L’association suisse Dignitas conteste ~ en France ~ la constitutionnalité du refus du suicide assisté

On pouvait lire dans Le Monde du 22 septembre dernier un article commençant par ces lignes:

À défaut de voir le débat sur «le droit à mourir dans la dignité» s’ouvrir réellement sur le terrain politique, et devant l’incapacité du gouvernement et du Parlement à s’emparer de ce sujet de société, c’est par la voie juridique que les choses pourraient évoluer. L’association suisse Dignitas, militante pour le droit à choisir sa fin de vie, devait déposer, mercredi 22 septembre, une requête devant le Conseil d’État accompagnée d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) afin que le Conseil constitutionnel se prononce.

Le sujet a récemment avancé par le même chemin en Allemagne et en Autriche, alors que le droit au suicide assisté existe déjà sous certaines conditions en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne ou au Canada. Saisie par plusieurs associations dont Dignitas, la Cour constitutionnelle allemande a jugé, le 26 février 2020, que le droit de mettre fin à sa vie de manière indépendante fait partie du droit fondamental de la personnalité et de la dignité humaine. Quelques mois plus tard, en décembre, la Cour constitutionnelle autrichienne se prononçait dans le même sens.

«C’est le moment de le faire en France, même si la procédure pour arriver à la Cour constitutionnelle y est plus complexe», justifie Claudia Magri, chargée de la communication de Dignitas. L’association fondée en 1998 compte aujourd’hui quelque 10 000 adhérents dont plus d’un millier en France. Elle a accompagné jusqu’à la mort en Suisse 35 résidents français en 2020 et 43 en 2019.

Concrètement, la procédure mise en place avec le concours de l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation Patrice Spinosi passe par une requête demandant l’abrogation du décret listant les substances vénéneuses interdites à la prescription médicale, en particulier le pentobarbital.

Je reproduis ci-après le communiqué de presse de l’association Dignitas:

“O GRITO DO SUICÍDIO” ~ “Le suicide est un cri” ~ par Paulo Cesar de Carvalho [em português]

Je donne ci-dessous, à l’usage des lusophones, un extrait d’un texte sur le suicide dont vous pouvez consulter l’intégralité ICI.

O silêncio é o principal adversário

Destaco deste fragmento, para que fique ainda mais claro, a seguinte constatação inicial do parágrafo: “o tabu imposto ao falar da morte repercute sobre o suicida”. Esse “não dizer”, segundo a conclusão da pesquisadora (nunca é demais repetir), “contribui para a constituição de um grande enigma em torno do tema”. Eu acrescentaria uma palavra que rima com “enigma” e distancia da solução: “estigma”. No imaginário do suicídio, como indicia o silenciamento da palavra, ele é repelido como uma espécie de “doença contagiosa”: por isso, é como se falar sobre ele fosse um estímulo aos potenciais suicidas, provocando um aumento na estatística dessa morte trágica. Não são poucos, aliás, os que defendem o silêncio baseando-se nessa tese rasteira do “contágio” pelo discurso, como se o “dizer” disseminasse o “vírus do suicídio “, como se a palavra fosse o agente responsável pela epidemia. Sobre esse olhar míope, sobre essa leitura simplista, vem bem a calhar um trecho de um clássico ensaio sobre o tema: Suicídio, modo de usar: história, técnica, notícia (Edições Antígona, Lisboa, 1990). Na análise incisiva de Claude Guillon e Yves Le Bonniec, eis a fragilidade dessa linha de raciocínio : […].

Fin de vie: Comité d’éthique en toc

Le Comité consultatif national d’éthique a rendu public le 25 septembre dernier son avis sur la loi de bioéthique à venir.

Concernant la fin de vie, le CCNE insiste pour que la loi Claeys-Leonetti de 2016 «soit mieux connue, mieux appliquée et mieux respectée».

Énième occurrence du même foutage de gueule :

La loi Leonetti est très bien connue des soignants censés l’appliquer.

Celles et ceux qui s’y refusent ont décidé de l’ignorer, ce qui est différent!

Ils l’ignorent parce qu’ils considèrent qu’elle va trop loin!

Si – c’est une pure figure de rhétorique –, les enquêteurs du CCNE ne le savent pas, ce sont des crétins ignorants!

Le président du CCNE ajoute:

Une fraction de personnes [i.e. la majorité de la population française] estiment que la fin de vie relève d’une décision individuelle [Nan! c’est ma caisse de retraite qui doit décider…]. Nous n’allons pas jusque-là [la liberté individuelle]. Mais il faut explorer le plus loin possible cette loi et obtenir impérativement un plan de développement des soins palliatifs avec le budget ad hoc.»

Autrement dit: donner plus d’argent et de moyens à celles et ceux qui sabotent la loi.

Pendant ce temps, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) continue d’écrire aux députés…

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Nouvelles de mes admirateurs ~ Le «père» Tony Anatrella

M. Tony Anatrella théologien et analyste de pacotille apparaît pour ce qu’il  est: un pédéraste honteux pratiquant la double morale, et un prédateur sexuel utilisant sa double fonction de prêtre et de «thérapeute».

Moraliste délirant, ça, on savait déjà, comme en témoigne le passage ci-dessous, tiré de mon livre Droit à la mort. Suicide, mode d’emploi, ses lecteurs et ses juges (IMHO).

Un an plus tard, c’est un psychanalyste doublé d’un prêtre, Tony Anatrella, qui publie Non à la société dépressive[1]. On y apprend que « le marxisme » est pour beaucoup dans le fait que « l’auto-agression soit devenue une attitude dominante. » ! Quant à Suicide, mode d’emploi, on nous révèle qu’il a été retrouvé auprès de 72 suicidés — c’est un peu moins que d’habitude — mais pour la seule année 1987, ce qui transforme en score annuel le laborieux et faux total fabriqué par d’autres sur six ans !

Le prêtre s’inquiète de l’action des groupes qui veulent faire reconnaître le droit de mourir dans la dignité. « Ce serait accréditer l’idée que la vie, selon les circonstances, peut être sans valeur », conclut-il. L’idée selon laquelle chacun serait libre d’en décider pour lui-même ne l’a pas effleuré.

[1] Flammarion, 1993, pp. 59, 286, 288. De notoriété publique, la qualité de prêtre de M. Anatrella ne figure pourtant pas sur la jaquette de l’ouvrage où il est décrit, entre autres, comme « un spécialiste de la psychologie sexuelle ».

Combat « libertaire » d’arrière-garde contre le droit de choisir sa mort

Gueule rouge

Irène Pereira, philosophe et sociologue, au moins proche (si ce n’est membre) de l’organisation Alternative libertaire, consacre un article dans la revue L’An 02 au thème « Affronter la mort » (voir en bas de page pour le télécharger).

Le chapeau du texte en indique très simplement l’objectif : dissocier historiquement et philosophiquement le droit de choisir l’heure et le moyen de sa mort d’avec le mouvement et la philosophie libertaires :

On associe bien souvent le droit de mourir par soi-même à une revendication libertaire, expression de l’affirmation du respect de la liberté individuelle. Néanmoins, une telle lecture s’appuie sur une vision partiale de l’affirmation de l’individualité dans la pensée anarchiste.

Je ne m’appesantirai pas sur le pourquoi d’une telle opération, dont je suppose qu’elle peut être reliée à une tendance constante dans le mouvement anarchiste à l’enrégimentement moraliste (j’en ai traité dans Suicide, mode d’emploi et dans Le Droit à la mort [IMHO]). Laquelle tendance est supposée garantir le moral des troupes libertaires engagées dans la lutte des classes.

Je vais par contre m’intéresser ici au comment.

Voici, une fois passé le chapeau les trois premières phrases du texte :

Claude Guillon, auteur de Suicide mode d’emploi, rappelle que l’anarchiste individualiste Paul Robin avait fait paraître une brochure sur La Technique du suicide. La difficulté que nous pose le courant individualiste de l’anarchisme, c’est qu’il part de l’individu comme fondement de la société. Ce qui est une thèse discutable, en tout cas si l’on se place du côté de l’anarchisme social.

Je m’intéresse particulièrement à la première phrase, où je suis cité.

Elle contient un mensonge et deux omissions. En 162 signes, ça n’est pas si mal !

Les deux omissions d’abord.

1) Je ne me borne pas à « rappeler » l’existence de la brochure Technique du suicide (1901), je la republie — intégralement dans Suicide, mode d’emploi —, sans son « indication technique », d’une commodité d’ailleurs discutable, dans Le Droit à la mort.

Mais pourquoi être précis, n’est-ce pas ! et risquer de piquer la curiosité d’un lectorat que l’on veut précisément détourner d’un courant de pensée ?

1 bis) Je suis coauteur de Suicide, mode d’emploi, avec Yves Le Bonniec. Un seul auteur, ça fait plus «individualiste», c’est ça?

2) Le lecteur de l’article de Pereira, qui n’a jamais rien lu de Guillon, peut aisément déduire de sa première phrase qu’il s’agit d’un auteur anarchiste individualiste, utilisant très logiquement le travail d’un prédécesseur anarchiste individualiste.

Il se trouve que je me revendique, clairement et en toutes occasions, du communisme libertaire, ce que ni Irène Pereira ni Alternative libertaire, en tant qu’organisation, n’ignorent.

Le Droit à la mort

Venons-en au mensonge, lequel — par surcroit d’élégance — m’est discrètement attribué :

Claude Guillon, auteur de Suicide mode d’emploi, rappelle que l’anarchiste individualiste Paul Robin avait fait paraître une brochure sur La Technique du suicide.

Je soussigné, Claude Guillon, n’ai jamais « rappelé que l’anarchiste individualiste Paul Robin » a fait ceci ou publié cela, pour l’excellente raison que je n’ai jamais considéré Paul Robin comme un « anarchiste individualiste ».

Cette expression n’apparaît pas sous ma plume : ni dans Suicide, mode d’emploi ni dans Le Droit à la mort (auquel je renvoie les lectrices et lecteurs curieux).

Il ne s’agit pas pour autant d’un point de vue qui me serait personnel — à rebours de celui que me prête Pereira. En effet, le qualificatif « anarchiste individualiste » n’apparaît pas non plus dans la notice consacrée à Paul Robin dans le dictionnaire Maitron.

Paul Robin, membre de la Première Internationale, ami de Bakounine, n’a pas été, et ne peut être considéré comme un « anarchiste individualiste ».

Robin a défendu une conception globale de la vie collective qui incluait l’éducation mixte et intégrale et l’eugénisme (notamment, mais pas seulement l’avortement et la contraception libre ; pour une critique de ses positions voir mes ouvrages en référence).

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J’attends avec impatience qu’Irène Pereira tire toutes les leçons de son mensonge historique et utilise « l’individualiste Robin » pour récuser d’un point de vue «libertaire» et l’éducation mixte et intégrale et la liberté pour les femmes de dissocier plaisir érotique et enfantement, voire de refuser tout enfantement.

En attendant, j’observe que sa conclusion sur le « sens d’un rapport libertaire à la mort », relève du sophisme :

Il est ainsi possible de constater que se dessinent deux rapports à la mort. Le premier, issu d’une conception individualiste, affirme que l’individu doit avoir le droit de choisir de mourir si cela peut lui éviter de plus grandes souffrances. Le second rapport à la mort affirme que l’individu peut être conduit à affronter la mort, non pas pour échapper à la souffrance mais parce qu’il est capable de sacrifier son intérêt personnel égoïste.

En quoi ces deux conceptions sont-elles contradictoires dans le temps déroulé d’une existence humaine ?

Voilà ce que notre tripatouilleuse biographique ne s’aventure pas à démontrer. Et pour cause !

Révolutionnaire communiste et libertaire, je peux parfaitement pratiquer la solidarité, prendre des risques dans la lutte commune, surmonter la douleur et la maladie (je t’ai pas attendue, Irène !), et choisir de mourir quand mes moyens vitaux ou mon énergie à chercher le bonheur se sont par trop amenuisés, de mon propre point de vue (*).

Et oui, j’affirme et signe : chacun(e) d’entre nous dispose du droit absolu de disposer de son corps, ce qui inclut le droit de déterminer si et quand on le souhaite le moyen et l’heure de sa mort.

Je serais curieux de savoir si Alternative libertaire a une position collective sur cette question, à propos de laquelle la grande majorité de la population française se reconnaît dans la filiation philosophique libertaire que j’incarne et prolonge — contre les censeurs et les curés de tous poils.

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Technique du suicide.

Télécharger ici l’article d’Irène Pereira.

(*) J’ai corrigé ici une faute d’accord entre sujet et adjectifs possessifs (merci Do!). Ah! les atteintes de l’âge, affronter l’idée de la mort, toussa!