Propagandes électorales

…Reçues l’avant-veille du scrutin, notez-bien. C’est pas comme si ça risquait d’intéresser quelqu’un.

Commençons par un peu d’humour trotskyste. Lisez bien la première phrase de l’extrait: le prétendu «vote utile» n’a plus de sens au législatives…

Oui…! Mais par contre à la présidentielle, vous n’auriez pas été du genre à présenter quelqu’un au premier tour, sachant que vous alliez conduire la fasciste au second… Si! Ah! je ne sais pas quand vous êtes les moins honnêtes, alors!

Assez ri. Voyons les nazis. Cette fois, j’attire votre attention sur la dernière phrase du point 2: «Il faut que la peur change de camp».

Si! Si! C’est ce slogan que j’ai aimablement parodié ici-même il y a très peu de temps. Récupéré, hop!

Alors, à mon avis ça n’est pas grave. Je l’ai toujours trouvé nul, ce slogan, parce qu’il est faux.

Les capitalistes ont peur (de la révolution qui vient), c’est même pour ça qu’ils entraînent des milliers de flics, de gendarmes et autres variétés kaki. Certes, ils essayent de dissimuler leur trouille (en gendre idéal, Macron n’est pas mauvais dans l’exercice).

Retenez qu’un capitaliste est nuisible parce qu’il vous exploite, et dangereux parce qu’il a peur de vous. Cessez d’avoir peur de lui (et de ses chiens) et vous lui ferez peur pour de bon (la bonne cause).

Ah! les gros malins. Si jamais quelqu’un portait plainte contre Mélenchon pour publicité mensongère, au cas où il aurait répété: «Si vous votez Oups (Nupes), vous m’élisez Premier ministre», ce qui est un mensonge, ils ont opté pour «En votant Oups, vous pouvez m’élire Premier ministre.» Il suffira de dire: «Ah mais non! “Vous pouvez” signifie: “il est bien possible (et souhaitable) que…”.» Et voilà le travail.

Croyez-moi si vous voulez, les autres sont plutôt pires, et moins drôles.

Dimanche: poney.

Il aurait pas pété un plomb, Mélenchon ?

« Élisez-moi Premier ministre ! », c’était bien trouvé, rigolo, une manière de présenter les législatives comme le troisième tour de la présidentielle… Malin !

Mais ça n’a qu’un temps.

Je viens d’entendre Mélenchon, qui essaye d’enfoncer son pauvre clou : « Dans tous les pays du monde, assène-t-il, le chef de l’État désigne le chef de la majorité Premier ministre ».

Dans tous les pays du monde !

Là, on n’est plus dans l’erreur, ni même dans l’énaurme mensonge de propagande : on est dans le pétage de plombs en grand !

— Mais que tu es sot, il y a une ellipse !

Une ellipse ?

— Mais oui, après « dans tous les pays, etc. » , il faut entendre : « Z’avez compris hein ! je raconte n’importe nawak, mais c’est une vanne pour le truc de si je suis désigné Premier ministre… ».

Or, un politicien (Mélenchon en est un, et un vieux de la vieille) qui n’est pas encore arrivé aux responsabilités qu’il brigue, et dont on ne peut déjà plus distinguer dans le discours le private joke de l’information politique, moi je m’en méfierais (si j’étais vous).

Mélenchon n’a pas été élu à la présidentielle (pas de ma faute !) ; il ne sera pas élu aux législatives, parce que pour ça il aurait fallu se présenter ; et jamais Macron (con, mais pas à ce point !) ne le désignera Premier ministre.

— Si je suis élu… répète-t-il à tout bout de champ.

Ben non mon gars.

Révélations

Sait-on jamais quel accident de plage peut vous arriver ?

Un crabe plus véloce que ses congénères…

C’est qu’ils sont traîtres ces animaux-là, à partir en biais comme des pets sur une tringle !

Et après, quel usage sournois des malintentionné·e·s pourraient-ils faire des documents que je publie ici.

C’est qu’ils sont traîtres ces humains-là, à attendre que vous soyez convenablement noyé, les poumons remplis de sable et d’eau salée, pour venir tirer les lacets de vos baskets ! De manière anthume, oh là ! pas de risque. Il est grand, on dit qu’il peut être méchant, et ses chaussures sont d’une pointure qui inspire la prudence, sinon le respect.

Lequel de mes vices, laquelle de mes insuffisances (rénale ? intellectuelle ? antiautoritaire ?) serait «expliquée» demain en usant de ces malheureux dessins.

Car oui, j’ai été au catéchisme. J’y fus. On m’y vit.

Il ne m’en reste d’ailleurs que peu de souvenirs : un pavillon de banlieue, une dame aimable, et ces quelques dessins. On notera que je suis « admis en seconde année » (exploit que je n’ai pas réitéré dans ma pratique du ski : première étoile. Point). L’« initiation » dont il est question s’entend « à la messe ». Cette fois, j’en garde un bon souvenir (copains, rigolades et Carambars).

Mais c’est décidé : je prends les devant, je confesse, je révèle.

Ainsi, lorsqu’un âne coiffé·e d’un képi voudra s’en servir contre moi, il sera obligé de mentionner que je les ai moi-même publiés.

— On se demande bien pourquoi ? ajoutera l’âne.

C’est pour te faire braire, mon ami, depuis le néant.

 

Le dimanche 24 avril…

…je resterai chez moi.

Pourtant, deux jours après ma troisième série de chimiothérapie[1], je devrais être dans l’état idéal pour voter Macron : avec l’envie de gerber toutes les cinq minutes.

Mais précisément : point trop n’en faut.

J’ai été absent des listes électorales pendant cinquante-et-un ans. Je ne m’y suis inscrit que par peur de voir le nazi Zemmour déborder Le Pen sur son extrême droite.

Il était extrêmement simple, une fois le spectre Zemmour dissipé, de « faire barrage » contre Marine Le Pen : il suffisait de voter Jean-Luc Mélenchon (ce que j’ai fait).

Cette situation est derrière nous. Il faut se déterminer en fonction de la situation présente.

Didier Eribon explique bien que la détestation suscitée par la personne de Mélenchon (ou on ne sait quel autre motif) a poussé des gens censés être « de-gauche » à annoncer qu’ils s’abstiendraient ou voteraient Le Pen en cas de second tour opposant Le Pen à Mélenchon.

Cette attitude a eu son slogan jadis : « Plutôt Hitler que le Front populaire ! ».

La même racaille qui se flatte de sa jeunesse sociale-démocrate s’apprête aujourd’hui à « faire barrage » en votant pour un gestionnaire zélé du système capitaliste, dont au fond elle s’accommode très bien.

C’est tout bénéfice : ils se donnent des allures antifascistes et ils votent pour leurs dividendes.

Ces vaillants castors ne votent ni avec leur tête ni avec leur queue : ils votent avec leur carnet de chèque.

Je suis pourtant convaincu que « Marine Le Pen présidente » n’est pas exactement la même chose que « Emmanuel Macron président ». Blanc bonnet et bonnet blanc, comme disait l’inénarrable stalinien Duclos.

Mais Macron a sur les mains le sang des éborgné·e·s et des mutilé·e·s.

On n’élit pas un boucher par crainte du rémouleur !

Cela dit, Macron a raison sur un point – même s’il ne s’est pas privé d’instrumentaliser l’extrême droite, stratégie inaugurée par un autre grand progressiste : François Mitterrand. Quand il dit, à propos d’un argumentaire idéal anti-Le Pen, « la morale ne suffit plus » (c’est l’esprit ; je ne garantis pas la lettre de la citation).

En effet : il ne suffit plus de désigner Marine Le Pen comme « fasciste » pour en écarter une partie des travailleurs et des précaires. Que les gens qui ont cessé d’être sensible à ce répulsif soient dans l’erreur est une chose… qui ne nous dit pas comment les r·amener vers des positions de classe.

Peut-être la seule amorce de solution est-elle que Le Pen – je trouve l’image navrante, mais aucune autre ne me vient à l’esprit – « perde sa virginité » ?

Je ne partage en aucune manière le point de vue selon lequel « il faut essayer le RN parce que ce sont les seuls qui n’ont pas été au pouvoir »… Je crains plutôt que celles et ceux qui partagent ce point de vue ne se laissent pas convaincre autrement que par l’expérience.

Enfin, vous ferez bien comme vous voudrez, hein !

D’ailleurs, je ne suis pas chien, je tiens à disposition de celles et ceux qui n’arriveraient plus à s’arrêter de dégobiller après avoir glissé le bulletin «Macron» dans l’urne des recommandations de traitement.

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[1] J’en profite pour m’inscrire en faux contre une chansonnette appréciée des anarchistes : « Sache que ta meilleure amie, prolétaire, c’est la chimiothérapie »…

Je voterai dès le premier tour de l’élection présidentielle pour Jean-Luc Mélenchon – que par ailleurs je déteste

Et voici pourquoi…

Je commence par écarter, j’ai déjà pas mal écrit sur ce thème ici-même il y a quelques années, les malédictions moralistes identitaires des camarades anarchistes.

Il est faux de dire que les anarchistes n’ont jamais voté. La Confederación Nacional del Trabajo (CNT), syndicat anarcho-syndicaliste espagnol et principale organisation ouvrière d’Espagne dans les années 1930 a utilisé le vote (massif) dans le but concret de faciliter la libération de plusieurs milliers de militant·e·s emprisonné·e·s.

Un ami de longue date me dit — Mais moi je ne vote pas ! Exactement comme il me dirait — Mais moi j’ai les pieds plats !

Admettons qu’il s’agit d’un cas intéressant d’imprégnation physique d’une donnée idéologique, laissons le malheureux à son infirmité, et voyons ce que « risque » un anarchiste à voter.

Évidemment rien. À moins de considérer que les anarchistes ont une âme et qu’ils·elles la perdraient en acceptant de glisser une enveloppe dans une boîte carrée. Franchement, les gens, si vous en êtes là, je vous conseille de laisser tomber au plus vite la réflexion politique et de vous tourner vers la théologie. Pour les plus anxieus·e·s, pesez-vous la veille du scrutin et au retour du bureau de vote : vous constaterez qu’aucune perte de poids ne témoigne de l’évaporation de votre âme.

Mais objecteront, de bonne foi (hélas ! il s’agit bien de cela), mes contradicteurs, n’est-ce pas se plier au système, faire le jeu du capitalisme ?

Eh bien je ne vois pas – en dehors du gloubi-glouba psycho-moralisateur qui tient lieu de « ligne de force » à beaucoup de militant·e·s  – le début de l’ombre d’un argument pour étayer cette hypothèse.

Récapitulons

Je ne crois pas que les élections sont un moyen d’émancipation.

Mais je ne crois pas non plus que les élections ne sont «rien». C’est bel et bien un moment concret du fonctionnement du système sur lequel il peut être légitime, voire possible, de peser. Je ne pense pas que l’on puisse faire comme si ce «rien» ne nous concernait pas. Il nous concerne oh combien!

Je ne crois pas que voter à l’extrême-gauche fera avancer d’un millimètre la cause révolutionnaire.

Je ne crois (surtout) pas que c’est un bon moyen d’« apparaître » entre une pub de lessive et le dernier édito néo-nazi. C’est en effet – et là réellement ! – se plier intégralement à l’injonction trompeuse du système : « Je vote pour celui-qui-est-le-plus-proche-de-mes-idées. » Ça, c’est la vaseline-type du système démocratique, soit le système de régulation sociale de l’exploitation capitaliste. Que ce soient des pseudos-révolutionnaires, comme Poutou et Arthaud, qui continuent à jouer à ça, me donne envie de pleurer.

Quelques mots sur Mélenchon

Sa physionomie m’a toujours été profondément antipathique : je ne peux pas croire un mot de ce que ce type raconte. Dans les années 1980, il a réclamé la censure du livre Suicide, mode d’emploi, dont je suis coauteur. C’est un vieil admirateur de Poutine (par « anti-impérialisme », un comble !) dont le récent rétropédalage ne peut convaincre que des niais. En gros, je le considère plutôt comme un ennemi.

Mais, jeune lectrice, jeune lecteur, tu n’as pas été sans noter – et retenir – que voter pour un guignol que l’on trouve plus sympathique (ou plus honnête ou plus n’importe quoi) que les autres et le comble de la sottise « démocratique ».

Peu importe donc ici que Mélenchon apparaisse, sous bien des aspects, comme un sale type. La seule question qui se pose à un·e matérialiste est de savoir si sa présence au deuxième tour présente un avantage quelconque.

Voilà pourquoi je pense que oui.

Contrairement à ce que suggérait fielleusement un vieil ami pour me taquiner, je ne me soucie guère de « l’image de la France à l’étranger ». M’intéresse davantage – comme quoi tout le monde peut avoir ses soucis identitaires – ma propre image dans le miroir de la salle de bains, au lendemain du premier tour.

Et je ne veux à aucun prix faire partie des crétins des deux sexes qui, n’ayant pas participé au scrutin, vont se lamenter (et ça va durer des semaines !) sur le pourcentage formidable obtenu par la candidate d’extrême-droite, sans même parler du score total incluant les voix nazies de Zemmour.

Or, dans ce scrutin, les personnes qui voteront au premier tour pour Jadot, Hidalgo, Roussel, Poutou, Arthaud, etc. voteront réellement pour Marine Le Pen.

Si Mélenchon est au second tour, ce sera une occasion offerte – soyons miséricordieux mes sœurs et mes frères – à ces pantins de se désister pour un candidat de gauche. Sinon, ils regagneront leurs niches pour ronger l’os minuscule qu’on leur aura remis.

Plaçons ici une incise. Certain·e·s, qui se piquent de stratégie autant que moi, sont persuadé·e·s ou simplement espèrent vaguement que la politique du pire finira par pousser les masses vers la Révolution. Plus le pseudo « débat démocratique », raisonnent-ils, se réduira visiblement à des échanges à fleurets mouchetés entre un représentant du grand Capital et une figurante d’extrême-droite, et plus les gens comprendront la nature du système. Plus les gens manifesteront, par l’abstention, leur mépris du système, et plus celui-ci sera proche de son effondrement.

Voilà qui semble au moins logique… Hélas ! nous savons qu’il n’en est rien. Les États-Unis fonctionnent, pas si mal du point de vue de celles et ceux qui profitent du système, avec un taux d’abstention bien supérieur au taux français. Ça ne change absolument rien.

Quant au cas français, vous verrez le nombre important de « Gilets jaunes » (et pas toujours les plus bêtes) qui transformeront leur pulsion émeutière en bulletin d’extrême-droite.

Il faut cesser, quand on se prétend révolutionnaire, de prendre les gens comme variable d’ajustement ou souris de laboratoire.

Une fois Mélenchon au second tour, rien n’est gagné bien sûr. Mais rien n’est perdu.

Il faut cesser de croire que c’est sur la décomposition de la gauche parlementaire que va éclore un nouveau mouvement révolutionnaire. Ça ne fonctionne pas comme ça. Ça serait même plutôt l’inverse. Un mouvement révolutionnaire de classe, né de sa propre dynamique et des contradictions du système, pourra, lui, entraîner et radicaliser les franges de la « gauche » reconstituée autour de Mélenchon.

Mais Mélenchon nous fera tirer dessus !

C’est à craindre, en effet. Et alors ? Vous préférez le rythme tranquille des mutilations macroniennes ; vous vous êtes habitué·e·s ?

À moins que vous soyez impatient·e·s de connaître les innovations du maintien de l’ordre façon Le Pen ?…

— Mais enfin quel sens peut avoir de faire élire Mélenchon s’il faut le combattre par les armes ensuite ?!

Eh bien, niquedouille, entretemps, nous nous serons servis de sa (sale) gueule comme d’un marchepied.

Résumons-nous

Si vous êtes masochistes ou parfaitement crétins et que vous préférez pleurnicher entre ami·e·s, en buvant force bières, une fois le duel Macron-Le Pen confirmé, surtout de changez rien : abstenez-vous ou votez pour un·e des nains de jardin proposés à vos suffrages.

Si vous êtes matérialistes et que vous pensez qu’il faut tenter de modifier concrètement chaque situation concrète dans la perspective, même lointaine, de l’émancipation collective : votez Mélenchon !

Ni avec une pince à linge sur le nez ni avec des gants Mapa, ce sont là gamineries de carnaval.

Comme des grandes personnes. Avec la conscience simple et claire de faire quelque chose qui peut se révéler utile. Aussi peu que ce soit.

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PS. Au cas où, à la lecture de ce billet, l’évidence que je suis une «soupape de sûreté du Capital» (le Grand!), ne vous aurait pas convenablement aveuglé·e·s, j’indique à votre attention et à la postérité un de ces salmigondis de ressentiment et de contresens que seule la technique moderne a fait quitter le zinc des bistrots. C’est juste au cas où hein!

Quand ce sont les grands éditeurs qui font des «tracts» ~ …et retour de Ludivine Bantigny

Étrange époque où ce sont les éditeurs comme Gallimard – ils ont mis la main les premiers sur le nom de collection «Tracts» – ou Le Seuil – qui suit avec la collection «Libelle» (c’est moins bon…) qui éditent des tracts.

Sans doute est-ce le signe qu’il ne se trouve plus personne pour rédiger de véritables tracts, recto verso maximum, en général, et aller les distribuer dans une manifestation en risquant de de prendre un pain dans la gueule… À moins que ce soit les occasions de distribuer qui se fassent rares… Ou bien les deux.

Bref, Gallimard et Le Seuil (il en existe peut-être d’autres, je n’ai pas cherché) éditent des «tracts d’intervention».

La première différence entre ces «tracts» et la feuille que l’on désignait jusqu’ici par ce vocable est que les «tracts» Gallimard sont vendus, au lieu d’être donnés. On insiste sur le fait qu’ils «ne coûtent pas cher». Ils ne coûtent pas cher parce qu’ils sont peu épais. Il est exact cependant que d’après un sondage (très) rapide, il ne semble pas qu’ils soient vendus –relativement – plus chers, ce qui est assez fréquent dans de petits formats.

La seconde différence est que ces «tracts» sont vendus non dans la rue, entre deux stands de merguez, mais dans des librairies. Je suis un ami des libraires, dont je me réjouis du succès qu’ils connaissent depuis quelques mois et auxquel·les je souhaite longue vie, mais je sais que tout le monde ne fréquente pas les librairies. Distribuer un tract dans un rassemblement (ou y installer un stand de librairie, comme sait si bien le faire Libertalia) n’a rien à voir avec le fait de confier à un diffuseur quelques milliers de livres.

Par ailleurs, il faut noter que ces grands éditeurs viennent là marauder sur les terres de tout petits éditeurs militants, qui font le choix de prix très bas et d’une diffusion souvent mixte – réseau militant et quelques librairies classiques, mais sympathisantes – ou strictement militante.

Il n’y a rien de bien étonnant à voir un secteur de la production capitaliste prendre acte de la désuétude d’une pratique militante et, parallèlement, de la multiplication et du succès relatif de microstructures militantes pour tenter d’occuper le segment de marché concerné.

Mais avons-nous de quoi nous en réjouir ? Voilà de quoi je doute fort.

Les éditeurs s’adressent aux auteurs et aux autrices connues : il faut qu’il ou elle ait la notoriété nécessaire pour vendre, au sens strict, son opuscule. Attendez-vous donc à voir Badiou, Bantigny et Lordon s’autorésumer, se faire tout petits pour qu’on les voit mieux…

J’ai lu, sur la recommandation de deux camarades, et je dois le dire avec un certain plaisir, L’ensauvagement du capital de Ludivine Bantigny. Il ne manque pas une indignation nourrie d’exemples tiers-mondistes (ah ce que coûtent aux petits enfants de là-bas nos magnifiques smartphones !), pas une nostalgie adroitement placée (le facteur qui considérait les gens de son village comme des «usagers» : le croirez-vous ? le père de l’autrice était facteur), pas un rappel historique (Catalogne 36, Rojava aujourd’hui), pas une référence pas tout fait encore décolorée par l’usage (William Morris)…

Ah si, tout de même, Bantigny nous parle beaucoup de son étonnement douloureux devant le cynisme des partisans du monde actuel auxquels le spectacle l’oppose régulièrement dans des émissions de radio ou de télévision. Ces gens-là n’écoutent pas ce qu’on leur dit ; ils n’ont que mépris pour les pauvres… Brave Ludivine, toujours sur le front.

Et puis ? Que nous dit ce «tract» ?

Le message est contenu dans le titre : L’ensauvagement du capital.

Voilà.

Contrairement à ce qu’un sinistre quelconque a prétendu, ça n’est pas nous (les petits, les sans-grade) qui sommes de plus en plus sauvages, c’est le système qui le dit qui y est !

Bien, bien, bien.

Statut de l’ouvrage: acheté en librairie.

Allez Jean-Luc, fais-nous voir la vie en vrai!

Jean-Luc Mélenchon a déjà utilisé pour se «démultiplier» dans plusieurs salles de meetings dans des villes différentes, le système dit «Fantôme de Pepper». Il nomme cela hologramme, parce que c’est plus facile à retenir, et que ça fait plus moderne. Le procédé consiste (si j’ai bien compris) à filmer la personne et à projeter le film sur un miroir qui réfléchit l’image sur un écran transparent. C’est plus simple et beaucoup moins cher que des hologrammes. On peut toujours discuter de la pertinence de tel ou tel procédé, mais pour quelqu’un qui manque de temps et d’argent, c’est un moyen commode d’«apparaître» au même moment dans plusieurs villes différentes.

Le nouveau meeting de ce 16 janvier, à Nantes s’annonce «immersif» et «olfactif»… Cela signifie sans doute que le politicien va transformer sa prestation en «performance artistique» en mêlant un usage massif de la vidéo… et la diffusion d’odeurs. Je ne sais pas qui conseille Mélenchon en matière de communication… J’ai entendu d’une oreille distraite à la radio des militants de la dite France insoumise parler de «créer des émotions». En faire l’objectif d’une réunion politique me paraît plus inquiétant qu’innovant.

Je me permettrai de donner un conseil à l’équipe de campagne de Mélenchon: si vous voulez vraiment entrer dans l’histoire et faire le buzz, distribuez gratuitement – outre des masques étanches aux virus – les mêmes lunettes que découvre le héros du film de John Carpenter Invasion Los Angeles (They Live, en vo, 1988).

Elles permettent à la fois de repérer les envahisseurs, dont le visage apparaît sous la forme d’un squelette, et aussi tous les messages subliminaux de soumission au système qui sont dissimulés dans les publicités. Ça, ça serait vraiment cool et utile.

On imagine les émeutes qui suivraient, le public portant les fameuses lunettes noires ravageant les panneaux publicitaires et les devantures prêchant l’obéissance au système en place.

Allez Jean-Luc, assez de bricolages pseudo-artistiques, fais-nous voir la vie en vrai !

Non-débat à propos d’un non-mouvement

Sur le blogue qu’il anime, Freddy Gomez a mis en ligne un nouveau texte, dont je reproduis ci-après le passage qui me vise. Cela ne mérite, hélas, aucune réponse, tant il est vrai que dans ce non-débat, certains font en sorte de ne surtout pas comprendre une partie de ce que l’on dit, pour mieux pouvoir s’offusquer du reste – qui n’a plus aucun sens.

Toute cette merde produit, entre autres, une recomposition de la nébuleuse libertaire, notamment autour d’une opposition supposée «anti-scientiste», mais nullement anticapitaliste, incarnée par le groupe «Pièces et main-d’œuvre». J’ai déjà dit ici à quel point je juge ridicule et nuisible une théorie qui prétend trouver l’origine de nos malheurs non dans l’extraction capitaliste de la plus-value, mais dans le rêve d’Icare.

Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles: j’ai procédé au comptage de la manifestation de samedi dernier à Marseille, deuxième ville de France. Résultat: entre 450 et 500 manifestant·e·s (qui doivent s’être compté·e·s, comme de juste, avec un ou deux milliers de plus).

Je reproduis également un édito de la CNT-AIT de Toulouse qui procède à une critique des mesures de contrôle autoritaire sans remettre en cause l’intérêt sanitaire de la vaccination, en reprenant en titre l’expression que j’avais choisie pour désigner l’ensemble des dispositifs de surveillance et de répression dans nos «démocraties capitalistes»: la terrorisation démocratique. Je précise que je ne connais pas toutes positions de ce groupe; je me contente d’approuver ce texte en particulier.

Et pour rire un peu, la publicité ironique d’un entrepreneur de pompes funèbres que des crétins antivax ont republiés sur Twitter: ils l’avaient prise pour un appel à refuser la vaccination ! (la publicité sur le camion; la page du site Internet).