Bracelet électronique obligatoire au collège (dans la Sarthe)

L’excellente revue S!lence (décembre 2022, n° 516) se fait l’écho d’une nouvelle intéressante concernant les formes que prennent le contrôle des adolescent·e·s via le collège.

La méthode utilisée est la même que celle dont on use pour «remplacer» la prison, quelques «bonnes intentions» en plus. Voilà un pavement qui conviendra parfaitement à l’enfer techno-policier.

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TU ES EN FUGUE ?

TU ES EN FUGUE ?

ICI TU ES ACCUEILLI·E, HÉBERGÉ·E ET AIDÉ·E

SANS PARENTS

SANS POLICE

Tant que le texte ci-dessus n’attirera pas l’attention, peint sur un immense calicot accroché au plafond, dans les plus grandes gares de France (Lille, Paris, Lyon, Marseille, au minimum), on se moquera du monde en parlant d’aide aux enfants et aux ados.

La fugue – dont il utile de rappeler qu’elle n’est pas un délit et ne peut donc donner lieu à aucune poursuite contre le fugueur ou la fugueuse – est aussi un moyen de fuite à la disposition des pré-ados et des ados, parfois d’enfants plus jeunes (mais ces derniers ont moins d’autonomie de mouvement et sont repris ou «pris»). Les fugueurs et fugueuses de tous âges sont une proie facile pour les pédocriminels en chasse. La chasse a lieu principalement dans et aux alentours des gares.

L’installation, suggérée ci-dessus, de points d’accueils pour les mineur·e·s dans les gares ne nécessite aucun changement de la loi. Cet accueil est déjà pratiqué dans un certain nombre de centres spécialisés, lesquels sont malheureusement ignorés des principaux intéressés.

La raison pour laquelle cette mesure simple, et finalement peu coûteuse, n’a jamais été mise en place est assez simple à comprendre: les institutions craignent d’«inciter à la fugue» ou d’en être accusées.

Elles préfèrent faciliter la tâche des agresseurs. C’est un choix politique et philosophique.

La mise en place de tels points d’accueils ne permettrait pas de répondre à toutes les situations, notamment celle des plus jeunes. Ce serait pourtant un geste à la fois pratique et symbolique envers «les moins faibles des plus faibles».

Vous verrez que si jamais un officiel quelconque avait l’occasion de répondre à cette proposition, il expliquerait certainement que les organismes d’État préfèrent de loin agir «en amont». «La fugue ne signe-t-elle pas déjà un échec?»

Non. La fugue est – outre le moyen de découvrir le vaste monde, sans attendre d’autorisation – un réflexe vital extrêmement sain. Il est inutile d’y «inciter» les jeunes; il serait moral et utile de soutenir par tous les moyens celles et ceux qui ont eu le courage de s’y décider et qui se trouvent démuni·e·s, souvent sans papiers, sans argent, sans contacts, à la merci de tous les prédateurs.

Malgré leur statut, les enfants, les mineur·e·s sont des sujets de droit. ~ Il serait bon de le (leur) rappeler.

 

«Qui ne dit mot consent». De cet adage discutable, qui systématise et durcit parait-il une maxime du pape Boniface VIII (1235-1303) – qui tacet consentire videtur, celui qui se tait paraît consentir – la pédocriminalité a pu faire un usage cynique, puisque les enfants (infans) sont précisément ceux-là qui ne parlent pas. Un·e mineur·e, un·e enfant n’était-il  pas consentant·e par nature ? Tout au contraire ! objecte la vulgate protectrice, un enfant ne saurait consentir (sous-entendu : à un rapport érotique avec un adulte). Une telle affirmation n’est pas elle-même dépourvue d’une certaine ambiguïté puisque ce qui caractérise la condition de mineur·e est précisément que son consentement n’a pas – dans la plupart des actes de la vie – à être recueilli ! Je vais m’intéresser aux exceptions.

En effet, y compris dans le domaine de la dite «sexualité», la prise en considération d’une «majorité sexuelle» à 15 ans est un coin enfoncé – sous la forme d’une tranche d’âge – dans cette incapacité des mineur·e·s. Passons ici sur le fait que cette « ristourne » de trois ans (mais jadis elle était plus longue) est prioritairement consentie aux filles (priorité non exprimée), dont on veut prendre en compte la formation physique précoce, comprenez la capacité d’engendrer, et auxquelles on souhaite ouvrir la possibilité d’un mariage réparateur.

Quoiqu’il en soit, et sans – pour une fois – s’évertuer à imaginer quelque utopie de cohabitation entre les générations, on considérera comme assez logique de caler sur le même âge la « majorité sexuelle » et la possibilité de consentir, comme il semble que cela doive être décidé. La loi devrait donc stipuler qu’en dessous de 15 ans, le consentement d’un·e mineur·e n’a pas à être présumé ou sa réalité recherchée : il est impossible. Et d’autant plus impossible donc pour un adulte de s’en prévaloir, ce qui est évidemment le but poursuivi par le législateur[1].

L’inconvénient de cette démarche est, à mon sens, de renforcer – sous couvert de protection – l’image du ou de la mineure comme incapable. En l’espèce, la loi cherche à punir plus sévèrement ceux (et plus rarement celles) qui lui font violence (sexuelle) et non à élargir ses droits.

Or l’idée, qui me paraît hélas très répandue, qu’un·e mineur·e de 15 ans – c’est-à-dire dans la langue juridique une personne âgée de moins de 15 ans – est absolument dépourvue de droits et plus encore de moyens de les faire valoir est inexacte. Ceci vaut y compris pour de jeunes enfants, et non seulement pour des adolescent·e·s ou pré-adolescent·e·s qui approcheraient sans l’atteindre encore l’âge heureusement fatidique de 15 ans.

Sait-on qu’un·e mineur·e peut saisir un juge pour enfants ? Bien peu d’adultes, sans doute, et de mineur·e·s encore moins ! Au moins les mineur·e·s ont-ils l’excuse de ne pouvoir inventer une information que les adultes ne leur délivrent pas. Certes il peut être plus facile pour le ou la mineur·e en question de saisir le «Défenseur des droits», possibilité que lui rappelle opportunément une campagne d’information récente.

Par ailleurs, et sans parler de protection (par exemple la loi contre les « violences éducatives » du 10 juillet 2019[2]), un·e mineur·e peut demander à être entendu dans une affaire le concernant, et être asssisté·e d’un·e avocat·e, disposition particulièrement utile en cas de «mesures éducatives» et·ou de divorce des parents. Une mineure peut se faire prescrire une contraception et recourir à l’interruption volontaire de grossesse, sans ou contre l’avis de ses parents ou tuteurs légaux.

Ces droits demeurent certes limités et insuffisants, mais ils contrastent assez avec l’idée d’un enfant totalement privé de parole et de tous moyens de défense.

Notre société peine à reconnaître la réalité des violences contre les enfants : on estime à 300 00 le nombre annuel de victimes de violences sexuelles ; un enfant mourrait tous les 5 jours des suites de maltraitance[3]. Malgré de nombreuses publications, des campagnes de presse relancées par tel ou tel scandale, la chape de plomb ne s’est guère allégée depuis que je publiais, il y a plus de quarante ans, avec Yves Le Bonniec notre guide des droits des mineur·e·s Ni vieux ni maîtres (Alain Moreau éditeur, 1980).

Dans ce contexte, il me semble que rappeler – dès l’école et dès le plus jeune âge – aux enfants, aux mineur·e·s, que la loi leur reconnaît non seulement le droit d’être « protégés » mais de réclamer eux-mêmes – en tant que sujets de droit – cette protection et des moyens d’action contre leurs agresseurs pourrait avoir un effet performatif largement aussi important que la mise au point de la énième loi répressive.

Changer l’image que les « adultes » se font des enfants est certes indispensable. Cela ne doit pas faire oublier d’aider les enfants – ces futurs adultes – à se faire une autre représentation d’eux-mêmes.

[1] La clause abusivement dite « Roméo et Juliette » (aucun des deux ne viole l’autre, que je sache !) censée protéger les amours adolescentes en exigeant un écart d’âge d’au moins 5 ans entre l’agresseur sexuel et sa victime montre la difficulté de raisonner par « tranches d’âge » et peut-être aussi la confusion d’esprit de ses promoteurs. Si l’on admet qu’une jeune fille de 14 ans et demi sera désormais mieux protégée contre les agressions sexuelles d’un majeur, pourquoi exclure les cas où le dit majeur n’a que 18 ou 19 ans ?

[2] Se reporter au site de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire.

[3] Voir l’entretien du Juge pour enfants Édouard Durand dans Télérama (n° 3715, 27 mars au 2 avril 2021) qui a publié un dossier intitulé « Violences familiales, inceste, maltraitance… Comment mieux protéger les enfants ? ».

Appel à l’aide ou signalement : compose le 119 (gratuit sur n’importe quel téléphone).

Une “école parallèle libertaire” à Marseille ∼ Présentation et débat au CIRA, le 4 avril

Ça n’est certainement pas sans raison que les animateurs et animatrices de Bricabracs utilisent l’expression «micro structure éducative multi-âges» au lieu de «école parallèle»; Erwan Redon (dont les lectrices et lecteurs de ce blogue ont entendu parler il y a quelques années à propos de ses problèmes avec l’Éducation nationale) et Francesca Riva s’en expliqueront le 4 avril. Mais l’originalité du vocabulaire nuit au référencement et à l’accessibilité des textes pour celles et ceux qui ont le plus de raisons de s’y intéresser: c’est pourquoi j’utilise une expression plus convenue et bien connue des gens qui s’intéressent aux pratiques d’éducation libertaire.

RENDEZ-VOUS DE CLAUDE [7] ~ “La domination adulte. L’oppression des mineurs” ~ le jeudi 26 mars, au Lieu-Dit

Jusque dans la seconde moitié du vingtième siècle, on a considéré les femmes comme des «mineures». Tous les arguments qui servaient à justifier cette inégalité inscrite dans la loi sont encore usités pour justifier la privation de droits pour les êtres humains qualifiés d’«enfants».

L’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être réalisée, mais elle est considéré comme souhaitable, au moins dans les dites «démocraties». Les «droits de l’enfant» ne sont que des exceptions à sa condition; la «protection de l’enfance» a servi à couvrir des violences (sexuelles entre autres) massives et institutionnalisées.

Comment penser autrement l’articulation entre les droits naturels des hommes (des mâles), des femmes et des «mineur·e·s», y compris des jeunes enfants ? C’est de ce sujet, occulté entre tous, dont nous parlerons avec Yves Bonnardel, auteur de La domination adulte. L’oppression des mineurs.

“Déclaration des Droits de l’Enfant” en Russie révolutionnaire (1918)

En prélude au septième « Rendez-vous de Claude » le jeudi 26 mars 2020 à 19h (au Lieu-Dit, à Ménilmontant) auquel j’ai convié Yves Bonnardel, militant égalitariste, auteur de La Domination adulte. L’oppression des mineurs (Le Hêtre-Myriadis, 2015), je publie ci-dessous un document soviétique de 1918, dont j’ai précisément découvert l’existence dans son livre.

On connaît la belle formule de l’anarchiste Bakounine: «Les enfants n’appartiennent ni à l’État ni à leurs parents: ils n’appartiennent qu’à leur future liberté.» Cependant, même si elle peut suffire à récuser les procédés coercitifs ou autoritaires, elle laisse inentamée (ou presque) la question du statut de l’«enfant», des «mineur·e·s» dans la période où ils et elles relèvent de cette catégorie.

Dans les années bouillonnantes de la révolution soviétique (avant 1921), quand les expériences de subversion des arts et de la vie quotidienne pouvaient encore se développer[1], une organisation baptisée «Libre éducation des enfants» présenta une «Déclaration des Droits de l’Enfant» lors du premier congrès national de l’Organisation pour une culture prolétarienne (Proletkult) qui se tint à Moscou, du 23 au 28 février 1918.

Cette déclaration des droits postule une égalité entre «adultes» et «enfants» et prend en compte – mieux que Bakounine, encore que son influence se fasse sentir dans sa rédaction (voir art. 3) – le jeune individu comme une personne à part entière déjà existante.

Cette manière de voir bouleverse toutes les conceptions de l’«enfance» et du statut de minorité qui régissent dans notre société la vie des êtres humains jusqu’à 18 ans et leurs rapports avec les «adultes».

Elle implique que la société doit non pas «protéger» les «enfants» mais les aider à exercer leurs droits – communs à tous les êtres humains – lorsqu’ils sont gênés dans cet exercice du fait de leur âge ou par exemple de leur faible force physique.

Les conséquences pratiques sont immédiatement perceptibles, et vertigineuses, au moins vues depuis notre mode de vie actuelle: possibilité de quitter ses parents; choix de suivre ou on une scolarité; droit d’exercer un travail, etc.

La manière dont les principes énoncés entraînent ces conséquences n’est pas sans rappeler la Déclaration des droits de l’homme de 1789, origine bourgeoise qui se retrouve dans la définition de la liberté donnée à l’article 9 (sur ce point, Bakounine va infiniment plus loin), ce qui sera d’ailleurs reproché à ses promoteurs.

En effet, les rédacteurs et la rédactrice du livre Enfants, droits et citoyenneté [2] (dans lequel j’ai pris l’intégralité de la Déclaration) nous apprennent que la commission chargée de la formation des enfants et des jeunes lors du congrès de Proletkult la jugea  «inacceptable, car elle s’exprime avec la langue du droit naturel, qui est refusé par le marxisme et comporte des caractères d’anti-collectivisme.»

Déclaration des Droits de l’Enfant

  1. Tout enfant qui vient au monde, quelle que soit la couche de la société à laquelle ses parents appartiennent, a droit à l’existence, c’est-à-dire qu’un certain ensemble de conditions de vie doivent lui être assurées, déterminées par l’hygiène convenant à son âge et nécessaires pour le maintien et le développement de son organisme, ainsi que pour la résistance efficace de celui-ci aux influences néfastes.

 

  1. Le soin de garantir aux enfants les conditions de vie exigées par l’hygiène convenant à leur âge repose sur les parents, la société dans son ensemble et l’État. Le rôle de chacun de ces facteurs et leurs relations mutuelles dans la question de la garantie à l’enfant de ces conditions sont déterminés par les dispositions légales correspondantes.

 

  1. Tout enfant, quel que soit son âge, est une personne définie et ne doit en aucun cas être considéré comme propriété de ses parents, ni comme propriété de la société ou encore de l’État.

 

  1. Tout enfant a le droit de choisir lui-même ses prochains éducateurs, de se séparer de ses parents et de s’en aller si ceux-ci s’avèrent être de mauvais éducateurs. Ce droit de quitter ses parents, chaque enfant l’a à tout âge, et en ce cas l’État et la société doivent veiller à ce que ce changement n’apporte aucune aggravation dans la situation matérielle de l’enfant.

 

  1. Tout enfant a droit au libre développement de toutes les forces, capacités et dons qui sont en lui, c’est-à-dire qu’il a droit à une éducation et une formation correspondant à son individualité. La concrétisation de ce droit doit être garantie par la mise à disposition gratuite, à tous les âges de sa vie, des organismes adéquats d’éducation et de formation, pour que tous les aspects de sa nature et de son caractère puissent trouver les conditions les plus appropriées pour leur développement harmonieux.

 

  1. Aucun enfant ne peut être contraint par la force à fréquenter un organisme d’éducation ou de formation. L’éducation et la formation sont, à tous leurs niveaux, le libre choix de l’enfant. Tout enfant a le droit de se détourner d’une éducation et d’une formation qui ne tient pas compte de son individualité.

 

  1. Tout enfant prend part dès son plus jeune âge au travail productif nécessaire dans la mesure où ses forces et ses capacités le lui permettent. Mais ce travail doit non seulement ne pas nuire à la santé psychique de l’enfant ni constituer un obstacle dans son développement mental, mais aussi s’intégrer dans le système global d’éducation et de formation. La participation au travail productif nécessaire à la société donne la possibilité de réaliser l’un des droits les plus importants de l’enfant – ne pas se sentir parasite mais partie prenante et constructeur de sa vie et reconnaître que sa vie n’aura pas seulement une valeur sociale dans le futur, mais qu’elle l’a déjà dans le présent.

 

  1. L’enfant est, à tous les âges de sa vie, mis sur un pied d’égalité avec l’adulte majeur, dans ses libertés et ses droits. Quand il ne réalise pas certains de ces droits, cela ne doit être lié qu’à l’insuffisance de ses forces physiques ou mentales pour cette réalisation. Si ces forces sont présentes, l’âge ne doit pas être un obstacle pour l’emploi de ces droits.

 

  1. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne cause pas de dommages au développement physique et mental et ne nuit pas aux autres humains. Ainsi la jouissance des droits naturels de tout enfant ne doit pas avoir d’autres frontières que celles qui sont dictées par les lois d’un développement physique et mental normal, et en outre, qui garantissent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.

 

  1. Tous les groupes d’enfants peuvent être confrontés, dans leurs relations et leurs échanges entre eux, ou avec des adultes qui les entourent, à des règlements interdisant des actions qui portent atteinte à l’ensemble de la société. Tout ce qui n’est pas interdit dans ces règlements ne doit pas rencontrer d’obstacle pour sa réalisation. Aucun enfant ne doit être contraint de faire ce qui n’est pas prescrit par ces règlements.

 

  1. Pour tous les enfants le droit doit être garanti de participer à l’élaboration des règlements qui vont régler leur vie et leurs capacités.

 

  1. Personne, ni les parents, ni la société, ni l’État, ne peut contraindre l’enfant à recevoir un enseignement religieux donné ou à pratiquer un rite sous la contrainte : l’éducation religieuse doit être totalement libre.

 

  1. Aucun enfant ne peut être gêné dans ses convictions, n’était que leurs manifestations ne doivent pas offenser les mêmes droits chez les autres membres de la société, tant adultes que enfants.

 

  1. Tout enfant peut exprimer librement son opinion et ses idées par écrit ou oralement dans la même mesure où les adultes exercent aussi ce droit, c’est-à-dire uniquement avec les limites qui sont dictées par le bien de la société et des personnes qui la composent, limites qui doivent être déterminées avec précision par la loi.

 

  1. Tout enfant jouit du droit de constituer avec d’autres enfants ou avec des adultes des associations, groupements, et autres organisations à caractère social, dans la même mesure que les adultes. Les possibilités de limitations qui sont dictées par le bien de l’enfant et de son développement physique et mental normal doivent être mentionnées avec précision par la loi. 16. Aucun enfant ne doit être soumis à une privation de liberté ou à une sanction. Concernant les fautes et les manquements, c’est avec l’aide de structures éducatives adéquates qu’il faut lutter par la voie de l’explication et de la guérison mais pas par des punitions ou autres mesures à caractère répressif.

 

  1. L’État et la société doivent veiller par tous les moyens à ce que tous les droits énumérés dans les paragraphes précédents ne souffrent d’aucune restriction ; ils doivent préserver ces droits de toutes les tentatives de machination, et contraindre tous ceux qui ne respectent pas leurs obligations envers le jeune âge à s’y conformer.

 

[1] Voir La Révolution sexuelle, de Wilhelm Reich.

[2] Liebel Manfred, en collab. Avec Robin Pierrine et Saadi Iven, Enfants, droits et citoyenneté. Faire émerger la perspective des enfants sur leurs droits, L’Harmattan, 2011.

Enfermement des enfants: mensonges d’État

Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de la mise en  place de la stratégie pour la protection de l’enfance, était l’invité ce 20 novembre de la matinale de France inter.

Interpellé sur le fait que la France enferme des enfants, il a affirmé tenir du président de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) que la France n’a jamais été condamnée sur ce sujet par la Cour…

Pour écouter le passage: entre 19′ 28 » et 21′.

Or la France a été condamné à 6 reprises par la CDEH. C’est donc un (gros) mensonge, comme étaient mensongers les «engagements» de François Hollande sur le sujet (voir plus loin communiqué de la CIMADE).

Ci-dessous un rappel emprunté au site de France-Info (c’est vous dire que tout le monde est au courant!).

La France a, depuis 2012, été condamnée à six reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. Il était à chaque fois question d’enfants placés en rétention avec leurs parents, dans l’attente d’une expulsion.
Neuf centres de rétention administrative sont, en France, habilités à recevoir des familles.

Une circulaire du 6 juillet 2012 encadre cette pratique et demande de privilégier l’assignation à résidence. La rétention des mineurs n’est censée se faire qu’en dernier recours et en étant limitée à la durée nécessaire à l’organisation du départ.
Or, d’après la CIMADE, association spécialisée dans l’assistance aux étrangers qui intervient dans ces centres, le nombre de mineurs concernés est passé de 45 enfants ou adolescents en 2014 à 305 l’an dernier.

Le premier arrêt, dit arrêt Popov contre la France, date de 2012. La France avait été condamnée sur la base de plusieurs critères: âge des enfants, durée de rétention et caractère inadapté des locaux concernés, en violation, avait estimé la Cour, des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’article 3 indique que « nul ne peut être soumis à des traitements inhumains et dégradants« . L’article 5 que « toute personne -sauf dans des cas très précis- a le droit à la liberté et à la sûreté« . L’article 8 porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans l’arrêt Popov contre France, la Cour avait entre autres conclu que le fait que les enfants soient accompagnés de leurs parents n’était pas de nature à exempter les autorités de leur obligation de protéger les enfants. Or le centre dans lequel ils étaient placés ne disposait pas d’infrastructure adaptée. Elle avait également rappelé que le Commissaire aux droits de l’homme et le Comité européen pour la prévention de la torture considèrent que « la promiscuité, le stress, l’insécurité et l’environnement hostile que représentent ces centres ont des conséquences néfastes sur les mineurs». La Cour avait ajouté que les autorités devaient tout mettre en œuvre pour limiter la durée de détention des mineurs.

L’argumentaire avait été en partie repris dans les cinq condamnations de 2016, notamment concernant un enfant arménien de quatre ans placé avec ses parents en rétention pendant 18 jours. La Cour avait à ce sujet indiqué que « les conditions matérielles ne posaient pas problème« , mais elle avait estimé que les « contraintes inhérentes à un lieu privatif de liberté, particulièrement lourdes pour un jeune enfant, ainsi que les conditions d’organisation du centre avaient nécessairement eu un effet anxiogène sur l’enfant » et que « l’exposition à la souffrance morale et psychique de ses parents dans un lieu d’enfermement ne lui permettait pas de prendre la distance indispensable ».

Ci-après, communiqué de la CIMADE de juillet 2018:

Le 12 juillet 2016, la France a été lourdement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les cinq affaires concernent des familles enfermées avec des enfants mineurs entre 2011 et 2014 dans les centres de rétention de Toulouse, pour quatre d’entre elles, et de Metz. La Cour déclare à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Dans certaines affaires, la France est également condamnée pour violation de l’article 5 (droit à la liberté et la sureté) et de l’article 8 (droit au respect de la vie familiale).

Ces décisions confirment et précisent la précédente condamnation de la France sur le même motif en 2012 avec l’arrêt Popov. À l’époque, le candidat François Hollande affirmait dans un courrier adressé à La Cimade qu’il s’engagerait «à interdire les placements en rétention des familles avec enfants dès mai 2012, au nom de l’intérêt supérieur des enfants qui doit primer». Quatre ans après, il n’en est rien. Cette série d’arrêts de la CEDH fait résonner cette promesse non tenue avec amertume à l’heure où pour 2016, déjà 67 enfants ont été privés de liberté derrière les barbelés des centres de rétention de métropole (ils sont des milliers à Mayotte chaque année). Ils étaient 45 enfants en 2014, puis 105 en 2015.

La Cimade rappelle que l’enfermement des mineurs est une mesure extrêmement grave. En France, elle est exclusivement réservée aux personnes étrangères. Les centres de rétention sont des lieux particulièrement anxiogènes et traumatisants. Les enfants sont particulièrement vulnérables à ces violences dans un univers carcéral : barbelés, cellules, verrous, vidéosurveillance et forte présence policière.

La circulaire du 6 juillet 2012 était censée encadrer et limiter la pratique. Elle s’est en réalité contentée de la cautionner. Quant à la loi du 7 mars 2016, elle ne fait que légitimer l’enfermement des enfants en rétention.