“La liberté ne se mendie pas. L’Envolée 2001-2008” ~ par Olivier Cueto et Nadia Menenger

Je dois des excuses à Nadia Menenger. Pour ce qui est d’Olive – Olivier Cueto – c’est un peu tard: il est mort le 28 mars 2020, d’un cancer qu’il avait gardé secret (chacun sa manière).

J’ai reçu les exemplaires envoyés par Nadia le 3 janvier dernier, soit précisément la veille de mon entrée à l’hôpital Lariboisière pour l’opération que l’on sait. Faut-il dire que les jours suivants mon retour chez moi ont été un peu agités?… Des dizaines d’ordonnances, de comptes rendus et de boîtes de médicaments sont venus s’empiler par-dessus les livres qui s’entassaient déjà sur ma table. Or je suis affligé d’une faiblesse intellectuelle, qui me coûte très cher en efforts et en énervements dans mon travail de recherche: ce que je n’ai pas sous les yeux, je l’oublie.

Cela ne vaut que pour le papier.

Je n’oublierai pas Olive, camarade adorable dont le sourire faisait se plisser aux coins des yeux de petites rides. Je ne me souviens pas quand nous nous sommes rencontrés, mais j’ai le vif souvenir de périodes, au début des années 2000 où nous nous sommes beaucoup vus, parfois chaque jour, parce que nous suivions (dans tous les sens du terme) les lycéens en lutte dans les rues de Paris. Figure d’ailleurs dans le livre un bel article de 2005 sur le mouvement lycéen. Et puis à l’Assemblée de Montreuil, qu’il a cofondé, comme il a cofondé l’émission de radio et la revue qui portent le même titre: L’Envolée.

Olive était un fondateur (d’autres exemples de revues qu’il a contribué à créer sont donnés dans le livre). Il avait le sens du contact, de la solidarité et de l’hospitalité. Non seulement c’était une fine gueule, mais il cuisinait très bien, et je garde le souvenir ému d’une paella monumentale que nous avons dévorée à quinze…

L’objectif de L’Envolée a été double dès le début: donner la parole aux enfermés et plaider pour l’utopie concrète d’une société désincarcérée, une société sans prisons.

Il était naturel que Nadia, elle-même coanimatrice de L’Envolée, de l’origine jusqu’en 2008, et que l’Insomniaque – Olive avait pris une grande part au livre Au pied du mur. 765 bonnes raisons d’en finir avec toutes les prisons publié par cet éditeur en 2000 – lui rendent hommage tout en donnant une image concrète de l’énorme travail qu’il a accompli à L’Envolée.

L’Insomniaque éditeur, 301 p., 15 €.

Statut de l’ouvrage: Offert par l’autrice.

 

 

 

“Amis, dessous la cendre” ~ un documentaire réalisé par Les Amis d’abord

Un film passionnant non seulement sur l’action des anarchistes, français et espagnols, durant la dite « transition démocratique» mais sur les luttes de prisonniers au sein et autour de leur organisation, la COPEL.

Les Giménologues ont mis en ligne une chronologie qui contextualise les événements rapportés.

Projections parisiennes

Le 9 décembre (organisé par Mémoires partagées – 24-Août-1944) à 19 h au Centre Paris’Anim, 2/4 rue des Lilas, Place des fêtes Parie 19e.

Le 11 décembre (organisé par l’Union syndicale Solidaires) à 18 h au siège national au 31 rue des de la Grange-aux-Belles, Paris 10e.

“Pour elles toutes. Femmes contre la prison” ~ Présentation du livre de Gwenola Ricordeau au Lieu-Dit, le 15 décembre

«Comprendre comment s’est tissée notre dépendance au système pénal est un travail long et minutieux. Il faut détricoter de ce côté-là pour pouvoir, de l’autre, tisser ensemble féminisme et abolitionnisme pénal. Parce que féministe tant qu’il le faudra et abolitionniste tant qu’il y aura des prisons.»

Les luttes féministes et les luttes pour l’abolition du système pénal et de la prison sont souvent présentées comme antagonistes. Le présent ouvrage vise à délier ce nœud en explorant les formes de protection que les femmes peuvent (ou non) attendre du système pénal et en mettant en lumière les manières dont celui-ci affecte leur existence, qu’elles soient incarcérées ou qu’elles aient des proches en prison.

Le système pénal protège-t-il les femmes? Que fait-il aux femmes qui y sont confrontées? Faut-il inscrire les luttes féministes sur le terrain du droit? En répondant à ces questions, Gwenola Ricordeau dénonce la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeuvent des réponses pénales aux violences contre les femmes. Critique du «féminisme carcéral», elle plaide pour des formes d’autonomisation du système pénal.

Ce livre expose d’abord un ensemble de critiques du système pénal formulées par l’abolitionnisme et qui constitue mon cadre d’analyse (chapitre 1).

Il décrit ensuite comment les femmes sont spécifiquement affectées par l’existence du système pénal, et de la prison en particulier, qu’elles soient victimes (chapitre 2), judiciarisées (chapitre 3) ou qu’elles aient des proches en prison (chapitre 4).

Il montre ensuite que, du point de vue de ces femmes, l’analyse de certains développements répressifs du féminisme suggère fortement d’articuler, sur les plans théorique et politique, le féminisme et l’abolitionnisme pénal (chapitre 5).

Il propose enfin des pistes concrètes pour s’émanciper du système pénal et construire notre autonomie (chapitre 6).

Enfermement des enfants: mensonges d’État

Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de la mise en  place de la stratégie pour la protection de l’enfance, était l’invité ce 20 novembre de la matinale de France inter.

Interpellé sur le fait que la France enferme des enfants, il a affirmé tenir du président de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) que la France n’a jamais été condamnée sur ce sujet par la Cour…

Pour écouter le passage: entre 19′ 28 » et 21′.

Or la France a été condamné à 6 reprises par la CDEH. C’est donc un (gros) mensonge, comme étaient mensongers les «engagements» de François Hollande sur le sujet (voir plus loin communiqué de la CIMADE).

Ci-dessous un rappel emprunté au site de France-Info (c’est vous dire que tout le monde est au courant!).

La France a, depuis 2012, été condamnée à six reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. Il était à chaque fois question d’enfants placés en rétention avec leurs parents, dans l’attente d’une expulsion.
Neuf centres de rétention administrative sont, en France, habilités à recevoir des familles.

Une circulaire du 6 juillet 2012 encadre cette pratique et demande de privilégier l’assignation à résidence. La rétention des mineurs n’est censée se faire qu’en dernier recours et en étant limitée à la durée nécessaire à l’organisation du départ.
Or, d’après la CIMADE, association spécialisée dans l’assistance aux étrangers qui intervient dans ces centres, le nombre de mineurs concernés est passé de 45 enfants ou adolescents en 2014 à 305 l’an dernier.

Le premier arrêt, dit arrêt Popov contre la France, date de 2012. La France avait été condamnée sur la base de plusieurs critères: âge des enfants, durée de rétention et caractère inadapté des locaux concernés, en violation, avait estimé la Cour, des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’article 3 indique que « nul ne peut être soumis à des traitements inhumains et dégradants« . L’article 5 que « toute personne -sauf dans des cas très précis- a le droit à la liberté et à la sûreté« . L’article 8 porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans l’arrêt Popov contre France, la Cour avait entre autres conclu que le fait que les enfants soient accompagnés de leurs parents n’était pas de nature à exempter les autorités de leur obligation de protéger les enfants. Or le centre dans lequel ils étaient placés ne disposait pas d’infrastructure adaptée. Elle avait également rappelé que le Commissaire aux droits de l’homme et le Comité européen pour la prévention de la torture considèrent que « la promiscuité, le stress, l’insécurité et l’environnement hostile que représentent ces centres ont des conséquences néfastes sur les mineurs». La Cour avait ajouté que les autorités devaient tout mettre en œuvre pour limiter la durée de détention des mineurs.

L’argumentaire avait été en partie repris dans les cinq condamnations de 2016, notamment concernant un enfant arménien de quatre ans placé avec ses parents en rétention pendant 18 jours. La Cour avait à ce sujet indiqué que « les conditions matérielles ne posaient pas problème« , mais elle avait estimé que les « contraintes inhérentes à un lieu privatif de liberté, particulièrement lourdes pour un jeune enfant, ainsi que les conditions d’organisation du centre avaient nécessairement eu un effet anxiogène sur l’enfant » et que « l’exposition à la souffrance morale et psychique de ses parents dans un lieu d’enfermement ne lui permettait pas de prendre la distance indispensable ».

Ci-après, communiqué de la CIMADE de juillet 2018:

Le 12 juillet 2016, la France a été lourdement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les cinq affaires concernent des familles enfermées avec des enfants mineurs entre 2011 et 2014 dans les centres de rétention de Toulouse, pour quatre d’entre elles, et de Metz. La Cour déclare à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Dans certaines affaires, la France est également condamnée pour violation de l’article 5 (droit à la liberté et la sureté) et de l’article 8 (droit au respect de la vie familiale).

Ces décisions confirment et précisent la précédente condamnation de la France sur le même motif en 2012 avec l’arrêt Popov. À l’époque, le candidat François Hollande affirmait dans un courrier adressé à La Cimade qu’il s’engagerait «à interdire les placements en rétention des familles avec enfants dès mai 2012, au nom de l’intérêt supérieur des enfants qui doit primer». Quatre ans après, il n’en est rien. Cette série d’arrêts de la CEDH fait résonner cette promesse non tenue avec amertume à l’heure où pour 2016, déjà 67 enfants ont été privés de liberté derrière les barbelés des centres de rétention de métropole (ils sont des milliers à Mayotte chaque année). Ils étaient 45 enfants en 2014, puis 105 en 2015.

La Cimade rappelle que l’enfermement des mineurs est une mesure extrêmement grave. En France, elle est exclusivement réservée aux personnes étrangères. Les centres de rétention sont des lieux particulièrement anxiogènes et traumatisants. Les enfants sont particulièrement vulnérables à ces violences dans un univers carcéral : barbelés, cellules, verrous, vidéosurveillance et forte présence policière.

La circulaire du 6 juillet 2012 était censée encadrer et limiter la pratique. Elle s’est en réalité contentée de la cautionner. Quant à la loi du 7 mars 2016, elle ne fait que légitimer l’enfermement des enfants en rétention.