Petit portrait de l’amour en désastre

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Jamais sans doute le titre de cette rubrique — « Cimetière de projets » — ne sera plus adéquat. Pourtant il ne s’agit exactement ni d’un embryon ni d’un cadavre de texte. Ni d’un brouillon ni d’une œuvre qui n’aurait pas trouvé preneur, ou dont la publication aurait été contrariée par un aléa éditorial.

Le laborieux exercice de transfèrement des textes de mon site vers ce nouveau blogue m’a contraint à « faire le ménage » dans des fichiers poussiéreux, d’où émerge ce Petit portrait de l’amour en désastre, sauvegardé dans une version obsolète de Word. En « mode compatibilité » est-il précisé. Le terme est bien mal choisi !

Les extraits du texte que je reproduis ont été soigneusement choisis pour ne pas permettre d’identifier la personne dont il est ici question (et dont je suis sans nouvelles depuis une vingtaine d’années). Même si l’objet du texte est de décrire une relation et non de faire son portrait à elle, et malgré ce long délai, bien des détails permettraient à des proches — ou à elle-même ! — de la (de se) reconnaître.

Pourquoi, dans ces conditions, publier un texte mutilé ?

D’abord pour apaiser, autant que faire se peut, ma frustration d’auteur.

En guise de disposition testamentaire ensuite. Le présent texte, que l’on trouvera après mon décès (je sais que je ne pourrai me résoudre à le détruire) sur un disque dur ou dans mes brouillons, ne devra pas être publié — à supposer évidemment que quiconque s’en soucie jamais ! — avant l’an 2044.

La fille de la dame en question (je leur souhaite longue vie à toutes deux) aura une cinquantaine d’année (je suis nul en calcul mental, c’est une approximation). Tout cela n’aura plus d’importance pour personne (et je serai mort depuis belle lurette).

Pour répondre à une question qui viendra à l’esprit de certain(e)s : non je n’ai jamais pensé à envoyer ce texte à la personne qui l’a inspiré. C’eut été sottement cruel. Il m’arrive d’être sot, mais j’ai peu de disposition pour la cruauté (je le regrette parfois, mais c’est une autre histoire).

Je parlais plus haut de l’exercice (dérisoire, certes, mais la vie elle-même…) de pallier ma frustration d’auteur. Je suis conscient du peu d’élégance du moyen employé : susciter celle des lecteurs et des lectrices. Mais après tout, n’est-ce pas constitutif du rapport entre celui/celle qui écrit et celui/celle qui lit ?

 

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Elle rectifie la position du col de cygne au-dessus du lavabo : juste à l’aplomb de la bonde, pour éviter les éclaboussures.

Je préfère le décaler un peu : je n’aime pas le bruit produit par le jet tombant directement dans le siphon.

Deux maniaques ! Deux conceptions de la vie, peut-être.

[…]

 

Elle se considère comme viscéralement attachée à l’amour exclusif. La douleur provoquée par la jalousie est quelque chose qu’elle ne pourrait « même pas » exprimer.

Elle me considère comme « un homme à femmes », un séducteur.

Entre le jour de notre rencontre et celui de notre séparation, elle a eu au moins trois liaisons avec d’autres hommes. Moi aucune, avec aucune femme.

Cela ne change rien à la manière dont elle se voit, dont elle me voit.

C’est moins contradictoire qu’il n’y paraît. Puisque je suis un « homme à femmes », elle ne peut rien attendre de moi ; notre relation est donc frappée de nullité dès l’origine. Bien que nous soyons amants (elle dit : que nous « couchions ensemble »), elle ne se considère pas engagée dans une relation. Elle peut donc enchaîner des liaisons successives sans avoir le sentiment de tromper quiconque, à commencer par elle-même. J’ignore si le raisonnement ne s’applique qu’à moi ou bien s’il est démultiplié.

En tout cas, c’est un comportement de garçon, pour une fille moderne.

[…]

 

Nous nous retrouvons après une brouille de plusieurs mois. Elle avise une photo d’elle et sa fille, prise par moi, que j’ai accrochée au-dessus de mon bureau. Elle dit : « Je ne vois pas très bien comment je pourrais expliquer ça à ma fille si elle vient ici ».

Je vois très bien, moi, comment je pourrais expliquer à sa fille (et à quiconque) que j’aime avoir sous les yeux une photo, que j’ai prise, de deux êtres auxquels je pense si souvent.

Il n’existe pas de photo où nous figurons, elle, sa fille et moi. C’est autant d’économisé en frais de retouche.

[…]

 

Je l’ai accompagnée au train. Elle me dit qu’étant donné ce qu’elle vit à X [une ville du Nord de la France], elle ne pense pas pouvoir assumer notre histoire plus longtemps. Scène de genre pour hall de gare.

Je rentre chez moi ravagé.

Je suis au lit depuis un moment lorsque le téléphone sonne. Elle m’appelle pour me dire que son TGV a une avarie ; elle plaisante sur les catastrophes récurrentes qui perturbent le trafic Paris-X. Est-ce que je peux rester éveillé un moment ? Elle risque d’avoir à revenir dormir chez moi, elle me rappellera dès que la situation se précisera.

Sa voix est claire, enjouée ; elle semble heureuse de me parler. Soulagée peut-être. Très masculine encore, cette façon de considérer les sentiments des autres automatiquement accordés aux siens, lesquels obéissent à une mystérieuse télécommande : play, stop, delate.

[…]

 

Nous nous voyons presque tous les jours ce mois d’août, elle et sa fille, pendant leur séjour parisien.

Annonce de l’arrivée inopinée d’un amant… Elle dit : « Je ne te l’avais pas dit. J’ai rencontré quelqu’un ». Lequel quelqu’un, ignorant mon existence comme j’ignorais la sienne, est fondé à penser qu’il fait plaisir à tout le monde en se rendant disponible de manière imprévue.

Je nous revois en discuter sur le divan effondré de l’appartement où elle loge, pendant la sieste de sa fille. Elle dit : « Tu ne perds ton sens de l’humour en aucune circonstance, c’est ça ? ». Je me souviens d’un sentiment aigu de ridicule, mais qu’ai-je pu dire ? Impossible de m’en souvenir.

[…]

 

Elle dit : « C’est la première fois que je regrette d’avoir couché avec un mec ». Elle parle de moi.

[…]

 

Je lui écris de longues lettres, à la main, exercice dont je suis d’autant plus déshabitué que mon écriture me semble illisible. Elle m’assure qu’elle la déchiffre sans difficulté. Je redécouvre la crampe de l’écrivain et l’illusion de l’épistolier, qui croit que l’aimée dévore déjà sa missive quand il vient juste de la glisser dans la boîte aux lettres.

Je lui écris une lettre où je manifeste le désir d’elle que j’éprouve. Texte certainement banal et d’ailleurs sans prétention, qui ne vaut que parce que c’est mon désir qui s’adresse au sien, séparés que nous sommes par la distance et les longs intervalles entre nos rencontres.

Elle dit : « J’aime bien quand tu me racontes tes trucs. Mais là…! » Capable de sensualité, elle assimile tout ce qui peut être rattaché à l’érotisme à de la perversion. Le plaisir ne se pense ni ne se parle. Ma chandelle ainsi mouchée, mon feu éteint, je pose définitivement la plume.

[…]

 

Elle récuse formellement l’hypothèse, pour moi d’évidence, que nos voisins de table au restaurant nous supposent amants.

— Qu’y aurait-il d’extraordinaire, puisque nous sommes amants !

À ses yeux, c’est un sophisme, vaguement obscène.

[…]

 

Quoique capables de nous comprendre, nous ne parlons pas tout à fait la même langue. Trentenaire, elle s’exprime dans la vie courante, c’est-à-dire en dehors des conversations intimes à forte charge affective, à l’aide d’une dizaine d’expressions générationnelles, comme « J’hallucine ! » (forme abréviée : « J’halluce »), « Je suis dégoûtée ! », « C’est clair ! ».

Si je l’informe, pour signifier que la salle de bains est libre que « j’ai fini ma toilette », elle dit : « Ouah ! la vieille expression ». Avec un sourire plus gêné qu’ironique.

[…]

 

Visiblement, elle n’aime pas que je chante. J’en suis d’autant plus étonné et mortifié que j’ai l’habitude d’être complimenté pour ma voix. Elle dit : « Si tu aimes chanter, tu devrais aller dans une chorale. »

[   ] …

 

 

LE MOYEN DE PARVENIR, par Béroalde de Verville (1556-1626)

 

Fin 1999, j’entrepris des recherches sur Béroalde de Verville, dont j’avais cité Le Moyen de parvenir dans mon Siège de l’âme. Il n’existait à l’époque aucune édition disponible, autrement que sur le marché de l’ancien.

Le projet que l’on pourra lire ci-après, inclut la présentation de plusieurs chapitres du livre. Je le proposai à l’un de mes éditeurs, Zulma, qui jugea l’entreprise trop hasardeuse : le texte était difficile à lire et son public potentiel difficile à évaluer. Des problèmes de santé et d’autres projets d’écriture me détournèrent de ce projet, lequel fut mené à bien en 2002 par Georges Bourgeuil, dont il convient de saluer le courage et l’excellent travail. On lira donc désormais Le Moyen, dans l’édition qu’il propose aux Éditions Passage du Nord/Ouest. Le même Bourgeuil, chez le même éditeur, a d’ailleurs publié depuis, toujours de Béroalde, Le Voyage des princes fortunés.

Il n’est pas interdit de penser que le travail de Georges Bourgeuil a contribué à ranimer l’intérêt éditorial pour Béroalde et la publication… d’une édition du Moyen de parvenir en collection de poche Folio (2006), édition établie par Michel Renaud et préfacée par Michel Jeanneret.

Ajoutons qu’une version ancienne, dépourvue de l’appareil critique indispensable, se trouve accessible sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale.

Cet heureux dénouement éditorial donne rétrospectivement toute sa saveur ethnographique à la correspondance que je fus amené à échanger avec des universitaires.

J’avais trouvé, dans la bibliographie des Cahiers V.-L. Saulnier consacrés à Béroalde (Presses de l’École normale supérieure, 1996), la mention suivante : « Les textes de […] et du Moyen de parvenir ont été saisis pour traitement informatique par l’Équipe Informatiques et Lettres pour le XVIe siècle dirigée par M.-L. Demonet, à Clermont-Ferrand (Université Blaise-Pascal). Les données peuvent être communiquées sur demande [c’est moi qui souligne]. »

J’en fis donc la demande… pour me voir répondre par M Dominique Descotes, directeur du Centre d’études sur les réformes, l’humanisme et l’âge classique que les données informatiques en question ne pouvaient faire l’objet « que d’un usage de recherche strictement privé, et en aucun cas servir en vue d’une entreprise commerciale ».

« La mention des Cahiers V.-L. Saulnier, ajoutait M Descotes, me paraît purement fantaisiste. » (lettre du 1er juillet 1999)

Bien que n’étant pas ennemi de la fantaisie, j’adressai à M Descotes une photocopie des pages des Cahiers V.-L. Saulnier, dont il ignorait l’existence jusqu’alors, sans disposer, semble-t-il, des moyens de la vérifier après l’avoir découverte par l’entremise de mon premier courrier (il aurait fallu pour cela au moins une bibliothèque, dont l’Université Blaise Pascal, que je n’ai jamais eu l’avantage de fréquenter, est peut-être dépourvue).

Cependant, mon deuxième courrier ne resta pas sans réponse. Elle me parvint même par lettre recommandée avec accusé de réception (à défaut d’une bibliothèque, on disposait donc, à Clermont-Ferrand, de la poste). Voici le texte de cette lettre, en date du 13 juillet 1999 :

« Monsieur, ayant procédé à une réunion d’équipe, je vous confirme l’impossibilité où nous sommes de vous fournir le texte saisi par voie informatique du Moyen de parvenir que vous avez souhaité acquérir [sic] en vue d’en établir une édition commerciale destinée au grand public. Dans votre intérêt, je me permet à l’occasion d’attirer votre attention, pour le cas où vous n’ayez pas été suffisamment informé, sur les risques pénaux qu’encourt l’utilisation à des fins d’édition ou pour tout usage public, d’un texte transcrit sous forme informatique, quelle qu’en soit l’origine. Je ne saurais donc trop vous inciter à la plus rigoureuse prudence dans ce domaine, particulièrement dans le cas où le texte que vous envisagez d’éditer a déjà fait l’objet, comme vous l’indiquez vous-même, de plusieurs éditions, ce qui peut rendre le problème des droits particulièrement sensible et épineux.

Avec l’expression de mes regrets renouvelés, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération. »

Mon correspondant était-il lui-même suffisamment informé ? Voilà de quoi il était permis de douter. En effet, procéder à l’édition (inutile d’ajouter l’adjectif « commerciale », toute édition en livre ou en revue l’est) du texte d’un auteur mort suppose, à moins de pratiquer l’édition pirate (activité respectable par ailleurs mais dont il n’était pas question en l’espèce), de respecter la législation sur le doit d’auteur. Les textes de lois stipulent qu’un texte quelconque « tombe dans le domaine public », et peut par conséquent être librement reproduit, au bout de 70 ans. Mes recherches se situant 373 ans après le décès de Béroalde, la présence des textes de ce dernier dans le domaine public ne pouvait souffrir de doute (le délai est récemment passé de 50 à 70 ans, mais n’ergotons pas). Reconnaissons d’ailleurs que M Descotes ne soulevait nullement ce point. Le second problème éventuellement posé par l’édition nouvelle d’un texte ancien ayant déjà fait l’objet d’éditions antérieures (qu’elles soient qualifiées de « commerciales » ou de savantes, peu importe ici) concerne l’établissement du texte, c’est-à-dire la présentation, l’appareil critique, les enrichissements divers, ou la traduction dans le cas de textes étrangers ou en ancien français.

On peut imaginer que c’est cette question que voulait poser M Descotes, mais il ne la posait pas. Au lieu de ce faire, il s’attachait à une dimension technique, la mise en forme électronique : « Les risques pénaux qu’encourt l’utilisation à des fins d’édition ou pour tout usage public, d’un texte transcrit sous forme informatique, quelle qu’en soit l’origine ». À strictement parler, cette phrase était et est dépourvue de sens. Évidemment, et heureusement, le fait qu’une personne, un département universitaire, ou les milliers d’adhérents d’une association saisissent frénétiquement tout Sade ou tout Molière sur leurs ordinateurs n’est d’aucune influence sur la possibilité pour n’importe qui d’autre d’éditer librement ces auteurs.

En l’espèce, ce qui frappe dans la réaction des universitaires clermontois, c’est précisément l’incapacité dans laquelle ils se trouvent de dissocier leur propre travail, dont personne n’a jamais songé à les déposséder, et l’objet de celui-ci : le texte de Béroalde, lequel appartient à toutes et à tous.

Disons les chose simplement : la lettre que l’on m’envoya, pour rattraper la bévue d’une offre inconsidérée de partager du savoir « sur demande », avait le caractère d’une tentative d’intimidation, à laquelle le « recommandé » était censé donner quelque apparence de légalité. Le refus de mon éditeur ne me permit pas de montrer, comme je l’eusse souhaité, le cas que je fais de ces gens et de leurs petites manières. Voilà qui est fait.

Nul doute que Béroalde en eût bien ri, dont l’ironie n’épargnait aucune institution.

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Projet d’édition du Moyen de parvenir

 

Né en 1556 dans une famille protestante parisienne bientôt contrainte à l’exil, François Brouard étudie la médecine. Il emprunte à son père, lui-même inspiré d’un littérateur et d’un poète italiens tous deux nommés Philippo Beroaldo, le pseudonyme de Béroalde, auquel il ajoute le nom d’un hameau proche de Montargis. C’est donc sous le nom de Béroalde de Verville qu’il publie des traductions, des poèmes et un roman alchimique, Le Voyage des princes fortunés.

Par le titre étrange de ce qui sera son dernier livre , Béroalde de Verville se parodie lui-même. En effet, il a publié en 1593 à Tours, ville où il exerce un canonicat, un ouvrage intitulé : De la sagesse, livre premier. Auquel il est traité du Moyen de parvenir au parfait état du bien vivre.

Le Moyen de parvenir, décrété par son auteur « le centre de tous les livres » (Chap. 12 « Vidimus ») se présente comme les actes d’un banquet philosophique auquel participent quelque 400 personnages différents. Déjà disparus à l’époque de l’écriture du livre ou contemporains de l’auteur, certains sont célèbres (Aristote, Homère…) et représentatifs de la culture classique, d’autres mystérieux, soit qu’ils soient aujourd’hui oubliés, soit que l’auteur les ait inventés. Anticipant avec ironie et délectation le trouble du lecteur, Béroalde l’invite d’ailleurs à attribuer lui-même les discours aux personnages : « Si vous les savez et qu’il vous plaise vous en donner au cœur joie, mettez leurs noms devant les articles de ces dialogues. » (Chap. 60, « Article »). La seule qualité impérativement requise des participants est simple : « J’ai mis dehors, annonce-t-il, tous ceux qui n’aiment point raillerie. » (Chap. 32. « Minute »).

Au-delà du plaisir des « mots de gueule », anecdotes paillardes et scatologiques, équivoques et jeux de mots lestes, il semble bien que le but de l’auteur — c’est au moins à quoi il parvient effectivement — soit double : moquer tous les savoirs prétendus, y compris l’alchimie qu’il connaît intimement pour l’avoir pratiquée, et égarer son lecteur. Ce dernier objectif sert aussi de moyen ; en effet, quelle meilleure manière de faire douter de tout discours constitué que de mettre le lecteur en position de douter de sa propre lecture ? Aussi n’est-ce pas à une suite de dialogues philosophiques sur le mode platonicien que nous assistons, mais à un feu d’artifice de monologues entrechoqués, d’interruptions et de digressions en abîmes. « Je ne vis jamais tant sauter du coq à l’âne ! » s’exclame à juste titre un personnage féminin (Chap. XXII, « Problème »). « Coq à l’âne » est d’ailleurs le titre du neuvième chapitre.

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Sans doute Béroalde de Verville ne se fait-il pas une idée flatteuse de l’esprit humain. « À ce que je vois, écrit-il joliment, le pays des sots n’est pas une île, c’est le monde même » (Chap. 78, « Revers »). Au moins s’en moque-t-il avec une alacrité et des bonheurs d’écriture qui justifient que ce gai nihilisme soit mis à la portée des lecteurs d’aujourd’hui.

La première édition connue du Moyen de Parvenir date de 1616. On dénombre pas moins d’une quarantaine d’éditions depuis.

Le livre a fait partie de la culture de l’honnête homme du XIXe siècle. On en trouve des réminiscences ou des citations chez Baudelaire et Théophile Gautier. Dans leur Journal, les frères Goncourt invoquent le style de Béroalde dès qu’ils rapportent une anecdote un peu leste. Alfred Jarry ne manque pas une occasion de citer ce « neveu de Rabelais » dans la Revue blanche.

Il n’est pas rare (le chercheur s’en félicite !) que les auteurs des dictionnaires de français du XVIe siècle choisissent justement dans le Moyen de parvenir les citations illustrant l’emploi de tel ou tel vocable ou expression. (Cf. notamment Dictionnaire de l’ancienne langue française et de ses dialectes du IXe au XVe siècle, Godefroy, et Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, Huguet).

Le Moyen de parvenir a été l’objet de deux éditions universitaires récentes (1984, 1985), tandis qu’un colloque international était consacré à Béroalde en 1995. De nombreux articles paraissent régulièrement à son sujet.

Cependant, ce travail savant ne touche pas même le public cultivé, du fait des éditeurs concernés : universités ou maisons à tirages confidentiels et prix prohibitifs (Honoré Champion, par ex.).

Béroalde est donc à redécouvrir. Lire la suite