Déclaration de la centrale syndicale HKCTU (Confédération Syndicale de Hong Kong) à l’occasion de l’anniversaire du massacre du 4 juin 1989 à Pékin

Mémoire et continuité à l’occasion de l’anniversaire du massacre du 4 juin 1989.
Le 4 juin 1989, des chars et des soldats en arme ont déferlé sur la place Tiananmen de Pékin, écrasant par une répression sanglante les idéaux d’une génération entière à la recherche de la démocratie.
Les forces obscures, qui ont piétiné le peuple chinois il y a 32 ans, ont maintenant étendu leur action à l’ensemble de Hong Kong. Depuis la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale en juillet 2020, les droits humains et les libertés n’ont cessé de se détériorer à Hong Kong, les manifestant.es étant arrêté.es et emprisonné·es, la liberté d’expression et de pensée remise en cause, le droit de réunion et de manifestation brutalement supprimé.
Récemment, le régime est devenu encore plus agressif. La police a menacé d’interdire le CHRF (Front civil pour les droits humains) avec l’Ordonnance sur les associations, tandis que le ministère du Travail a annoncé qu’il allait intensifier sa mainmise sur les syndicats avec l’Ordonnance sur les syndicats. Il est prévisible que le régime lance prochainement une vague d’attaques contre les groupes et organisations autonomes de la société civile.Au cours du mouvement prodémocratie de 1989 en Chine continentale, les étudiant.es et les salarié.es sont descendu.es dans la rue pour demander la mise en œuvre des libertés constitutionnelles de la presse, d’expression et d’association, ainsi que la protection des droits de réunion et de manifestation.
Sans démocratie, il n’est pas possible d’exercer un contrôle du pouvoir politique et de lui faire contrepoids. Pour cette raison, la protection de la liberté des citoyen·nes n’est pas assurée. Trentedeux ans plus tard, Hong Kong subit un sort comparable: un grave recul de la démocratie parlementaire, ainsi qu’une menace inédite sur les libertés et les droits dont jouissait auparavant la population. Malgré la tyrannie, la rudesse du chemin à parcourir et l’obscurité de la nuit, nous avons choisi d’être confiant.es dans l’avenir. Nous croyons que l’avenir n’est pas inéluctablement dicté par la volonté du régime en place, mais qu’un espoir reposant sur les luttes populaires continue à exister.

De la campagne, en 2003, contre le projet de loi sur l’article 23 du texte servant de Constitution, au «mouvement des parapluies» pour le suffrage universel en 2014, et au mouvement de 2019 contre le projet de loi sur l’extradition et pour la défense des libertés, chaque lutte que nous avons traversée a fait vivre les convictions et idéaux du mouvement prodémocratique de 1989. Le souvenir de 1989 est devenu une source de force dans notre lutte contre le totalitarisme. Il a servi d’inspiration morale aux différentes générations pour rejoindre le mouvement démocratique.Chaque année à Hong Kong dans le parc Victoria, des dizaines de milliers de bougies illuminent la nuit et sont une lueur d’espoir, rendant claires et distinctes les lignes floues entre le bien et le mal, la liberté et la dictature, la démocratie et le totalitarisme. Il s’agit de cicatrices de l’histoire, mais c’est d’elles que vient la force. C’est l’histoire du passé qui perpétue la résistance du présent.Le 4 juin de cette année, nous continuons à commémorer les évènements du 4 juin, à transmettre notre foi inébranlable à la lumière de nos bougies et à prolonger le chemin ininterrompu de la résistance démocratique de 1989 à nos jours. Préservons la mémoire! Continuons la lutte!

http://www.laboursolidarity.org/Declaration

Carol Ng, présidente de la Confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU), et Winnie Yu, présidente du syndicat HAEA (Alliance des employé·es de l’administration hospitalière) ont été arrêtées le 6 janvier 2021 et accusées de conspiration et de subversion contre «la sécurité nationale». En mars 2021 elles ont été placées en «détention prolongée».

Les syndicats sont nos amis, jamais, jamais, ils ne nous ont trahis !

Les affrontements qui ont eu lieu entre le service d’ordre de la CGT et des centaines de manifestant·e·s place de la Nation le 1er mai dernier ont fait couler (heureusement) beaucoup plus d’encre que de sang.

Ces incidents provoquent en outre une avalanche de niaiseries angélistes sur les réseaux sociaux.

Quoique présent sur les lieux, et ayant assisté à quelques-uns des épisodes, je serais bien en peine de dire à propos de quoi et avec qui a éclaté la première bagarre. Il est très plausible qu’à tel moment, tel crétin aviné ait frappé tel brave cégétiste, ouvert et peut-être même minoritaire dans son syndicat.

Cela ne change rien à une vérité factuelle qu’il semble utile de rappeler aujourd’hui : pour tout·e militant·e révolutionnaire, le service d’ordre de la CGT constitue et a toujours constitué un danger physique.

Le service d’ordre et plus généralement les militants de la CGT ont – au fil de décennies d’histoire du mouvement ouvrier – intimidé, menacé et agressé physiquement des centaines de militants révolutionnaires : dans les manifestations, dans les usines et aux portes des usines.

Si la situation a commencé à changer depuis quelques années, ça n’est pas – en tout cas pas seulement – parce que les militants estiment plus politique de ne pas systématiquement cogner sur qui n’est pas d’accord avec eux ou que la CGT aurait fait son autocritique sur ce point (on l’attend !). C’est que le rapport de force a changé, en gros depuis la chute du mur de Berlin. La seule période précédente où la suprématie militaire de la CGT a été remise en cause à la porte des usines et dans certaines manifestations a été la période d’activité de la Gauche prolétarienne, dont les militants n’hésitaient pas à répliquer, y compris en prenant l’offensive, à la terreur cégétiste. Il est arrivé par ailleurs que des cortèges « autonomes » armés (casques et barres) tiennent à l’écart des stalino-cégétistes pas si téméraires.

Cependant, des incidents violents se produisent régulièrement. Je me souviens, il y a quelques années de deux jeunes militants de la CNT envoyés à l’hôpital par des gros bras CGT, en dehors de tout affrontement, simplement parce qu’ils avaient eu l’imp[r]udence de remonter un cortège avec leur drapeau syndical noir et rouge à la main. On a vu bien pire, si l’on veut remonter plus loin. Il fut un temps ou pour vendre – plusieurs centaines – d’exemplaires du Libertaire à la sortie des usines Renault de Billancourt, les camarades devaient venir armés. Au sens strict : un flingue dans la musette.

Tout·e militant·e révolutionnaire, ouvrier ou non, peut raconter des dizaines d’anecdotes de ce type.

Que s’est-il donc passé samedi dernier et pourquoi parle-t-on soudain de violence ? Uniquement parce que la CGT a dû détaler, le rapport de force ne lui étant pas favorable. La faible mobilisation syndicale est en partie responsable de ce renversement du rapport des forces, le « cortège de tête » constituant une part inhabituelle du cortège. Cela s’est déjà produit ces dernières années ; cela se reproduira.

Il faudra plus que l’évocation de la déportation de militants communistes pour contrecarrer la réputation effectivement « collabo » du service d’ordre syndical. Collabo avec les flics dans les manifestations, collabo avec le système (y compris dans les usines, là où les flics ne sont pas présents).

Nota. Ce billet a été repris sur le blogue de Christian Hivert mouvementautonome.

La nostalgie «postalinienne» est ce qu’elle a toujours été: une amnésie de complaisance

Ah! «le quotidien fondé par Jaurès»…

Voilà le rappel qu’on entend le plus souvent proféré à l’heure où, une fois de plus, le journal L’Humanité semble en danger de mort.

Mais L’Huma, c’est aussi, des décennies durant, l’organe du parti communiste d’Union soviétique, avant d’être celui du parti communiste français. Le journal qui calomnie les prolétaires révolutionnaires, les libertaires, les trotskistes, les sans-parti, les spontanéistes, les dissidents, les communistes critiques, et j’en passe…

Pour regrouper les articles qui ont insulté la vérité depuis Jaurès, il faudrait l’intégralité des numéros d’une année entière… ou un très long thread sur Twitter, comme Mathilde Larrère les affectionne. Hélas! la «détricoteuse» autoproclamée est précisément allé place du Colonel Fabien, avec ses aiguilles et sa pelote, dire à quel point L’Huma lui manquerait si par malheur…

Le journal L’Humanité subit, comme tous les autres, la crise qui frappe la presse papier. Comme il est l’organe d’un parti politique en dégringolade (depuis celle du mur de Berlin), plus dure est sa chute.

Comment ne pas s’en réjouir?

Les postaliniens (voir ce mot par le moteur de recherche) voient leur capacité de nuisance et de travestissement idéologique diminuer au fil des ans.

Comment ne pas s’en réjouir?

Leur organe est près de sa fin… Qu’il meurt!

La presse contre-révolutionnaire va perdre un de ses titres: tant mieux!

Le soutien qui lui est apporté à sa dernière heure ne procède pas seulement d’une amnésie, il vaut aussi amnistie. Or je suis de ceux qui considèrent que les crimes contre l’humanité révoltée sont imprescriptibles.

Des postaliniens sans voix (ou dont le chargeur est vide) ne deviennent pas pour autant des camarades. Mes cosociétaires des éditions Libertalia seraient bien inspiré·e·s de se ressaisir, eux qui se croient tenu·e·s – dans l’espoir d’un article? – de répercuter la campagne de soutien: «Nous avons besoin plus que jamais de L’Humanité!»… Sans dec’ ?

Camillo Berneri, reviens! ils sont devenus flous…

1953

1968

1937

Les staliniens traitent de nazis les prolétaires insurgés de Barcelone, membres pour l’essentiel du POUM (marxistes critiques) et des «Amis de Durruti». Pour l’occasion, ils encensent les anarchistes de gouvernement de la CNT.

2019

 

La nostalgie, camarades!…

On trouve en Italie, dans certaines supérettes, des boissons alcoolisées dont les étiquettes représentent Hitler, Mussolini et d’autres dignitaires fascistes et nazis.

Il y a certes là de quoi s’indigner à suffisance, mais ce qui a attiré mon attention au-delà, c’est cette «Bière des nostalgiques», qui propose certes des étiquettes à l’effigie d’Hitler et cie, mais aussi de Lénine, Staline et consorts…

– Nostalgie, du grec nostos «retour», avec le suffixe algie «douleur».

Le premier sens vise le «mal du pays», le désir obsédant du retour dans la contrée natale. Le second, le regret mélancolique d’une chose révolue.

Qu’est-ce qui peut mener – passée l’hypothèse d’une provocation potache sans récidive – des «nostalgiques» à goûter un verre de Mein Kampf  à température, ou à se désaltérer d’une Tito bien fraîche?

Que veulent-ils noyer? Le désir du retour (en arrière) ou la douleur qu’il cause?

Se pourrait-il que nous devions nous préparer à certains retours sinistres par mithridatisation alcoolique?

Trinquons!… ma Staline heurtant ta NSDAP.

Pour ce qui me concerne, camarades, le débat est tranché.

Nostalgie pour nostalgie, et en songeant au sort à réserver aux marchands de nazisme en bouteille, mon choix est fait :

 

“La Révolution s’arrêta en Mai” ~ un film de Mikel Muñoz récemment sous-titré en français.

Printemps 1937: la guerre civile espagnole est à son apogée. L’armée républicaine et les milices des partis et des syndicats luttent contre les troupes franquistes. À des centaines de kilomètres à l’arrière du front, le gouvernement ordonne l’assaut du Central téléphonique de Barcelone qui est géré par la CNT. Les anarchistes résistent et une grève générale éclate. C’est le début d’une guerre civile au sein de la Guerre civile. Cinq jours qui cèlent l’épitaphe de la révolution.

“Réplique sur Cuba”, par Gaston Leval (juin 1961)

En juin 1961, Gaston Leval publie l’article reproduit ci-dessous dans Le Monde libertaire. Il y répond à l’article d’un libertaire «Castrolâtre» en rappelant quelques vérités sur Cuba et le sort des révolutionnaires, notamment libertaires.
Merci à Floréal d‘avoir utilement remis en lumière ce texte, dans les circonstances larmoyantes, crocrodilesques et spectaculaires que nous vivons après le décès de Fidel Castro.
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 Barreaux socialistes.
RÉPLIQUE SUR CUBA

Plus encore : selon Ariel, il y a bien des partis politiques, mais le peuple les dédaigne, car il est avec Castro. Mais pourquoi ne nous dit-il pas qu’il y a surtout le parti communiste appelé parti socialiste populaire qui a une existence officielle, et est le véritable maitre de la situation dans tous les domaines : politique, économique, administratif, militaire et policier ? Pourquoi taire cette réalité essentielle contre laquelle déjà se dressaient nos camarades cubains il y a plus d’un an ? Pour ma part, je considère que cela est tromper ses lecteurs par omission.

Naturellement, Ariel ressasse tout ce que disent les communistes chez qui, directement ou indirectement, il puise sa documentation, contre les Américains du Nord. Les problèmes de l’Amérique du Sud sont autrement compliqués que ce que représentent les schémas sommaires qu’on nous fournit. Mais ces schémas ont la vertu d’être facilement compréhensibles pour les âmes simples. Surtout, ils servent la propagande totalitaire moscovite en attaquant continuellement les États-Unis. Or, non seulement j’affirme qu’en approfondissant les choses on s’aperçoit qu’elles sont bougrement plus compliquées, mais d’autres camarades d’Amérique du Sud, de mes amis, l’affirment aussi, et non sans raison. Mais ceci est une autre histoire, comme dirait Kipling.

Ce qu’il m’intéresse surtout de dire, c’est qu’il est odieux d’affirmer que la lutte sanglante de Castro es des communistes à Cuba est l’œuvre de misérables, de traitres ou de vendus. On n’a pas le droit de calomnier et de salir ainsi des hommes qui se sont déjà battus contre Batista, qui ont bravé la mort, et la bravent encore pour la liberté. Là encore, Ariel répète automatiquement ce que disent les communistes dont Castro est devenu un instrument car il ne pouvait que s’appuyer sur eux pour implanter sa dictature. C’est ce que démontre, entre autres auteurs, Yves Guilbert dans son livre magnifique Castro l’infidèle [1], qui ne fait que confirmer ce que savent ceux qui ont suivi impartialement l’évolution des faits à Cuba, après avoir applaudi, comme le firent les Cahiers du socialisme libertaire, le triomphe de Fidel Castro et de ses compagnons de lutte.

Ainsi le résultat a-t-il été que, le 2 mai dernier, Cuba est devenue la première « République démocratique populaire » du continent américain. C’est-à-dire, le premier État soi-disant communiste et certainement totalitaire de cette partie du monde.

Cela doit suffire, me semble-t-il, à éclairer la lanterne de qui veut veut vraiment y voir clair, car c’est l’aboutissement d’un évolution rapide, mais tenace, dans un sens bien déterminé.

On reste confondu devant les affirmations, du genre de celle où Ariel, dit que, loin d’asservir les syndicats, Castro, au contraire, les a créés. Cela prouve avec quel sérieux il se documente, car le mouvement syndical, et syndicaliste, existe à Cuba depuis le début du siècle ; à la chute de Batista, la majorité des travailleurs des villes appartenaient à de puissantes organisations ouvrières, mais comme ils ne s’inclinaient pas facilement devant Castro, on a eu recours à la tactique traditionnelle des communistes et des fascistes : créer apparemment des syndicats nouveaux, pour éliminer les récalcitrants.

Pour Ariel, je commets une « faute morale » en dénonçant la tournure prise par le nouveau régime cubain. Il faut donc admettre comme bonne la suppression de tous les journaux, de toutes les publications non communistes, l’étranglement de la presse, qui ne se soumet pas à la dictature totalitaire, les persécutions contre ceux qui défendent la liberté, le droit de réunion, d’association, de pensée et d’expression de la pensée, la fermeture des centres culturels libres, l’investissement des syndicats et des véritables coopératives. Quant au fait que les partis politiques n’existent plus, cela ne justifie nullement que la liberté y ait gagné. D’abord, répétons que le parti communiste, qui a maintenant tout en main, existe et domine tout, avec les « techniciens » russes, tchécoslovaques, chinois, allemands de l’Est, et ajoutons que quand la disparition de ces partis est accompagné, comme c’est le cas, de la disparition de tout ce qui est libre ou libertaire, soit en essence, soit dans sa définition doctrinale, c’est se moquer du monde qu’affirmer que l’étape actuelle de la Révolution cubaine conduit à un régime libertaire.

J’ai dans mes articles publiés dans les Cahiers du socialisme libertaire, qu’Ariel attaque, donné des éléments de preuves qui justifiaient mes affirmations. J’ai par exemple, cité la circulaire qui nous a été envoyée par des camarades mexicains qui sont allés sur place et nous ont demandé instamment de « ne pas citer, dans nos écrits, le nom de camarades cubains pouvant nous renseigner, car il y va de leur liberté, et même de leur vie ». Cela suffit pour résumer l’état de choses qui règne dans l’Ile malheureuse. Mais Ariel n’en tient pas compte, comme il ne tient pas compte du fait que les enfants sont militarisés dès l’âge de sept ans, et reçoivent, dès le même âge, des cours de formation marxiste, qui sont étendus à toute l’armée et aux milices.

Mais c’est pour des hommes comme lui que notre camarade Marcelo Slinas écrivait, dans le numéro de février de Solidaridad gastronomica, la dernière publication libertaire cubaine qui vient de disparaitre, un article intitulé : « ¡ Dan ganas de escupir ! » (« Cela donne envie de cracher » – sous-entendu : de dégout !).

« Plus d’un de ceux à qui je me réfère ont l’audace de pontifier de loin sur ce qu’ils ignorent, de juger l’attitude de ceux qui se trouvent au cœur des faits et qui peuvent ainsi les connaitre : et ils ne sont pas peu nombreux ceux qui vont, de faux pas en faux pas, de conseil en conseil, jusqu’à préconiser une alliance entre nos forces et les forces du plus grand ennemi que la liberté et le droit individuel aient jamais eux dans l’histoire humaine. »

Je rappelle que Marcelo Salinas, vieux militant libertaire avec qui j’étais en relations (et je dis j’étais, car plus personne ne peut échanger de correspondance avec nos camarades cubains), non seulement dirigeait Solidaridad gastronomica, mais est secrétaire général de la Fédération libertaire cubaine, maintenant réduite au silence.

Et entre le témoignage des staliniens et de leurs instruments, et celui de mes camarades, je m’arrête d’abord à ce dernier. Du moins j’en tiens compte.

Voici du reste celui de nos camarades de la Libertarian League résidant à New-York, qui sont en contact continuel avec ce qui se passe à Cuba, et avec des réfugiés, dont des anarchistes cubains et qui déclarent dans un Manifeste lancé pendant la tentative de débarquement qui a récemment échoué :

« Le stalinisme est arrivé à imposer une dictature plus répressive, plus féroce que celle de Batista. Les masses sont contrôlées par une combinaison de démagogie et de terreur […] Les « envahisseurs » de Cuba sont des Cubains sincères et dévoués, disposés à donner leur vie pour sauver le pays d’une dictature odieuse. Ils sont la même sorte d’homme qui ont lutté à côté de Castro il y trois ans. En grande partie, ce sont les mêmes individus […] Les amants de la liberté du monde entier ne peuvent qu’appuyer tout effort pour renverser Castro, même si la lutte doit être longue. »

Ariel prétend que l’on instaure à Cuba un socialisme populaire. Pour lui, qui ne semble pas connaitre plus les doctrines sociales dont il s’occupe que les faits qu’il commente, « nationaliser », tout par l’organisme étatique gigantesque qui s’appelle INRA, c’est instaurer la socialisme ! Les « coopératives » cubaines sont aussi socialistes que les kolkhozes russe. Nos auteurs ont toujours proclamé, avec raison, que le capitalisme d’État était pire que le capitalisme privé, car en plus d’exploiter, il tue la liberté, et toute possibilité de défense. Mais cela, Ariel l’ignore encore. Du moins a-t-on le droit de le supposer. Sinon, ce serait pire.

Il ne suffit pas d’exproprier le capitalisme privé, les grands propriétaires terriens, et de distribuer des armes au peuple pour instaurer le socialisme. Il ne suffit pas non plus d’avoir le peuple derrière soi. Peron avait le peuple argentin avec lui. Il l’a encore. Tout démagogue habile peut entrainer les masses. Il s’agit de savoir où il les mène.

Pour le moment, à Cuba, on les a menées à un État totalitaire. On ne nous persuadera pas que ce soit le chemin de la liberation des hommes.

Capture d’écran 2015-01-15 à 14.38.41 Gaston Leval

Un exemple de la façon dont Ariel « reflète » la pensée d’autrui. Il écrit : « Il est très dangereux d’assimiler Castro à Hitler et Mussolini, surtout au moment où l’existence même de la Révolution cubaine est menacée. » Or je n’ai fait de comparaison que quant aux moyens que des démagogues (Hitler, Mussolini, Peron, tous les dictateurs d’Amérique latine) ont employé pour entrainer les masses. Ce n’est pas faire de Castro un Hitler ou un Mussolini comme le commentaire l’insinue. Un petit Staline ? De plus, mon article (Cahiers du socialisme libertaire) est paru un mois et demi avant les événements cubains.

[1Éditions de La Table Ronde.

Une histoire de l’anarchisme en images

Ni dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme, le film de Tancrède Ramonet qui devait à l’origine sortir en même temps que le livre de Gaetano Manfredonia, Une histoire mondiale de l’anarchie (republié, au milieu de polémiques dont je me suis fait l’écho sur ce blogue) est aujourd’hui visible.

Il n’est jamais inutile de rendre hommage aux militant(e)s qui ont incarné le combat révolutionnaire libertaire, et bien des (télé)spectateurs, jeunes surtout, apprendront beaucoup.

Sans doute l’exercice, immense — même si cette «histoire de l’anarchisme» s’interrompt en 1939, après la défaite de la Révolution espagnole —, ne peut aller sans quelques approximations et de nombreuses omissions (pas une seconde pour les Mujeres libres, quand cette dernière est longuement traitée!).

La plupart des intervenants (dont Manfredonia lui-même) sont compétents et convaincants. Une mention particulière pour Marianne Enckell qui sait mettre à portée de tous et toutes sa grande érudition sur un ton jamais pontifiant.

Mais d’où vient donc la sensation d’ennui éprouvée, au moins dans la première partie? Peut-être, paradoxalement, de la volonté naïve, et d’ailleurs sympathique, de «réhabiliter» l’anarchisme, notamment contre l’historiographie bourgeoise et stalinienne.

Dire, toujours dans la première partie, qu’il est arrivé à l’anarchisme de «dominer le monde» est un excès sans intérêt, quand la remarque vaudrait tout au plus — ce qui n’est pas rien, il est vrai ! — pour le mouvement ouvrier international.

Le stalinisme, maladie sénile du journalisme façon “Charlie Hebdo”

copy-capture-d_ecc81cran-2014-11-09-acc80-01-10-09-e1415491935357.pngCharlie Hebdo (n° 1195, daté du 17 juin) publie sur deux pages un reportage sur les réfugié(e)s qui campent dans le XVIIIe arrondissement de Paris, sous le titre répugnant : « Migrants du XVIIIe. Entre l’enclume policière et le marteau militant[1] ».

Ainsi donc, les malheureux et malheureuses réfugié(e)s pâtissent de deux maux : les flics et les militants…

Ou plus exactement, dans le chapeau de l’article, « de la brutalité policière et des lubies de militants infantiles[2] ».

Rien que ça.

Autrement dit, si de grands enfants dans mon genre et des dizaines de camarades comme [et souvent mieux que] moi n’avaient pas donné de l’argent et des vêtements[3], récupéré et préparé de la nourriture, acheté des couvertures de survie, amené des bâches, installé des campements, amené des matelas et des couvertures, protégé les réfugié(e)s des charges de flics [nombreux et nombreuses blessé(e)s infantiles], fait le guet la nuit, ouvert un squat, manifesté, distribué des tracts, aidé des dizaines de réfugié(e)s à prendre contact avec des avocat(e)s, à remplir leurs papiers, et j’en oublie certainement…

Bref, si nous n’avions pas fait une fois de plus ce que nous avons déjà fait je ne sais combien de fois depuis vingt ans au moins, eh bien les migrants auraient pu tranquillement se faire cogner sur la gueule par les flics et rouler dans la farine par des partis politiques, dont le désintéressement et l’honnêteté intellectuelle ne sont plus à démontrer !

La première association qui vient à l’esprit, c’est L’Humanité des années 1970. Mais il est inutile de remonter si loin dans le temps. Il n’est que de lire les articles publiés ces derniers jours, sur le même sujet, par le même quotidien. Que la prose stalinienne dénonçant la collusion entre les affreux trotskistes du NPA et les terrifiants anarcho-autonomes se retrouve, au mot près, dans L’Humanité et dans Charlie Hebdo en dit long sur ce qu’est devenu un torchon qui n’est la satire que de ce qu’il fut dans un lointain passé : un journal contestataire anarchisant.

Le ou la journaflic prétend sans vergogne que les NPAnarchistes[4] ont menti aux réfugiés, tandis que le parti communiste, qui n’a jamais menti à personne et toujours soutenu les immigrés (à bout de benne de bulldozer si nécessaire), a vu tout ses efforts de relogement ruinés.

Or savez-vous de quel odieux prétexte les méchants antistaliniens ont usé ? Vous ne le croirez pas ! Il semble, j’ose à peine l’écrire, qu’ils défendent l’invraisemblable théorie selon laquelle les migrant(e)s ont intérêt à rester groupé(e)s

« Rester groupé(e)s » !?!?

Pour mener une lutte…

Les bras vous en tombent, non ! Où vont-ils chercher tout ça, ces enfants de Trotski et de Bakounine[5] ? Mais au contraire, au contraire ! Le bon sens est évidemment de jouer le jeu des PC, Emmaüs et cie : dix dans un hôtel Formule 1 à vingt kilomètres de Paris, dix dans un foyer très loin de là, et le reste par terre dehors… Ça c’est sérieux, c’est responsable. Et qu’on ne voit plus ces pouilleux dans nos rues !

Le problème des démocrates, au PC et à Charlie Hebdo, c’est qu’ils prennent les gens pour des cons. On ne voit pas que ça ait réussi au parti ces dernières années. Par contre on comprend bien que Charlie Hebdo, douillettement installé sur un matelas de millions, puisse dénoncer sans souci les manipulateurs gauchistes à la clientèle de gogos et de go-gauche de l’après janvier 2015.

Il se trouve que les migrant(e)s — eux et elles-aussi — sont moins moins bêtes que dans les rêves policiers communs aux conseillers de Paris du parti et aux flics pigistes de Charlie : ils et elles souhaitent rester ensemble (et à juste raison !). Ils et elles souhaitent aussi ne pas quitter un quartier de Paris où ils ont des repères.

Il faut être le dernier des crétins, politicard, ou salaud payé(e) au feuillet, pour feindre de ne pas comprendre ça.

Solidarité avec les migrant(e)s !

Autonomie des luttes !

Des papiers pour tous et toutes !

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[1] L’article est signé « Sol ». Peut-être Solène Chalvon, ex-militante de « Ni putes ni soumises » et collaboratrice occasionnelle de l’hebdomadaire ?

[2] En couverture de l’hebdo, il est précisé : « Migrants, tout le monde s’en sert ».

[3] Et acheté des sous-vêtements. Oui, au point où j’en suis de ma réputation, je me suis improvisé dealer de slips et chaussettes 100% coton…

[4] La contraction est de moi. Au passage, je me réjouis de me retrouver au coude à coude au moins avec certain(e)s militant(e)s du NPA, et aussi avec des dissidents « de gauche » et des sans-parti.

[5] Il est vrai que si l’auteure n’a comme expérience militante qu’un passage dans une officine satellite d’un parti de la gauche parlementaire, ça fait léger…