Les gendarmes limousins repèrent la «Mouvance anarcho-autonome» entre les lignes

Un article de Mediapart nous apprend que la Gendarmerie a trouvé le moyen de lier dans une nouvelle trame fictionnelle Tarnac et la fameuse « Mouvance anarcho-autonome », dont j’avais retracé la généalogie sur ce blogue.

Incapables de s’adapter aux nouvelles formes de mobilisation, et même de les concevoir[1], les gens d’armes continuent d’appliquer des schémas militaires et policiers du XVIIIe siècle à des coordinations et des regroupements de circonstance.

C’est ainsi que l’éphémère et ectoplasmique « Assemblée populaire du Plateau de Millevaches », qui avait appelé au « blocage » de gendarmeries et de commissariats pour protester contre l’assassinat de Rémi Fraisse, semble apparaître aux pandores comme une espèce de nouvelle incarnation du « Comité invisible ».

Une nouveauté dans cette énième mouture d’un mauvais scénario, c’est l’apparition d’un deuxième chef d’orchestre clandestin : Serge Quadruppani. On sait (ou l’on apprendra) que je n’ai guère d’estime pour le personnage. Je serais assez tenté d’ironiser ici sur le fait que la gendarmerie confonde l’achat d’une maison de campagne[2] en vue d’une pré-retraite bien gagnée avec la démarche du général rejoignant le quartier général de l’insurrection qui vient.

Je crains que l’on ne puisse pas faire qu’en sourire.

En effet, nous assistons, après le fiasco de l’instruction judiciaire de l’ « Affaire Tarnac » et juste avant le procès qui va la conclure, à une tentative de « regonfler » le mythe de la pseudo-« mouvance anarcho-autonome » par l’adjonction… d’une nouvelle plume.

On vient d’apprendre que le FBI a surveillé Ray Bradbury pendant des décennies, incapable de trouver quoi que ce soit à lui reprocher, et contraint à hasarder une critique idéologico-policière du genre science-fiction…

Voilà qu’après avoir fait du livre L’Insurrection qui vient (dont je viens d’avouer ici-même la paternité) le pivot du dossier Tarnac, les flics ajoutent une nouvelle silhouette de « nègre » à celle de Coupat.

Certes on peut diagnostiquer là une réconfortante marque de confiance dans la puissance de la littérature (et du verbe, puisque ces crétins ont fait des analyses pour attribuer à Quadruppani la lecture du commentaire du film ci-dessous). Cependant, étant donné l’armement (lourd) et les multiples capacités de nuisance de ces services d’État, le fait qu’ils fassent montre d’une aussi abyssale connerie fait froid dans le dos !

Pour ces gens (d’armes), une société est hiérarchisée, un groupe a un chef, un texte a un auteur. Le texte étant le programme du groupe, il n’y a qu’à trouver l’auteur pour décapiter la hiérarchie. CQFD.

Bref, si le contrôle au faciès est plus que jamais d’actualité dans la « prévention anti-terroriste », l’insurrectionnalisme caucasien en général, et corrézien en particulier, sera désormais détecté et pourchassé selon la bibliothèque et la bibliographie des suspects.

On les tient, chef !

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Extrait de l’article de Mediapart dans lequel est cité le rapport de gendarmerie

À défaut de faits, il faut donc pas mal d’inspiration à la section de recherche de Limoges pour conclure le 18 mai 2015 à une action « d’individus formant la frange radicale de la mouvance anarchiste (…) regroupés autour d’une organisation auto-baptisée “Assemblée Populaire du Plateau de Millevaches” ». Dans ce rapport de synthèse, l’enquêteur voit dans l’Assemblée une « structure clandestine dont la finalité portait sur des opérations de déstabilisation de l’État par des actions violentes ». Et, dans une vision très policière, il la dote de deux théoriciens, Julien Coupat et le romancier Serge Quadruppani.

Voici l’intégralité du passage intitulé « Historique de la mouvance anarchiste du Limousin ».

« Dans les années 90 jusqu’au début des années 2000, des individus affiliés à des mouvements libertaires d’ultra-gauche s’installaient en Haute-Vienne, notamment dans les communes de Nouic, Blond, Cieux et surtout Bussière-Boffy. Ces installations accompagnées d’implantations de yourtes engendraient une profonde discorde avec les élus et la population.

À partir de 2008 et suite à la médiatisation de l’affaire “des inculpés de Tarnac”, de nombreux membres se revendiquant des milieux anarcho-autonomes rejoignaient le “Plateau de Millevaches” situé aux confins des trois départements de la région du Limousin pour se rassembler autour de leur leader charismatique et idéologue, le nommé Julien Coupat (mis en examen et incarcéré dans l’affaire citée supra relative à des actes de terrorisme sur les lignes du TGV français). Ces nouveaux arrivants bénéficiaient alors d’appuis de certains élus locaux et de personnes déjà installées et ralliées à leur cause. Au fil du temps, émergeait alors une structure clandestine dont la finalité portait sur des opérations de déstabilisation de l’État par des actions violentes menées au cours des manifestations d’importance.

Cette communauté anarchiste se regroupait finalement dans un mouvement baptisé “L’assemblée populaire du Plateau de Millevaches”. Son observation permettait de mettre en évidence que celle-ci était régulièrement fréquentée par de nombreux sympathisants belges, suisses, italiens et allemands ainsi que par de jeunes activistes originaires de différentes régions de France. Très méfiants, les membres de cette mouvance adoptaient une attitude de délinquants d’habitude. Au delà de ce mode de vie qui s’apparentait à la théorie prônée par Coupat Julien et Quadruppani Serge (considéré comme l’un des fondateurs), ces individus affichaient une volonté d’agir de manière concertée avec comme seul but de porter atteinte à l’État, à l’autorité de celui-ci et à ses infrastructures. Ils obéissaient ainsi à une doctrine “philosophico-insurrectionnaliste”, tel qu’il était mentionné dans un pamphlet intitulé “L’insurrection qui vient”.

De ce fait, ils s’agrégeaient systématiquement à des mouvements de mécontentement écologistes, altermondialistes, anti-nucléaires, etc., prenant systématiquement pour prétexte certaines initiatives gouvernementales qu’ils baptisaient de “grands projets inutiles et imposés par le gouvernement ou les collectivités territoriales”. La violence à l’égard des forces de l’ordre avec la volonté de porter atteinte à leur intégrité physique apparaissait toujours dans les slogans de ces individus.

La mort de Fraisse Rémi donnait alors une nouvelle tribune à ces activistes et servait d’argument aux fins de mener des actions violentes contre les intérêts de l’État et ses représentants. Ils espéraient ainsi entraîner dans leur sillage les lycéens, écologistes, anticapitalistes, etc., souhaitant défendre cette cause et dénoncer la position du gouvernement. »

Ci-dessous l’«Appel» dans lequel les gendarmes ont voulu entendre la voix de Quadruppani (une chose est certaine, ça n’est pas lui qui parle!) et peut-être lire sa prose.

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[1] Ce qui pourrait faire seulement rire, si hélas ! la même lamentable incapacité ne les paralysait quand il s’agit de comprendre la galaxie islamiste.

[2] Serge… Pas une yourte, tout de même ?