Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de la mise en place de la stratégie pour la protection de l’enfance, était l’invité ce 20 novembre de la matinale de France inter.
Interpellé sur le fait que la France enferme des enfants, il a affirmé tenir du président de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) que la France n’a jamais été condamnée sur ce sujet par la Cour…
Pour écouter le passage: entre 19′ 28 » et 21′.
Or la France a été condamné à 6 reprises par la CDEH. C’est donc un (gros) mensonge, comme étaient mensongers les «engagements» de François Hollande sur le sujet (voir plus loin communiqué de la CIMADE).
Ci-dessous un rappel emprunté au site de France-Info (c’est vous dire que tout le monde est au courant!).
La France a, depuis 2012, été condamnée à six reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. Il était à chaque fois question d’enfants placés en rétention avec leurs parents, dans l’attente d’une expulsion.
Neuf centres de rétention administrative sont, en France, habilités à recevoir des familles.
Une circulaire du 6 juillet 2012 encadre cette pratique et demande de privilégier l’assignation à résidence. La rétention des mineurs n’est censée se faire qu’en dernier recours et en étant limitée à la durée nécessaire à l’organisation du départ.
Or, d’après la CIMADE, association spécialisée dans l’assistance aux étrangers qui intervient dans ces centres, le nombre de mineurs concernés est passé de 45 enfants ou adolescents en 2014 à 305 l’an dernier.
Le premier arrêt, dit arrêt Popov contre la France, date de 2012. La France avait été condamnée sur la base de plusieurs critères: âge des enfants, durée de rétention et caractère inadapté des locaux concernés, en violation, avait estimé la Cour, des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’article 3 indique que « nul ne peut être soumis à des traitements inhumains et dégradants« . L’article 5 que « toute personne -sauf dans des cas très précis- a le droit à la liberté et à la sûreté« . L’article 8 porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale.
Dans l’arrêt Popov contre France, la Cour avait entre autres conclu que le fait que les enfants soient accompagnés de leurs parents n’était pas de nature à exempter les autorités de leur obligation de protéger les enfants. Or le centre dans lequel ils étaient placés ne disposait pas d’infrastructure adaptée. Elle avait également rappelé que le Commissaire aux droits de l’homme et le Comité européen pour la prévention de la torture considèrent que « la promiscuité, le stress, l’insécurité et l’environnement hostile que représentent ces centres ont des conséquences néfastes sur les mineurs». La Cour avait ajouté que les autorités devaient tout mettre en œuvre pour limiter la durée de détention des mineurs.
L’argumentaire avait été en partie repris dans les cinq condamnations de 2016, notamment concernant un enfant arménien de quatre ans placé avec ses parents en rétention pendant 18 jours. La Cour avait à ce sujet indiqué que « les conditions matérielles ne posaient pas problème« , mais elle avait estimé que les « contraintes inhérentes à un lieu privatif de liberté, particulièrement lourdes pour un jeune enfant, ainsi que les conditions d’organisation du centre avaient nécessairement eu un effet anxiogène sur l’enfant » et que « l’exposition à la souffrance morale et psychique de ses parents dans un lieu d’enfermement ne lui permettait pas de prendre la distance indispensable ».
Ci-après, communiqué de la CIMADE de juillet 2018:
Le 12 juillet 2016, la France a été lourdement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les cinq affaires concernent des familles enfermées avec des enfants mineurs entre 2011 et 2014 dans les centres de rétention de Toulouse, pour quatre d’entre elles, et de Metz. La Cour déclare à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Dans certaines affaires, la France est également condamnée pour violation de l’article 5 (droit à la liberté et la sureté) et de l’article 8 (droit au respect de la vie familiale).
Ces décisions confirment et précisent la précédente condamnation de la France sur le même motif en 2012 avec l’arrêt Popov. À l’époque, le candidat François Hollande affirmait dans un courrier adressé à La Cimade qu’il s’engagerait «à interdire les placements en rétention des familles avec enfants dès mai 2012, au nom de l’intérêt supérieur des enfants qui doit primer». Quatre ans après, il n’en est rien. Cette série d’arrêts de la CEDH fait résonner cette promesse non tenue avec amertume à l’heure où pour 2016, déjà 67 enfants ont été privés de liberté derrière les barbelés des centres de rétention de métropole (ils sont des milliers à Mayotte chaque année). Ils étaient 45 enfants en 2014, puis 105 en 2015.
La Cimade rappelle que l’enfermement des mineurs est une mesure extrêmement grave. En France, elle est exclusivement réservée aux personnes étrangères. Les centres de rétention sont des lieux particulièrement anxiogènes et traumatisants. Les enfants sont particulièrement vulnérables à ces violences dans un univers carcéral : barbelés, cellules, verrous, vidéosurveillance et forte présence policière.
La circulaire du 6 juillet 2012 était censée encadrer et limiter la pratique. Elle s’est en réalité contentée de la cautionner. Quant à la loi du 7 mars 2016, elle ne fait que légitimer l’enfermement des enfants en rétention.
