“Les roses de l’alphabet” ~ de Guy Girard

ALLITÉRATIONS DE SURVIE

Chacune des lettres de l’alphabet fournit à Guy Girard le prétexte à l’éclosion d’un texte poétique allitératif (voir ci après la lettre «H»). Comme on peut le vérifier, certaines de ces roses ne manquent pas de piquant, ni le bouquet de senteurs… Trois dessins (du même auteur) agrémentent l’ensemble.

La plaquette de 37 pages est éditée avec beaucoup de soins par les Éditions Litan et imprimée à cinquante exemplaires (seulement, hélas!). Celles et ceux qui seraient désireux·ses de se la procurer peuvent tenter leur chance en s’adressant à l’auteur aux bons soins de la revue surréaliste Alcheringa, à laquelle il collabore (alcheringa.revue@gmail.com).

“Le siège de l’âme. Éloge de la sodomie” reparaît chez IMHO dans une nouvelle édition revue et mise à jour …pour paraître le 20 octobre

D’abord accueilli par la défunte collection “Grain d’orage”, chez Zulma, Le siège de l’âme reparaît chez IMHO dans une édition revue et mise à jour. Avec de plus, à mon humble avis, une très belle couverture! (format poche, 203 pages, 14 €). Merci à Benoît Maurer d’avoir fait en sorte que cette «fantaisie littéraire, érosophique et antithéiste» soit à nouveau disponible en librairies (à partir du 20 octobre prochain).

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“Partie italienne” d’Antoine Choplin: le livre par lequel la lecture revint…

Cela faisait de longues semaines (après la radiothérapie) que j’étais si fatigué que je ne pouvais pas lire plus de deux pages d’un livre. Et puis hier, après un passage dans la belle librairie «Le pied à terre», où j’avais commandé le livre de Phil Casoar sur un cambrioleur anarchiste, je suis revenu avec le dernier livre d’Antoine Choplin (aucun lien de famille avec l’historien Paul Chopelin: je me suis renseigné).

J‘aime tout ce qu’écrit Choplin. Il fait partie de ce que j’appelle les «écrivains à musique». Dès la première phrase, vous reconnaissez l’air et il vous emporte comme une brise de printemps (peu de membres au club: Yoko Ogawa, Michèle Lesbre). Et la magie a fonctionné… J’espère qu’elle ne s’éteindra pas avec des ouvrages plus touffus ou des essais…

J’aimais particulièrement les livres d’Antoine Choplin publiés à La Fosse aux ours. L’éditeur (l’homme) est sympathique, et ses livres très beaux. Celui-ci est paru chez Buchet-Chastel (16,50 €). Le récit est léger et sensuel, tout ce dont j’ai un si grand besoin sans pouvoir le produire moi-même! Mais lisez-en d’autres, vous verrez, vous serez ravi·e·s.

“Le vide : mode d’emploi” ~ par Anne Archet

 Bien qu’elle porte un nom délicatement musical – qu’elle s’est certainement choisi – Anne Archet préfère que ça descende (comme les vitrines) ou que ça pète (comme les cocktails).

D’ailleurs, son recueil d’aphorismes évoque de nouvelles recherches sur l’homéopathie, menées uniquement à partir de l’acide.

Moralement, il m’est très difficile de rendre compte du livre d’une autrice qui a écrit un jour grand bien de mon intelligence et paraphrase ici le titre d’un de mes livres pour nommer le sien.

N’allez pas croire que les aphorismes d’Archet sont tous sautillants : certains évoquent des vérités historiques et philosophiques profondes. Je m’autoriserai le comble de la perversité en citant un passage d’un aphorisme, sa conclusion précisément : « L’ennemi·e se présente toujours une montre à la main. » [p. 39] Eh bien ! renseignez-vous : c’est exact !

Mon conseil : Lisez Anne Archet avant qu’il ne soit trop tard.

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Le vide : mode d’emploi. Aphorismes de la vie dans les ruines (illustrations de Sara Hébert), LUX éditeur, 157 p., 15 €.

Statut de l’ouvrage : offert par l’éditeur.

“Pour un anarchisme révolutionnaire” ~ par le collectif Mur par Mur (L’Échappée)

 

Depuis la parution, relativement récente il est vrai, des livres de recherches signés de Myrtille, du groupe des Giménologues (livres signalés ici-même ; autrice invitée aux Rendez-vous de Claude), Pour un anarchisme révolutionnaire est le livre le plus stimulant pour celles et ceux qui se réclament de la tradition de l’anarchisme, dans une perspective révolutionnaire.

Très logiquement l’ouvrage évoque à plusieurs reprises les recherches de Myrtille.

C’est un copain anarchiste qui m’a parlé le premier – élogieusement – du bouquin, en août 2021, mais il ne se souvenait ni du titre exact ni de l’éditeur. J’avais d’ailleurs retenu plutôt la forme d’une forte brochure que d’un livre de 287 pages.

Les aléas de la vie ont retardé pour moi l’identification, l’achat et la lecture du livre. Et ma fatigue actuelle réduira la dimension de cette recension. Mais je tiens à publier un billet, même de taille modeste, puisque les participant·e·s aux Rencontres du Maquis pour l’Émancipation (voir programme complet sur ce blogue) auront la chance de rencontrer et d’échanger avec les auteurs du livre.

Cela n’a guère d’importance (sauf la réduction) : d’abord parce que je ne prétends pas suivre l’actualité éditoriale, autrement que par des annonces (sans lecture) ; ensuite parce que la validité – en tant que sujet de débat théorique – des questions posées dans le livre n’est pas près de s’amenuiser.

Je signale en ouverture de ce billet deux choses. Tout d’abord, je m’appuierai à plusieurs reprises, de manière critique, sur la recension publiée par l’amie Claire Auzias dans Chroniques Noir & Rouge (n° 7, décembre 2021). Par ailleurs, je tiens à dire que je ne connais pas les auteurs (pourquoi ne suis-je pas tenté d’ajouter « et autrices » ?) du livre ; que voulez-vous ? je suis toujours le dernier au courant des bruits de couloir dans une mouvance où je connais pourtant pas mal de monde. L’expression « mur par mur » est emprunté au slogan anticarcéral (et notamment anti-CRA) « Pierre par pierre, mur par mur, nous détruirons toutes les prisons », ce qui ne nous avance guère. À vrai dire, j’ai eu une impression forte (ça y est ! Guillon a des visions) à la lecture : — Tiens [me suis-je dit], les « communisateurs », ayant constaté l’échec de leur « appel théorique » [expression de moi] aux anarchistes, ils ont décidé d’endosser l’anarchisme qui leur paraît le plus radical pour en faire un bilan critique. Je précise immédiatement qu’il ne s’agit pas d’un reproche : au contraire, la démarche est doublement maligne, d’abord parce qu’elle peut attirer l’attention des anarchistes les plus ouverts (voir mon copain), et ensuite parce que des militants révolutionnaires, bons connaisseurs de l’histoire du mouvement anarchiste révolutionnaire sont dans la meilleure position possible pour en faire le bilan critique (alors que les membres de la famille craignent toujours de froisser un vieil oncle).

Il est possible que je me fourvoie à propos des auteurs, ce qui m’étonnerait, mais ça n’a pas beaucoup d’importance. L’essentiel est ailleurs.

Claire Auzias, que j’évoquais plus haut, reconnaît honnêtement le sérieux et l’ampleur du travail accompli, mais flaire une « arnaque » (expression de moi). Claire part d’un postulat étrange : cela n’aurait pas de sens de parler d’« anarchisme révolutionnaire » puisqu’il n’existe que trois variétés estampillées : le communisme libertaire, l’anarcho-syndicalisme et l’individualisme. « On n’a jamais vu d’anarchisme révolutionnaire, réformiste ou autre, ou alors accidentellement » écrit-elle. Moi qui proposait comme thème de débat lors d’une fête du livre, organisée par la Fédération anarchiste en 2013 la question « Les anarchistes sont-ils encore révolutionnaires[1] ? », je ne saurais me rallier à une définition sclérosante, qui s’en tient aux étiquettes et non aux pratiques.

Les auteurs s’appuient essentiellement sur les textes de Malatesta (excellent militant·théoricien du communisme libertaire) et sur Kropotkine, l’un de ses fondateurs théoriques, dont ils critiquent à juste titre la naïveté moderniste et productiviste. Je ne m’étonne guère (contrairement à Claire Auzias) que Proudhon ne soit pas traité, étant donné qu’il est difficile de le classer parmi les militants révolutionnaires, même s’il a pu en inspirer d’autres (durant la Commune de Paris notamment).

Comme Myrtille, les auteurs rappellent que le communisme ne peut s’entendre que comme stratégie contre l’économie, visant à sa fin.

La famille anarchiste a ce défaut d’accueillir avec émotion naïve toutes les marques d’intérêts (sauf venues de l’extrême-droite : ça arrive) et de ne renier aucun membre de la famille, sauf celles et ceux qui sont soupçonné·e·s du crime suprême d’accointances avec le marxisme. Pour Cl. Auzias, la démarche des auteurs se situe nettement dans une filiation « marxiste-libertaire », initiée au XXe siècle par Daniel Guérin. Lequel demeure l’un des meilleurs vulgarisateurs de l’anarchisme…

Autant la référence à la psychanalyse me paraît utile, autant la référence à Lacan, et son rapprochement avec Bakounine me passent largement au-dessus de la tête (lacunes de ma culture, probablement).

En revanche, je trouve bien venue la critique d’une certaine « ultragauche », résumée dans une réjouissante formule :

L’une des principales embrouilles politiques de ces 40 dernières années aura été d’effacer le réel de l’exploitation capitaliste derrière la figure du mâle-blanc-mince-valide-hétérosexuel-carniste. [p. 64]

Les critiques et recentrages de débat proposés par les auteurs sont, dans l’ensemble, extrêmement bien venu·e·s et bien tourné·e·s. Il y a fort longtemps qu’une tentative de cette ampleur n’a pas été menée. Puisse-t-elle animer des débats constructifs – aussi vifs puissent-ils être ! La perspective anarchiste révolutionnaire en a grand besoin.

 

Pour un anarchisme révolutionnaire, Collectif Mur par Mur, L’Échappée, 2021, 287 pages, 17€.

Statut de l’ouvrage : acheté à la librairie Quilombo.

[1] Voir Comment peut-on être anarchiste ? Libertalia, 2015, pp. 31 et suiv. Le tract, intitulé « Qu’est-ce qu’on fête là ? », diffusé par moi à cette occasion fut repris dans Alternative libertaire (Bruxelles) et Le Combat syndicaliste (CNT-AIT).