12 ans de prison pour deux coups de pied (mortels) à l’homme qui l’importunait ~ Plaidoyer pour Kessy

Le Figaro (11 juin 2021)

Un soir de décembre 2016, place de la Victoire à Bordeaux, la jeune femme, 18 ans à l’époque, avait été importunée à plusieurs reprises par un jeune trentenaire visiblement en état d’ivresse. Elle – qui n’était pas alcoolisée – l’avait repoussé, et alors qu’il était au sol, lui avait donné deux coups de pied dans la tête «comme on frappe dans un ballon de football», selon ses propos aux enquêteurs, cités à l’audience. Transporté dans un état critique au CHU de Bordeaux, l’homme était décédé des suites de ses blessures quelques jours plus tard.

L’accusée «a fait exprès d’asséner deux coups à la tête de la victime. Ce choix délibéré caractérise une intention de tuer», a insisté l’avocat général Benjamin Alla, relevant que «sur le moment, elle n’a rien regretté, si ce n’est d’avoir sali ses chaussures avec le sang de la victime», et est partie sans se soucier de l’état de l’homme au sol ni appeler les secours. «Il l’a bien cherché», a-t-elle déclaré selon des témoins.

Kessy, au passé adolescent toxicomane, «a vécu des violences de la part de ses parents. Elle a vu ses parents être violents entre eux (…) a aussi été violée. Ce passé de misère n’est pas anecdotique», a expliqué Dominique Laplagne, avocat de la défense, plaidant la clémence en raison de l’âge de l’accusée, du «doute» sur l’intention de tuer, et de son comportement sans accroc depuis sa remise en liberté il y a deux ans. L’accusée, sans emploi, dit aujourd’hui «avoir des remords mais elle a toute la vie pour se reconstruire. Pour Vincent Cazeaux, c’est terminé. Il ne reste qu’un sentiment d’anéantissement pour sa famille», avait pour sa part plaidé Me Julien Plouton, avocat de la partie civile.

L’histoire est aussi sordide que navrante. Je veux dire: l’histoire de départ. Dont je ne sais que ce que cet article en dit, c’est-à-dire bien peu de choses.

Je comprends très bien que l’on puisse souhaiter effacer dans la minute un mec agressif ou importun. M’est-il déjà arrivé qu’une femme ivre engage la conversation avec moi sur un banc, sans avoir recueilli mon consentement? Oui, en effet, mais ma situation n’avait strictement rien à voir avec celle de Kessy, qui elle a – par expérience – une idée assez précise de ce dont est capable un mec agressif et·ou importun.

Le jeune homme qui est mort à la suite des coups portés par Kessy était peut-être un brave garçon, qui n’avait jamais violé personne et ne l’aurait pas fait, même si c’était Kessy qui avait été ivre. Peut-être était-il tout le contraire. C’est plutôt une bonne chose que nous l’ignorions, finalement, parce que c’est sans importance pour le sujet qui m’occupe ici.

Je ne dis pas que sa mort est sans importance : c’est sa mort qui me fait user de l’adjectif «navrant».

Cela dit, Kessy n’a pas signé un manifeste exigeant la peine de mort pour tous les mâles susceptibles de lui bouffer son oxygène: elle s’est bornée à latter ce garçon précis. C’était peut-être le premier qu’elle frappait; peut-être pas. Peut-être s’était-elle promis, au bout de la énième humiliation subie, de s’en «payer un» un jour. Je ne le sais pas (et je m’en moque).

Si Kessy avait été saoule, on retiendrait ce fait contre elle. — Qu’allait-elle faire, saoule, sur un banc, le soir? Je vous le demande, Monsieur le Président. Mais elle n’était pas saoule. On retient donc ce fait contre elle. Elle était lucide, donc elle a voulu tuer. Il semble que ni les magistrats ni les jurés ne connaissent l’expression «rage froide». C’est bien dommage.

Kessy était, nous dit-on, parfaitement maîtresse d’elle-même. L’est-on quand on est habité·e par une rage froide? Cela mériterait discussion.

Elle est demeurée maîtresse d’elle-même. On retient ce fait contre elle. Elle était censée pleurer, s’arracher les cheveux, en hurlant quelque chose du genre: «Mon dieu, qu’ai-je fait?» Or elle parle d’un ballon de foot (la tête du jeune homme) et regrette d’avoir salopé ses chaussures.

Ici, je me permettrais de mettre en doute ses déclarations. Je ne crois pas tout à fait qu’elle pense à la tête du garçon comme à un ballon de foot et que son seul regret ait été d’avoir à reblanchir ses godasses de sport. Ça, c’est ce qu’on dit quand on mesure l’étendue de ce qui va vous tomber sur la tête (en forme de ballon, elle-aussi?) et qu’on crâne. Pourquoi crâne-t-on ? Pour insulter à la douleur (compréhensible) de la famille? Évidemment non. On crâne parce qu’on a fait ce que l’on avait envie de faire depuis longtemps; parce que l’on sait pertinemment que le jeune-homme-à-la-tête-en-ballon-de-foot a payé pour les autres, alors que ça n’était probablement pas le pire. Sûrement pas le pire qu’elle a rencontré, elle, Kessy. Mais, est-ce que c’est un truc de planètes ou quoi: ce soir-là, elle était à la fois incapable d’en supporter davantage et capable de prendre le dessus sur l’agresseur. Et c’est fait, on n’y peut plus rien : alors, crâner!

Mauvais endroit, mauvais moment. Et surtout système dégueulasse, sordide, pitoyable (la domination masculine) dont la tête cassée du jeune homme est une victime collatérale.

Collatérale et masculine. Là ça coince pour Kessy. Dans cette histoire, elle s’est comportée à peu près comme un supporteur de foot (alcoolisé en général) qui latte à mort un crétin du camp adverse, pour un regard; ou pour rien.

Or Kessy fait partie de la majorité opprimée. Elle est dans le camp des victimes. En tant que femme, en tant que cas social, que vie brisée. Autant dire qu’elle n’a absolument pas le droit à l’autodéfense violente (par parenthèse, adepte des arts martiaux, elle aurait pu doser, casser un bras par exemple…).

— Mais où irait-on, je vous le demande Monsieur le Président, si toutes les femmes importunées dans la rue, toutes les filles harcelées sur les réseaux sociaux, tous les enfants violentés par leurs parents, toutes les femmes violées, toutes les femmes victimes de discriminations sexistes – autant dire toutes les femmes Monsieur le Président ! – se faisaient justice comme ça, une manchette dans la glotte par ici, un coup de latte dans la tronche par là…? Je n’hésite pas à le dire, Monsieur le Président, nous aurions un régime de domination féministe, que dis-je un régime de Terreur féminine!

Aucun tribunal, aucun jury semble-t-il n’est en faveur d’une telle inversion du monde.

C’est le sens du verdict qui frappe Kessy – exact symétrique des coups qu’elle a portés. Il s’agit de lui casser un peu plus la vie, de lui casser la tête pour la montrer au peuple !

Pour une mort imprévisible, dans une relation qu’elle n’a pas souhaitée, dans un système où elle n’a jamais eu de place.

Les 12 ans de prison infligés à Kessy visent en réalité toutes les femmes.

C’est un avertissement. Et bien sûr, ça n’est pas un hasard s’il atteint une jeune femme issue d’un milieu pauvre. On aura pensé que le message passerait d’autant mieux que Kessy n’a rien pour faire une héroïne féministe (pas de relation dans la presse, pas de slogan sur les seins).

Les femmes l’entendront-elles, cet avertissement? Et sauront-elles y répondre?

On peut l’espérer – et des féministes les premières – pour leur honneur d’abord, pour Kessy ensuite; et même pour Vincent Cazeaux, dont nous n’avons pas de raison de penser qu’il aurait apprécié que sa dépouille soit brandie comme épouvantail contre la révolte des filles.

Foutez la paix à Jean-Marc Rouillan !

J’ai dit à plusieurs reprises, et entre autres ici-même, ce qui me sépare de Jean-Marc Rouillan et ce que je pensais de certaines de ses déclarations – et de la sottise «bien intentionnée» de certain·e·s des personnes qui le soutenaient.

Aujourd’hui, le parquet antiterroriste réclame sa réincarcération, en clair son retour à la case prison (alors qu’il est aujourd’hui assigné à résidence). C’est une dégueulasserie qui doit être empêchée. Je publie donc ci-dessous l’appel lancé dans ce sens.

Foutez la paix à Jean-Marc Rouillan! (Ça non plus, ça n’est pas la première fois que je le dis ici; en retour, on pourra l’oublier un peu et ça fera des vacances à tout le monde).

NON À L’ACHARNEMENT CONTRE JEAN-MARC ROUILLAN

21 novembre 2020

Depuis le 9 juillet dernier, Jean-Marc Rouillan est en détention à domicile. Il accomplit actuellement une peine de huit mois fermes pour « apologie de terrorisme ».

Alors qu’il ne lui reste que quelques semaines avant de terminer sa condamnation, le Parquet anti-terroriste demande son incarcération en milieu fermé. La décision définitive sera prise par le tribunal de l’application des peines en audience, au tribunal d’Auch, le 25 novembre prochain, dans un climat de surenchère répressive encouragé et exercé par le gouvernement. 

Le Parquet justifie sa demande sur la base de deux incidents techniques du bracelet électronique. 

Le premier, le 18 août, est le résultat d’un choc involontaire ; le second, le 24 octobre, est dû à un décrochage du bracelet. À chaque fois, l’administration pénitentiaire a constaté la présence du détenu à son domicile et a pu communiquer avec lui. Il n’y a jamais eu de rupture de la détention. 

Il faut signaler que durant cette peine, le détenu n’a bénéficié d’aucune permission – professionnelle ou familiale – ni d’aucune RPS (jours de réduction de peine). 

Aujourd’hui la demande du Parquet relève de l’acharnement. Un acharnement que Jean-Marc Rouillan connaît bien : l’État n’a de cesse de prendre tous les prétextes pour l’isoler, le fragiliser et relancer incessamment la détention. 

Jean-Marc Rouillan souffre d’une maladie auto-immune orpheline grave qui affaiblit son système immunitaire. L’envoyer en pleine épidémie de la Covid-19 dans un lieu fermé particulièrement pathogène est une réelle mise en danger.

Jean-Marc Rouillan répond aux critères de vulnérabilité tels qu’ils ont été établis par le gouvernement.

Nous, signataires de cet appel demandons au tribunal de l’application des peines la continuité de la mesure de détention à domicile jusqu’à la fin de sa peine.

Pour signer cet appel: stop-acharnement@protonmail.com

Premier·e·s signataires : 

José Alcala, cinéaste 

Pierre Alferi, poète

Floren Aoix Monteal (escrivain, directeur Irazar Fundazioa)

Vidal Aragones Chicharro, député de l’Assemblée de Catalunya CUP

Nan Aurousseau, auteur, réalisateur 

Nathalie Artaud, porte-parole de Lutte ouvrière 

Olivier Azam, réalisateur

Alain Badiou, philosophe 

Etienne Balibar, philosophe 

Ludivine Bantigny, historienne

Fernando Barrena, député européen GUE-NGL

Jean-Pierre Bastid, cinéaste

Hocine Belalloufi, essayiste, journaliste algérien

Judith Bernard, co-fondatrice de Hors-Série

Olivier Besancenot, postier, porte parole du NPA 

Eric Beynel, syndicaliste à Solidaires 

Billie Brelok, rappeuse 

Julien Blaine, poète 

Quim Boix, Secrétaire Général de l’Union internationale des syndicats de retraités et pensionnés 

Jacques Bonnaffé, comédien 

Alima Boumediene-Thiery, avocate, militante associative 

Jean Pierre Bouyxou, écrivain 

Jean-Denis Bonan, cinéaste

Irène Bonnaud, metteuse en scène 

Véronique Bontemps, anthropologue

Saïd Bouamama, sociologue et militant FUIQP

Youssef Boussoumah, militant décolonial

Houria Bouteldja,  militante décoloniale

Albert Botran i Pahissa, Parlementaire Cortès Espagne CUP

José Bové, paysan du Larzac, ancien député européen

Rony Brauman, médecin, essayiste

Eitan Bronstein, directeur De-Colonizer

Alain Brossat, philosophe 

Robert Cantarella, metteur en scène

Pierre Carles, réalisateur

Carmen Castillo, cinéaste 

Laurent Cauwet, auteur, éditeur Al Dante

Jean-Philippe Cazier, écrivain 

Bernard Cavanna, compositeur

CGT Catalunya

Leïla Chaïbi, députée européenne LFI

Sorj Chalandon, auteur 

Christian Champiré, maire communiste de Grenay (62)

Compagnie Jolie môme 

CNT, Confédération nationale du travail 

CNT-AIT (F.L. Granada)

Pierre Chopinaud, écrivain 

Jean-Luc Chappey, historien

Guy Chapouillié, professeur émérite d’études cinématographiques

Manuel Cervera-Marzal, politiste

Alexandre Civico, écrivain, éditeur 

Laurence De Cock, historienne 

Jean-Louis Comolli, cinéaste, écrivain 

Enzo Cormann, écrivain

Annick Coupé, militante altermondialiste

Revue CQFD

Miguel Urbán Crespo (parlamentaire UE, GUE-NGL)

CUP (Candidature d’Unité Populaire) Catalunya

Alain Damasio, écrivain 

Christophe Darmangeat, économiste 

Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue

Chloé Delaume, auteure, prix Medicis 2020

Alessi Dell’Umbria, auteur réalisateur

Christine Delphy, sociologue

Gérard Delteil, écrivain

Pierre Dharreville, député PCF des Bouches du Rhône 13° circonscription.

Thierry Discepolo, éditeur (Agone) 

Elsa Dorlin, philosophe

Charlotte Dugrand, éditions Libertalia

Annie Ernaux, auteure

Jean-Michel Espitallier, écrivain 

Christian Eyschen, président de la Libre Pensée

Adeline Escandell, sénatrice Espagne ERC soberanistes 

Famílies de Presos de Catalunya

Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail 

David Faroult, enseignant-chercheur en cinéma

 Eva Feigeles, monteuse de films

 Jacques Gaillot, Evêque

Pierre Galand, ancien sénateur belge, président de l’OMTC (Organisation mondiale contre la torture) 

Jean-Jacques Gandini, avocat, ancien secrétaire du Syndicat des avocats de France 

Jose Ignacio Garcia Sanchez, député de l’Assemblée d’Andalousie Adelante Andalucia

Henry Garino, ancien vice-président de la région Languedoc-Roussillon

Thierry Garrel, producteur, documentariste

Ermengol Gassiot Balibé, Secrétaire Général de la CGT Catalunya

Franck Gaudichaud, politiste, université Jean-Jaurès Toulouse

François Gèze, éditeur

Denis Gheerbrant, cinéaste

Sylvain George, cinéaste

Liliane Giraudon, auteure

Jean-Marie Gleize, écrivain 

Noël Godin, écrivain et entarteur

Dominique Grange, chanteuse engagée

Alain Guenoche, mathématicien 

Laure Guillot, cinéaste 

Alain Guiraudie, cinéaste

Thierry Guitard, auteur-illustrateur et cuisinier 

Éric Hazan, éditeur 

Charles Hoareau, président ANC

Chantal Jaquet, philosophe

Manuel Joseph, écrivain 

Alain Jugnon, philosophe

Pau Juvilla Ballester, Secrétaire Permanent de la CUP Catalunya 

Leslie Kaplan, écrivain 

Jacques Kebadian, cinéaste 

Razmig Keucheyan, sociologue

Jean Kehayan, écrivain 

Pierre Khalfa, économiste, fondation Copernic

Michel Kokoreff, universitaire, Paris 8

Stathis Kouvélakis, philosophe 

Hubert Krivine, astrophysicien 

Thomas Lacoste, réalisateur, producteur, éditeur

Joël Laillier, sociologue

Mathilde Larrère, historienne 

Véronique Lamy, porte-parole nationale du PCOF

Pierre Laurent, sénateur PCF 

Stephane Lavignotte, pasteur et théologien protestant

Sylvain Lazarus, chercheur, anthropologue

Denise Le Dantec, écrivaine

Noémi Lefebvre, auteure

Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire

Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien

Pierre Linguanotto, cinéaste 

Sergi Lopez, acteur 

Marius Loris, poète, historien

Frédéric Lordon, philosophe 

Michaël Lowy, sociologue

Sandra Lucbert, auteure de littérature

Seloua Luste Boulbina, philosophe 

Christian Mahieux, syndicaliste cheminot retraité

Noël Mamère, journaliste, essayiste et homme politique 

Maguy Marin, chorégraphe

Myriam Martin, conseillère régionale Occitanie

François Marthouret, acteur

Olivier Mateu, secrétaire général UD CGT 13

Michel Mathieu, metteur en scène

Xavier Mathieu, comédien, ex-porte-parole CGT continental 

Alexandre Mathis, cinéaste 

Elli Meideiros, chanteuse 

Nathalie Ménigon, ancienne prisonnière politique d’Action directe 

Daniel Mermet, journaliste

Morgane Merteuil, militante féministe

Eleonore Merza Bronstein, anthropologue du politique 

Jean-Henri Meunier, cinéaste

Jacques-Henri Michot, écrivain

Ana Miranda Paz, députée européenne GUE-NGL

René Monzat, auteur 

Gérard Mordillat, écrivain

Fermin Muguruzza Chanteur et cinéaste

Chiara Mulas, Art Action

Olivier Neveux, enseignant-chercheur

Bernard Noël, poète

Nico Norrito, éditeur, éditions Libertalia 

Joan Josep Nuet, député Espagne ERC soberanistes

Océan, auteur réalisateur

OCL, Organisation communiste libertaire (revueCourant alternatif) 

Jean Ortiz, écrivain, maître de conférence, cinéaste 

Yves Pagès, écrivain

Aline Pailler, journaliste et ex-députéeeuropéenne

Ugo Palheta, directeur de publication de la revue en ligne Contretemps

Willy Pelletier, sociologue

Henri Pena-Ruiz, philosophe

Charles Pennequin, auteur 

Gilles Perrault, écrivain 

Mireille Perrier, actrice, metteure en scène 

Evelyne Perrin, autrice, sociologue 

Serge Pey, poète

Evelyne Pieillier, écrivain 

Philippe Pignarre, éditeur et auteur

Christine Poupin, Porte Parole du NPA 

Philippe Poutou, porte-parole du NPA 

Christian Prigent, auteur

Serge Quadruppani, auteur, traducteur 

Nathalie Quintane, auteure

Tancrède Ramonet, chanteur, réalisateur et producteur

Patrick Raynal, écrivain 

Nestor Rego, député de l’État Espagnol BNG

Serge Regourd, professeur de droit émérite.

Resistencia Indépendentista de Catalunya 

Carles Riera Albert, député de l’Assemblée de Catalunya CUP 

Mathieu Rigouste, sociologue militant 

Laurent Ripart, historien

Gaël Roblin, militant indépendantiste breton, conseiller municipal de Guingamp

Liliane Rovere, actrice

Saïdou (Sidi Wacho), rappeur 

Samidoun, organisation palestinienne de soutien aux prisonniers politiques 

Julien Salingue, docteur en sciences politiques 

Christine Salomon, anthropologue

Michel Samson, journaliste, écrivain, documentariste

Catherine Samary, économiste 

Natalia Sanchez Dipp, députée de l’Assemblée de Catalunya CUP

Oreste Scalzone, réfugié politique italien 

Raphaël Schneider, co-fondateur de Hors-Série

Secours rouge, Toulouse 

Jean-Christophe Sellin, conseiller régional Occitanie LFI

Michèle Sibony, enseignante, porte-parole UJFP

Catherine Sinet, journaliste

Maria Sirvent Escrig députée de l’Assemblée de Catalunya CUP

Eyal Sivan, cinéaste 

Omar Slaouti, Front uni des immigrations etquartiers populaires (FUIQP) 

Gérard Soulier, ancien maire adjoint de Colomiers

Pierre Stambul, docteur de l’université, Unionjuive française pour la paix

Alessandro Stella, directeur de recherche au CNRS

Didier Super (Olivier Haudegond), chanteur 

Michel Surya, auteur, philosophe, responsable de la revue Ligne

François Tanguy, metteur en scène

Tardi, dessinateur

Enzo Traverso, historien

Taoufiq Tahani, universitaire, ancien président de l’AFPS

Pierre Tevanian, philosophe, enseignant 

Julien Théry, historien

Miguel Urban Crespo, député européen GUE-NGL

VII, rappeur et écrivain 

Roseline Vachetta, ancienne députée européenne 

Mireia Vehi i Castenys, parlementaire Espagne CUP

Françoise Vergès, politologue et militante féministe décoloniale

Marie-Pierre Vieu, éditrice, ancienne députée européenne FDG

Arnaud Viviant, critique littéraire 

Christiane Vollaire, philosophe

Michel Warschawski, homme politique israélien, président du Centre d’information alternative de Jérusalem 

Wissam Xelka, journaliste 

Yannis Youlountas, réalisateur 

Olivia Zemor, journaliste retraitée

Émigré·e·s?

Est-ce le sentiment qui se généralise que la crise sociale et politique est arrivée à un tel degré qu’elle peut déboucher sur le pire – un bain de sang (je veux dire un bain de sang plus important encore, notamment par le tir à balles réelles) – ou le meilleur – une révolution – ? Les deux hypothèses n’étant malheureusement pas exclusives l’une de l’autre. Pense-t-on que mes recherches sur la Révolution française me donne une compétence particulière en matière de traitement de l’émigration politique ? Toujours est-il que plusieurs correspondant·e·s me demandent ce qu’il adviendra des dirigeants, ministres, responsables policiers et militaires et journalistes (de celles et ceux qui vomissent quotidiennement sur les Gilets jaunes, les Blacks blocs et les révolté·e·s en général) en cas de mouvement insurrectionnel généralisé à l’ensemble du territoire. On me demande notamment si ces différentes variétés d’ordures auront la faculté d’émigrer, comme l’ont fait tant d’aristocrates et quelques très riches bourgeois durant la Révolution.

C’est une question importante, même si personne – à commencer par moi – ne peut répondre au nom d’un mouvement à venir (ou même en train). Je ne peux donner ici que ma position individuelle, soumise à l’appréciation et à la discussion collective.

En cas de révolution, on ne peut que souhaiter – à mon sens – que le plus grand nombre possible d’ennemis du peuple quittent le territoire afin de gagner des contrées plus accueillantes, où il sera toujours loisible à nos ami·e·s de les recevoir comme ils·elles le méritent. La question qui m’est posée concerne plutôt le sort qui sera réservé aux ordures susmentionnées à partir du moment où elles tomberont aux mains des insurgé·e·s. On peut supposer qu’un certain nombre de responsables directs seront éliminés physiquement avant même que leur sort puisse être examiné par une quelconque instance collective. La question de savoir si un tel état de choses est souhaitable est une question oiseuse. Cela aura lieu. Et je ne m’imagine pas plaidant pour tel ministre ou officier devant un groupe de personnes éborgnées de par ses consignes aux porcs qu’il dirige…

Dans la mesure du possible applicable, bien difficile à prévoir en de pareilles circonstances, je suis fermement opposé à l’usage de la torture et·ou du viol, auxquels je préfère une exécution pure et simple. Mais encore une fois, qu’opposer – sinon des principes moraux hors de saison – à une foule mise en présence d’un porc responsable de mutilations graves ou d’un·e «éditorialiste» ayant décrit les Gilets jaunes comme «ce qu’il y a de pire dans l’homme», quand cette foule entreprendra de leur réserver le même sort qu’à Mussolini ? Prêcher la modération ? Ne serait-ce pas aussi obscène que le spectacle des cadavres ?

Quant à l’émigration, puisque c’est le motif de la question qui m’est posée, ma position est simple : oui, celles et ceux qui le souhaitent pourront quitter le territoire, une fois leurs biens saisis ou détruits. Je ne suis pas opposé même à ce qu’on laisse à chacun·e la liberté d’emporter ce qu’il pourra porter de «richesses». Cependant, l’émigration «de fuite» ne sera tolérée que par des moyens non-polluants et n’exerçant aucune contrainte sur des animaux, c’est-à-dire : à pieds, à vélo, ou à la nage. Et alors ! les pauvres d’Afrique subsaharienne y arrivent bien, eux ! (Pas toujours, c’est vrai, mais l’émigration doit demeurer une pratique à risques).

Il est important de préciser qu’aucune personne ne pourra se prévaloir d’une position dominante (mâle, adulte, parent) pour entraîner dans sa fuite par exemple une épouse ou des enfants mineurs. Chaque individu·e concerné·e sera dûment informé·e de ses droits à dissocier son sort de celui de l’époux, du père, etc. Seront ainsi combinés au mieux la souhaitable mansuétude populaire et les droits de catégories dominées.

En attendant l’occasion de mettre ces considérations à l’épreuve de la pratique, ne perdons jamais de vue que l’ensemble de l’appareil de propagande étatique n’exprime nullement une réelle condamnation «morale» de la violence : elle ne condamne jamais que la violence du peuple, toute symbolique dans la période actuelle, et justifie systématiquement la violence du système jusque dans ses plus odieuses violences contre des individus pacifiques et désarmés. Ne vient-on pas de voir une handicapée dans son fauteuil roulant condamnée pour «violences» sur des policiers ?

Rien n’arrête la haine et la violence de classe qu’expriment et appliquent porcs, journalistes et magistrats. Rien ne devra arrêter la colère du peuple.

Âgée de 11 ans: une parmi des milliers

Pas de photo, pas de prénom, pas de linceul électronique, cette très jeune fille est morte dans la solitude et dans l’horreur. Quels prétextes absurdes ses bourreaux ont-ils inventés pour son martyre?  La dépêche d’agence ci-dessous traduite ne le dit pas.

Ces jours-ci, en France, les dits «réseaux sociaux» s’émeuvent d’un slogan «violent» scandé à Paris par des manifestantes féministes: «Le kérosène c’est pas pour les avions, c’est pour brûler violeurs et assassins». Ce qui m’étonne, moi, c’est que ces militantes conservent le sens de l’humour alors qu’elles sont confrontées en permanence à la tentation gynécidaire du patriarcat.

 

Au Pakistan, une jeune fille de 11 ans a été lapidée dans un village de la province de Sindh.

Les parents de la jeune fille ont été arrêtés par la police samedi, après que la nouvelle eut été diffusée sur les réseaux sociaux. Deux autres personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’affaire après l’ouverture d’une enquête.

L’incident s’est produit le 21 novembre dans la chaîne de montagnes Kirthar, dans le district de Dadu, dans le Sindh, à la frontière avec la province du Baloutchistan, ont informé des responsables de la police.

Selon les rapports, la jirgah ou assemblée traditionnelle a ordonné que la gamine soit lapidée à mort.

Le Dr Farrukh Raza, surintendant principal de la police (SSP), Dadu, a ordonné que des mesures soient immédiatement prises dans l’affaire après que les informations soient parvenues à la police.

« Nous sommes en train de vérifier les faits mais nous avons arrêté les parents de la fille décédée et un imam qui avait dirigé la prière des funérailles, ainsi qu’un autre homme qui avait facilité son enterrement », a déclaré SSP Raza, cité par le Gulf News.

Il a également ajouté que les faits seraient vérifiés. « Nous devons vérifier les faits, car différentes allégations ont été avancées quant à la nature de son décès, y compris la lapidation perpétrée par des personnes non identifiées », a déclaré SSP Raza.

Citant les parents de la fillette, le SSP a déclaré que celle-ci était décédée « accidentellement à la suite d’une glissade dans la montagne », a rapporté The News.

Le tribunal de district a autorisé le corps médical à exhumer le corps.

Le meurtre d’honneur ou Karo-Kari est une pratique pratiquée dans les zones rurales et tribales du Sindh, au Pakistan. Les actes d’homicide sont commis à l’encontre de femmes soupçonnées d’avoir déshonoré leur famille en se livrant à des relations illégitimes avant le mariage ou hors mariage. Pour rétablir cet honneur, un membre de la famille de sexe masculin doit tuer la femme en question.

Selon des informations parues dans des journaux pakistanais, plus de 70 cas ont été enregistrés dans la région au cours des six premiers mois de 2019.

“Pour elles toutes. Femmes contre la prison” ~ Présentation du livre de Gwenola Ricordeau au Lieu-Dit, le 15 décembre

«Comprendre comment s’est tissée notre dépendance au système pénal est un travail long et minutieux. Il faut détricoter de ce côté-là pour pouvoir, de l’autre, tisser ensemble féminisme et abolitionnisme pénal. Parce que féministe tant qu’il le faudra et abolitionniste tant qu’il y aura des prisons.»

Les luttes féministes et les luttes pour l’abolition du système pénal et de la prison sont souvent présentées comme antagonistes. Le présent ouvrage vise à délier ce nœud en explorant les formes de protection que les femmes peuvent (ou non) attendre du système pénal et en mettant en lumière les manières dont celui-ci affecte leur existence, qu’elles soient incarcérées ou qu’elles aient des proches en prison.

Le système pénal protège-t-il les femmes? Que fait-il aux femmes qui y sont confrontées? Faut-il inscrire les luttes féministes sur le terrain du droit? En répondant à ces questions, Gwenola Ricordeau dénonce la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeuvent des réponses pénales aux violences contre les femmes. Critique du «féminisme carcéral», elle plaide pour des formes d’autonomisation du système pénal.

Ce livre expose d’abord un ensemble de critiques du système pénal formulées par l’abolitionnisme et qui constitue mon cadre d’analyse (chapitre 1).

Il décrit ensuite comment les femmes sont spécifiquement affectées par l’existence du système pénal, et de la prison en particulier, qu’elles soient victimes (chapitre 2), judiciarisées (chapitre 3) ou qu’elles aient des proches en prison (chapitre 4).

Il montre ensuite que, du point de vue de ces femmes, l’analyse de certains développements répressifs du féminisme suggère fortement d’articuler, sur les plans théorique et politique, le féminisme et l’abolitionnisme pénal (chapitre 5).

Il propose enfin des pistes concrètes pour s’émanciper du système pénal et construire notre autonomie (chapitre 6).

Un an de répression judiciaire du mouvement des Gilets jaunes ~ L’exemple de Lyon

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, en novembre 2018, on assiste à une répression policière et judiciaire à la fois exceptionnelle, et s’inscrivant pourtant dans le processus de criminalisation des quartiers populaires et des mouvements sociaux qui ne fait que s’accentuer ces dernières décennies. Au fur et à mesure que les lois sécuritaires s’empilent, ce qui est présenté à l’adoption de chacune de ces lois comme le traitement exceptionnel d’un problème d’une acuité toute particulière (grand banditisme, montée de la délinquance, terrorisme…) se généralise et vise des pans de plus en plus importants de la population. C’est donc toute la chaîne de ce système répressif, des parlementaires aux agents de police, qu’il faut interroger. Aussi, si on reviendra ici plus spécifiquement sur le traitement judiciaire du mouvement des Gilets jaunes, celui-ci est à penser comme partie de cette dynamique plus large de répression en accélération. […]

Qu’en est-il à Lyon ? Nous avons cherché à répertorier de manière aussi complète que possible les condamnations de Gilets jaunes afin de contribuer à cette analyse de la répression judiciaire à l’échelle de notre ville. Or, depuis la loi Belloubet de mars 2019, le rôle des audiences est devenu plus difficile d’accès et il n’a donc pas été possible de le consulter. Les condamnations répertoriées ici ont été identifiées à travers des comptes rendus d’audience établis par des militant·e·s, des articles de presse, ou encore de la base de données établie par le journal en ligne Bastamag. Ce travail couvre plus de 30 audiences, et a identifié 57 personnes condamnées et 97 infractions, mais n’a pas pour autant la prétention de l’exhaustivité.

Télécharger ici le rapport de la Commission d’enquête populaire contre les violences policières et la répression au format pdf.

 

Témoignage d’un détenu en «centre de rétention administrative»

Monsieur le procureur,

Je voudrais porter à votre connaissance les faits suivants.

Le 30 Octobre la policiers sont venus me chercher dans ma chambre du
centre de rétention à 9h. J’étais allé aux toilette, j’ai été interpellé
devant les toilettes et ils m’ont demandé d’aller rassembler mes affaires.

J’ai été fouillé, on m’a posé des questions sur l’asile et ma nationalité,
et on m’a annoncé qu’on allait m’emmener au Soudan.

Je suis arrivé à l’aéroport et je n’ai pas subi de violences jusqu’à
l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. J’ai été reçu par 5 policiers en
civil et un avec un policier en uniforme. Ils m’ont proposé de prendre des
cachets sans m’expliquer ce dont il s’agissait et m’ont proposé une
bouteille d’eau pour les boire. J’ai refusé de les avaler.

Ils m’ont escorté vers l’avion.

Trois agents m’ont installé dans l’avion et m’ont menotté et recouvert
d’un drap rouge pour me cacher des autres passagers. Il n’y avait encore
personne dans l’avion. À ce moment, j’avais un policier à ma gauche, un à
ma droite et un devant. Deux autres discutaient avec le capitaine.

Les passagers sont arrivés et je hurlais et je pleurais, les policiers ont
alors commencé à me frapper. J’ai reçu des coups de poings et ils m’ont
étranglé. J’ai surtout été frappé à la tête.

Ensuite je n’ai pas tout compris et entendu mais j’ai vu le pilote parler
avec les officiers, et il a refusé de me laisser prendre l’avion notamment
à cause de la violence que j’ai subi devant tout le monde.

Les policiers m’ont fait sortir de l’avion. J’ai continué d’être frappé et
j’ai été insulté «Suce ma bite», «Ferme ta gueule», «Fils de pute»
dans la voiture qui m’emmenait au poste de police dans l’aéroport. J’ai
été frappé à la tête et étranglé pour m’empêcher de crier.

J’ai été emmené dans un poste de police dans l’aéroport pendant deux
heures et j’ai été frappé par deux des trois policiers.

Tout au long de ces moments, j’ai protégé mon visage avec mes bras en
criant que je respecte la police.

Après j’ai été emmené au centre de rétention.

Je n’ai pas pu voir de médecin à mon retour au centre. Je souhaiterais
être emmené au commissariat pour porter plainte. Je souhaite voir un
médecin. J’ai conscience que tout propos mensongers est puni par la loi.

 

 

Nota. Ces propos ont été recueillis par l’intervenante de l’ASSFAM présente au
centre de rétention le 31 oct 2019 vers 12h puis vers 16h15 en langue
arabe avec un traducteur ISM.