », quand on sait d’où il vient : un privilégié de la race et de l’argent — issu de la petite bourgeoisie parisienne, deux parents chirurgiens-dentistes… — on comprend tout l’anarchisme de ses textes, tout son égo-narcissisme d’écrivain avec un brin de talent (pas difficile, élevé au milieu des livres, comme Dauvé…), quand on sait qu’il préfère ses relations dans le milieu du journalisme parisien, à mettre en lien de son blog des références de classes, qui feraient tache sur sa réputation mérité d’anarcho à plume du troisième âge, en mal de laisser une trace dans la littérature radicale, ils l’ad-maîtron… ton cinoche, Guillon, profites-en avant de passer. Il est en train de s’effondrer, le tien et celui d’autres, qui ne peuvent plus montrer leur petite culotte d’écrivain licencieux sur les marches du festival radical en ligne, bien de plus grande valeur intellectuelle pour leurs apports théoriques, et par conséquent moins célèbres que toi médiatiquement (les luttes suicidaires de prolos brûlant leur boîte, ça rapporte moins que tes méthodologie aux petits oignons de Suicide mode d’emploi, et itou pour tes conceptions de l’amour, qui ne sont pas prêtes de faire un tabac dans les banlieues : très fier, il y a quelques années, de boycotter ta boulangère kabyle : Oh secours ! Ma baguette parisienne ! Ni dieu ni maître ! Ni boulangère arabe ! bobo-Guillon si courageux pour te faire mousser, Peux-tu te dire anarchiste ? Sans problème, vu ce que c’est devenu aujourd’hui, c’est pas difficile. Et ta dernière ineptie — si j’en crois Le Monde Libertaire —, concernant le net qui va permettre une révolution pacifiste (mais c’est d’génial !), c’est d’une naïveté confondante et d’une ignorance crasse du fonctionnement des tuyaux : à part peut-être les vieux papiers de la révolution française, tu n’étudies rien sérieusement ajoutons-y les ronds de jambe au sergent major obsédé par l’antisémitisme et muet sur le racisme de classe anti-arabe : Yves Coleman, et à votre pote Floréal du même genre flirtant avec l’idéologie française sur les terres de Manuel Valls, en bon demi-négros du côté des maîtres alors, Guillon Claude, anar de papier qui t’offusque du mauvais service de la SNCF (que font les cheminots ? merde !), t’es beaucoup plus Charlie que tu ne veux bien le dire, y compris dans ta recherche, un peu vaine, de l’anarchie fondamentale dans la Révolution française, bien de chez nous (t’iras pas voir aussi loin que Baudelaire, c’est sûr, aucune fleur des îles ne te fera du mal)
En vrai, t’as pas un mot sérieux contre le capital, l’exploitation capitaliste pour toi, c’est la domination, les flics, les sans-papiers ça fait partie de ton folklore, un passeport pour ta bonne conscience et chez le bobos anars de base… Pas un mot contre le racisme d’aujourd’hui particulièrement contre les femmes « indigènes », t’es pas foutu de mettre les pieds dans les quartiers dont tu ne parles jamais, ou pas mieux que le Figaro et Libération : t’es juste un petit-bourge blanc, 20 ans post-68, devenu vieil anarchiste ayant acheté ton charisme dans l’édition, si peu « parallèle » et sans aucun risque que de récupérer plus tard ton pognon, un vieux con mais qui impressionne encore moyennement les jeunes idiot.e.s de ton milieu social, et racial.

Tu peux crever, salope, avec l’assurance qu’ils te feront, en face, de belles obsèques. Je ne m’y rendrai pas. Mais n’aies crainte, je n’irai pas cracher sur ta tombe.

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TERRORISATION : LA PEUR COMME ARME ET COMME MARCHANDISE (2011)

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éjà remarqué comme auteur de L’Ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine (La Découverte, 2009), Mathieu Rigouste vient de publier chez Libertalia, dans la même collection « À boulets rouges » où j’ai publié La Terrorisation démocratique, un essai très complémentaire du mien. L’auteur y traite en détail d’un aspect que je n’ai fait qu’évoquer : Les Marchands de peur. Il est sous-titré : La bande à Bauer et l’idéologie sécuritaire. Il démontre notamment comment un certain nombre de personnages, tels Alain Bauer et Xavier Raufer, sont parvenus à maîtriser les deux « manettes de commande » de la production et de la vente de peur. D’une part ils occupent des postes dans des institutions ad hoc et des médias, au sein desquels ils théorisent la fabrication des menaces, extérieures ou intérieures, qui sont censées justifier un arsenal juridique (que j’ai analysé) et militaro-policier ; d’autre part, ils vendent directement, aux entreprises ou aux collectivités locales, leur « expertise » en matière de « sécurité ». L’immense avantage de ce système est de s’auto-alimenter, une fois lancé. « En l’occurrence, c’est bien la sécurisation qui fait augmenter le “sentiment d’insécurité”. Ainsi, plus on déploie de policiers dans une zone, plus se répand l’idée que la zone est “à risques”. » (p. 20)

Fidèle au «cahier des charges» de la collection, le livre de Rigouste est facile à lire, court (150 p.) et bon marché (8 €).

On aimerait pouvoir attribuer les mêmes qualités au livre de Serge Quadruppani intitulé La Politique de la peur (Seuil, coll. « Non conforme »). Certes facile à lire (mais l’auteur avait habitué son lectorat à une écriture, ici absente), et correctement documenté, l’ouvrage est plus long d’un tiers et plus de deux fois plus cher (la remarque vaut dans une comparaison avec le livre de Rigouste comme avec le mien).

J’avais cité en bibliographie le premier livre de Quadruppani sur la question (L’Antiterrorisme en France, ou la terreur intégrée : 1981-1989, La Découverte, 1989). Il cite honnêtement La Terrorisation, à trois reprises, dans La Politique de la peur.

Si les bonnes manières se trouvent ainsi heureusement illustrées de part et d’autre, exercice méritoire de la part de gens qui ne se saluent plus depuis quinze ans, il était un motif particulier d’attendre l’ouvrage de Quadruppani. Son livre de 1989 lui donnait une légitimité incontestable sur le sujet, mais le fait de publier après La Terrorisation, paru en 2009, présentait évidemment une difficulté. Pour le dire rapidement : il fallait faire visiblement mieux, ou au moins aborder le sujet, identique, d’une autre manière. Lire la suite

Michel Onfray ou «l’esprit de l’escabeau» (2010)

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Lettre sur le néant adressée poche restante à M. le directeur de la rédaction du journal Le Monde.

 

Monsieur le directeur,

Vous avez jugé opportun de publier dans votre édition datée dimanche 2 & lundi 3 mai 2010 un portrait photographique de M. Michel Onfray, professeur de philosophie en disponibilité, récemment embauché par vos soins comme « chroniqueur associé » (je cite la médiatrice du journal, dans la même livraison).

Votre quotidien a mérité de longue date une réputation de sérieux, parfois teintée d’un soupçon de rigorisme, que l’emploi de la photographie et de la couleur est venu depuis peu tempérer (je parle du rigorisme).

En deux mots comme en cent, vous n’êtes pas du genre à gaspiller les arbres pour y coucher des extravagances, encore moins si ces dernières sont imprimées en quadrichromie.

Aussi bien devais-je me rendre à l’évidence : si vous aviez décidé de consacrer le quart de la page 17 de votre numéro 20301 à un portrait de Michel Onfray, il devait y avoir de sérieuses raisons signifiantes à la chose.

Et ce d’autant plus, si vous me permettez une remarque qui pourra paraître empreinte d’aigreur à vos lecteurs [ceci est une figure de rhétorique], que nous n’avons pas été précisément privés de portraits de cet auteur depuis la parution de son pamphlet contre M. Sigmund Freud, psychanalyste viennois, hélas décédé avant d’avoir pu prendre connaissance de l’ouvrage qui l’accable. Lire la suite

Peaux de lapins ! La «Fusillade de Vincennes» (1994)

Le mardi 4 octobre 1994, à 21 h 25, Audry Maupin (22 ans) et Florence Rey (19 ans), braquaient les deux policiers en faction à la pré-fourrière de Pantin et leur volaient leurs armes. Ils obligeaient un taxi à les mener place de la Nation. Le chauffeur entrait volontairement en collision avec une voiture de police. Dans la fusillade qui s’ensuivit, il fut abattu, ainsi que deux policiers. Un autre fut blessé, ainsi que deux passants. Le couple contraignit ensuite un automobiliste à les emmener dans la direction de la porte de Vincennes. La voiture fut prise en chasse par des motards. A 21h 50, une dernière fusillade éclatât. Un motard fut tué, le jeune homme mortellement blessé, sa compagne arrêtée.

Dès le lendemain soir, Charles Pasqua donnait à la télévision la version officielle des faits et rappelait que le peu de réalité de ce monde est d’abord garanti par le ministère de l’Intérieur : « Dans une certaine mesure, les deux malfaiteurs relèvent plus de la psychiatrie que d’autre chose. Ces jeunes gens désespérés sont enfermés dans un fantasme de théories anarchistes visant à détruire la société. » S’appuyant notamment sur un texte signé d’une « Organisation de propagande révolutionnaire » retrouvé à Nanterre, dans le pavillon squatté par les jeunes gens, la presse allait agiter l’épouvantail de l’anarchie : « Les anarchistes meurtriers de Nanterre », titrait France-Soir (6 octobre) ; « L’équipée sauvage de deux apprentis anars » titrait Libération le même jour ; L’Événement du jeudi (13 octobre) annonçait « Le retour de l’anarchisme “moléculaire” » !

Je pris l’initiative de contacter plusieurs camarades de différentes sensibilités (autonomes, libertaires, ultra-gauche) pour leur soumettre un texte d’abord, l’idée d’une brochure ensuite.

Le texte qui suit a d’abord été diffusé de manière militante, puis publié notamment dans Alternative libertaire (Bruxelles ; janvier 1995 sous le titre « Deux camarades ») et dans le Bulletin d’information de la 2e UR/CNT (n° 47, 15 janvier 1995), organe de la « CNT [Confédération national du travail, anarcho-syndicaliste] de la rue de la Tour d’Auvergne » (quand la CNT de la rue des Vignolles ne soufflait mot ni de l’événement ni de notre réaction). Il sera repris dans une brochure de quarante pages intitulée Quelques leçons sur l’affaire dite “de la fusillade de Vincennes” (supplément au n° 4 de Auberge Au Libre Olibrius, avril 1995), dont le texte de présentation est cosigné par les mêmes auteurs que « Peaux de lapins ! » : Hervé Delouche, Jimmy Gladiator, Aris Papathéodorou, Serge Quadruppani, et l’auteur de ces lignes[1].

Les notes et ajouts entre crochets sont de ma plume.

Deux camarades

Audry Maupin et Florence Rey ne sont pas inconnus dans les milieux libertaires et « contestataires » parisiens. Ils ont fréquenté les librairies, les lieux de réunion, les groupes que nous animons ou avec lesquels nous avons des contacts. Ils sont bien connus de beaucoup de militants et ont notamment participé au mouvement anti-CIP.

Mieux, Audry et Florence ont activement milité en 93-94 dans la mouvance libertaire. À l’automne 1993, Audry a ainsi participé à une action publique spectaculaire — au cours de l’occupation des bâtiments administratifs de la faculté de Nanterre (pour l’inscription d’étudiants étrangers) — pour laquelle ses talents de grimpeur le désignaient : l’escalade d’une tour pour y accrocher une banderole. Cette action, menée par des syndicalistes de la CNT-FAU et de l’AGEN-UNEF, et des étudiants non-syndiqués, s’est déroulée au vu et au su de tous, journalistes compris.

Il nous semble que la première réaction qui s’imposait à l’annonce de l’équipée de la nuit du 4 au 5 octobre, de la mort d’Audry et après les déclarations de Pasqua était d’affirmer publiquement et simplement que ce garçon était (ou avait été) un camarade. Ce que ses camarades d’escalade de l’« Union sportive ouvrière de Bezons », ont su faire, les anarchistes s’en sont montrés incapables.

Nous imaginons bien que c’est la crainte des tracasseries policières qui a motivé et qui motive encore le silence de ces gens.

Certains déménagent leurs archives et leurs carnets d’adresses, d’autres chuchotent qu’il « n’est pas facile de prendre position ». Nos yeux éberlués ont même vu des autocollants « Anarchistes pas tueurs » signés « Apache ». Qu’elle soit l’œuvre d’un égaré ou d’un groupe [la première hypothèse était la bonne, le groupe Apache ayant démenti toute implication], cette initiative coliqueuse en prépare sans doute d’autres : à quand « Anarchistes pas voleurs », signé « Groupe Jules Bonnot » ? En tout cas, pour l’heure, tout le monde rentre la tête dans les épaules et attend.

Notons que l’embarras et la censure sont également partagés par une presse naturellement hostile à nos idées et par des anarchistes. Le même texte de Serge Quadruppani (« Lettre à Florence ») a été refusé par Libération et par Le Monde libertaire. Ce cordon sanitaire spontané aide à présenter la révolte de Florence et d’Audry comme un « coup de folie » sans aucun rapport avec la société dans laquelle il est né.

À nos yeux, la peur — compréhensible en elle-même — ne saurait justifier le déshonneur. De ce point de vue, le mal est irrémédiable. Mais il y a pire pour des gens qui se veulent militants révolutionnaires : le silence est une lourde erreur tactique. (Il s’agit bien ici du silence des militants et non de celui de Florence, militante entre les mains de la police, qui est au contraire digne d’éloge et dont nous verrons combien sauront s’inspirer quand viendra leur tour d’être interrogés).

On pouvait être certain que l’enquête (de longue haleine) entamée par les policier déboucherait sur des arrestations de « complices » réels ou supposés. Outre le fait que trois de leurs collègues ont été tués, ce qui est une motivation psychologique et politique suffisante, on peut noter qu’ils se sont abstenus de procéder immédiatement à des perquisitions et de livrer aux journalistes les éléments qu’ils possédaient sur les activités d’Audry et Florence (contacts avec des groupes libertaires ou radicaux, participation au mouvement anti-CIP, etc.).

Dans ces conditions, le seul contre-feu possible à mettre en place consistait et consiste encore à dire publiquement « Oui ce sont des camarades, oui nous avons milité ensemble, non nous n’étions pas au courant de leurs projets ». Ayant dit cela publiquement, il est beaucoup plus aisé de s’en tenir là et de refuser d’ajouter quoi que ce soit dans les locaux de la police judiciaire.

Le silence gêné et les gesticulations vaines « en coulisse », adoptés jusqu’à présent, accréditent l’idée aux yeux des policiers (ce qui n’a pas grande importance), mais surtout aux yeux de la presse et du public (ce qui en a beaucoup plus) de relations honteuses, cachées, et donc d’un « complot » terroriste. Il sera trop tard pour pleurer ensuite sur la méchanceté des médias et l’odieuse campagne antianarchiste qui se prépare.

Dire que « la vérité seule est révolutionnaire » n’est pas ressasser un slogan moraliste, c’est énoncer une vérité stratégique toujours vérifiée.

Dans ces conditions, il est lamentable que les seules réactions de la Fédération anarchiste, qui dispose d’un hebdomadaire, ait été un communiqué, puis un article, l’un et l’autre totalement hors sujet. Le surtitre et le titre de l’article en question donnent une exacte idée de l’intelligence de son contenu : « L’affaire Florence Rey et Audry Maupin — Les anarchistes de plus en plus crédibles, Pasqua panique » (Le Monde libertaire, n° 970, 13 au 19 octobre). Ce genre de fanfaronnades est particulièrement mal venu, quand les libertaires, dès que ça chauffe pour eux, se manifestent surtout par un silence comateux et le souci prioritaire de « sauver les meubles ».

Une structure organisationnelle, une librairie, une radio, un journal, sont des outils qui doivent servir (entre autres) à réagir plus rapidement et plus efficacement dans des situations d’urgence. Ils doivent également être des lieux de débats à chaud et au grand jour entre les militants[2]. S’ils transforment les militants en petits possédants, terrifiés à l’idée de perdre leurs acquis et prêts à tous les renoncements pour les conserver, ces outils deviennent nuisibles[3].

Romantisme révolutionnaire et nécrophilie

Le plus grave est qu’à l’abri de ce silence public se développe dans certains groupes un culte du martyr (« Un des nôtres est tombé »), voire une glorification à bon compte de l’« action » menée.

Rappelons que, visiblement, l’équipée d’Audry et de Florence avait pour objectif immédiat de se procurer des armes (dans un but que nous ignorons) et non d’assassiner les premiers flics venus. Ils auraient pu sinon tuer les deux flics de la fourrière. De ce point de vue, leur aventure se solde par un échec « militaire » lamentable et rappelle plus une scène tragique de roman noir qu’un fait d’arme de la guerre sociale.

De plus, il est bon de préciser que la mort de trois policiers ne saurait en aucune manière être considérée comme une « compensation », ni d’un point de vue arithmétique ni d’un point de vue politique.

La violence sociale collective lors de manifestations (comme celles qui se sont déroulées lors du mouvement anti-CIP à Nantes et Lyon) nous l’avons tous, à un moment ou à un autre, pratiquée et soutenue, mais il est injustifiable — moralement et politiquement — de présenter l’assassinat de policiers choisis au hasard comme une stratégie révolutionnaire.

Faudra-t-il ajouter aux flics les chauffeurs de taxi, les coiffeurs, les « cons » en général ?

À nos yeux, l’aventure tragique d’Audry et Florence fait office de révélateur et de test éliminatoire. Les soi-disant « révolutionnaires » incapables de faire face à ce genre d’événements et/ou qui se complaisent dans des fantasmes morbides et infantiles seraient bien inspirés de se consacrer à n’importe quelle autre activité : collection de timbres, voyages, lecture… Ce serait un service à rendre aux idées qu’ils se montrent incapables d’assumer.

La poursuite du projet révolutionnaire ne peut se réduire à un jeu de gendarmes-voleurs, pas plus avec des flics qu’avec des nazillons.

L’apathie générale, trop rarement secouée par de brèves explosions sociales, conduit beaucoup de militants ou de jeunes révoltés à entretenir un folklore « militaire » exaltant l’affrontement physique et/ou armé comme seule expression possible de la radicalité. Des publications par ailleurs sympathiques et utiles auxquelles plusieurs d’entre nous ont collaboré (Mordicus, Quilombo, etc.), si elles n’ont jamais eu dans les textes, de complaisance pour la violence individuelle et suicidaire, si elles ont même, à l’occasion, critiqué les limites de certaines pratiques de violence collective, ont parfois contribué à entretenir, par le jeu de l’iconographie ou de plaisanteries provocatrices, un folklore du « baston » qui devrait être clairement tenu pour ce qu’il est : une légèreté lourde de conséquences.

Une femme, témoin de la poursuite dans le bois de Vincennes, déclare à Libération (6 octobre) : « J’ai cru qu’ils tournaient un film, ça ne faisait pas vrai, pas comme à la télé ». Les mauvais scénarios sont faits pour la télé ; dans la réalité ils sont décevants. Ça ne fait pas vrai mais hélas c’est vrai. Les balles sont de vraies balles et les cadavres ne se relèvent pas.

Sauf événements impossibles à prévoir, Florence risque fort de sortir de prison à une date où beaucoup des jeunes anarchistes et radicaux d’aujourd’hui auront depuis longtemps remisé leur drapeau et leur prétention à changer ce monde.

[Florence Rey a été condamné, en octobre 1998, à vingt ans de réclusion criminelle. Elle est sortie de prison le 2 mai 2009.]

La mort d’Audry et le destin de Florence doivent marquer un retour au réel et alimenter le débat et la réflexion collective, non d’autres délires. A cette condition, la solidarité avec Florence et les autres personnes inculpés dans cette affaire, pourra s’organiser sur des bases claires et suivant des modalités qu’il conviendra de fixer avec leur accord.

Paris, le 29 octobre 1994

Capture d’écran 2014-11-09 à 10.52.38Claude Guillon, Aris Papathéodorou, Hervé Delouche, Serge Quadruppani.

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[1] Je suis également responsable de plusieurs des textes publiés dans la brochure : « Bestiaire (suite) », une réponse au groupe Apache ; « Papa, Maman, la police et moi. Famille nucléaire et anarchisme régressif », une critique des justifications du silence public des jeunes de la CNT ; « Panorama du milieu libertaire, de sa presse, et des alentours » ; « Maintenant : la médiocrité à la page », texte cosigné avec Serge Quadruppani critiquant le traitement porno-spectaculaire des événements par le journal de Michel Sitbon. J’ai cessé toute relation avec S. Quadruppani (décembre 1999), dont la campagne de calomnies qui l’a visé ne saurait excuser les mauvaises manières.

[2] Seule Radio libertaire joua partiellement ce rôle.

[3] On a pu vérifier, hélas, lors des mouvements sociaux ultérieurs, la paralysie politique qu’entraîne ou aggrave la gestion et la préservation d’« outils de lutte » qui, en fait, se sont depuis longtemps transformés en coûteux moyens de paraître.

 

Ce texte a été republié dansrubon5