Pour un Centre social libertaire à Cuba!…

Après de nombreuses années, les frontières sont en train de s’ouvrir et les changements à Cuba annoncent de nouvelles possibilités et de nouveaux dangers pour la société cubaine. Il est donc essentiel de renforcer le travail de ceux qui à Cuba défendent un regard critique, anticapitaliste et  anti-autoritaire face au système-monde, ce système qui s’exprime chaque jour avec plus de clarté dans la vie nationale.

Après plus d’une décennie d’activisme social et politique au sein de l’Observatoire critique cubain, et cinq ans de travail au sein  de l’Atelier libertaire Alfredo López (TLAL), nous avons pu identifié la principale difficulté pour nos activités et pour l’expansion de notre intervention au niveau social, il s’agit de l’absence d’un local fixe qui nous permettrai de construire une communauté et de façonner notre identité de façon plus forte et plus durable.

Qui sommes-nous ?

Le TLAL est un collectif spécifiquement anarchiste, qui a maintenu une activité systématique au cours des dernières années, en radicalisant ses propositions et en maintenant un ancrage solide dans la société cubaine et dans ses communautés. Nous avons réussi dans un court laps de temps à organiser annuellement les Journées Printemps libertaires à La Havane, où nous cherchons à conjuguer la pensée et de l’action libertaire ou anarchiste sur l’île. Par ailleurs, nous publions un modeste un journal,  ¡Tierra Nueva!, avec lequel nous essayons non sans quelques difficultés de faire diffuser notre regard contestataire aux gens ordinaires. Ces gens qui forment une majorité à Cuba et qui ne disposent pas d’accès à Internet. Nous essayons aussi de promouvoir l’idéal libertaire, anarcho-syndicaliste et naturiste, présent dans l’histoire du pays avant le triomphe insurrectionnel en 1959, et dont l’influence a été occultée dans les interstices de la Cuba d’aujourd’hui.

En outre, l’un des principaux efforts au niveau organisationnel que nous avons fourni a été la création en mars de cette année, avec d’autres camarades de la région, de la Fédération anarchiste d’Amérique centrale et de Caraïbe, un réseau ayant un grand potentiel d’expansion et de développement.

Maintenir ce rythme dans l’organisation de nos projets et nos actions nécessite un espace physique où nous puissions converger, expérimenter des pratiques qui démontrent ce qu’est la  solidarité, le coopérativisme, l’horizontalité, l’auto-organisation et l’autonomie.

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Que cherchons-nous?

Compte tenu de l’impossibilité à Cuba de louer un espace, l’option que nous proposons est d’acheter un immeuble, une maison ou un appartement, afin de fonder notre Centre social libertaire et une Bibliothèque libertaire.

En plus d’être le siège permanent de l’Atelier libertaire Alfredo López, afin de célébrer des réunions de travail et d’autres activités, le local accueillera une Bibliothèque libertaire. Celle-ci réunira les matériaux que nous avons accumulés durant des années. Ils sont le produit de dons nationaux et internationaux, ou des achats personnels. Nous y inclurons tous types de publications physiques et digitales, autant des périodiques que des éditions uniques, des disques compacts (CD-ROM) et DVD, des films, des documents audio, etc. La priorité sera accordée aux documents reliés directement ou indirectement à l’anarchisme, mais seront également présentés d’autres sujets reliés aux luttes sociales à travers l’histoire, quel que soit le point de vue politique ou la région de création.

Par ailleurs, dans cet espace se dérouleront des actions propres à un Centre social : des conférences, des événements, des réunions, des repas collectifs, des présentations de textes, des fêtes, des vidéo-débats, des rencontres avec les visiteurs étrangers ou nationaux d’autres provinces, des concerts, des lectures, des expositions, des activités productives, entre autres.

De combien avons-nous besoin?

Pour l’achat du local, nous avons besoin d’un total de 12 000 euros. Toutefois, lors de notre récente visite en France (Paris, Toulouse) et en Espagne (Madrid, Móstoles, Séville), grâce à la solidarité des compagnons libertaires, nous avons recueilli près de 1 000 euros. Voilà pourquoi, pour le présent crowdfunding, nous sollicitons vos contributions pour atteindre les 11 000 € (onze mille euros).

Pourquoi demandons-nous?

Parce que nous ne recevons aucun financement de l’État, des institutions gouvernementales, ou des ONG, nous ne voulons pas les recevoir, afin de garantir notre totale indépendance et ne pas être subordonnés à un quelconque programme de politique extérieure. Parfois, nous avons reçu des dons de groupes et d’individus liés à nos principes, de façon désintéressée et inconditionnelle. Nos pratiques ne génèrent aucun profit, bien au contraire. Il est également connu qu’avec le salaire moyen cubain (20 dollars par mois), il est impossible de couvrir le coût élevé d’un logement à Cuba, qu’aucun travailleur honnête, sans exploiter le travail des autres, ne peut se permettre.

Qui recevra le bénéfice direct du travail du Centre social libertaire et de la Bibliothèque libertaire ?

Tout d’abord, tous ceux qui font partie du TLAL, et qui travailleront sans aucune rémunération dans cet espace, y compris les gens qui y vivront directement, et qui prendront soin du local.

Hors du TLAL, c’est la communauté du quartier qui en recevra les bénéfices, étant donné que nous avons l’intention d’établir des liens avec celle-ci, et de mettre notre espace à leur disposition. Nous ne pensons pas qu’un projet de ce type puisse être coupé de son environnement immédiat et des personnes qui l’entourent.

Aussi les projets qui intègrent le réseau Observatoire critique, dans lequel nous restons engagés, auront un espace sûr dans ce local, afin de consolider davantage leur travail.

En outre, les étudiants et les chercheurs auront, principalement dans la Bibliothèque, une source unique et précieuse d’informations cubaines et internationales

Il va sans dire qu’auront leur place dans notre Centre tous les visiteurs libertaires et anticapitalistes arrivant sur l’île, ainsi que ceux ayant besoin de solidarité,.

Ce que nous allons restituer aux contributeurs?

Nous n’avons beaucoup de matériaux à donner en retour, mais nous aurons notre gratitude et nos bonnes vibes. Bien sûr, les donateurs disposeront d’un espace dans notre local et accès à tous les services du nouveau Centre.

En outre, s’ils nous y autorisent, nous inclurons leurs emails sur notre liste de diffusion afin qu’ils puissent recevoir le journal libertaire cubain ¡Tierra Nueva!

Pour ceux qui voudront rendre public leur soutien, nous aurons une liste de remerciements sur notre site web contenant les noms de ceux qui ont aidé à réaliser ce projet. Nous ferons parvenir à chaque contributeur un rapport détaillé sur l’utilisation que nous faisons des fonds collectés.

Votre collaboration est essentielle, si nous voulons promouvoir l’idéal libertaire et anticapitaliste à Cuba et dans la Caraïbe.

Pour contribuer financièrement.

“Réplique sur Cuba”, par Gaston Leval (juin 1961)

En juin 1961, Gaston Leval publie l’article reproduit ci-dessous dans Le Monde libertaire. Il y répond à l’article d’un libertaire «Castrolâtre» en rappelant quelques vérités sur Cuba et le sort des révolutionnaires, notamment libertaires.
Merci à Floréal d‘avoir utilement remis en lumière ce texte, dans les circonstances larmoyantes, crocrodilesques et spectaculaires que nous vivons après le décès de Fidel Castro.
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 Barreaux socialistes.
RÉPLIQUE SUR CUBA

Plus encore : selon Ariel, il y a bien des partis politiques, mais le peuple les dédaigne, car il est avec Castro. Mais pourquoi ne nous dit-il pas qu’il y a surtout le parti communiste appelé parti socialiste populaire qui a une existence officielle, et est le véritable maitre de la situation dans tous les domaines : politique, économique, administratif, militaire et policier ? Pourquoi taire cette réalité essentielle contre laquelle déjà se dressaient nos camarades cubains il y a plus d’un an ? Pour ma part, je considère que cela est tromper ses lecteurs par omission.

Naturellement, Ariel ressasse tout ce que disent les communistes chez qui, directement ou indirectement, il puise sa documentation, contre les Américains du Nord. Les problèmes de l’Amérique du Sud sont autrement compliqués que ce que représentent les schémas sommaires qu’on nous fournit. Mais ces schémas ont la vertu d’être facilement compréhensibles pour les âmes simples. Surtout, ils servent la propagande totalitaire moscovite en attaquant continuellement les États-Unis. Or, non seulement j’affirme qu’en approfondissant les choses on s’aperçoit qu’elles sont bougrement plus compliquées, mais d’autres camarades d’Amérique du Sud, de mes amis, l’affirment aussi, et non sans raison. Mais ceci est une autre histoire, comme dirait Kipling.

Ce qu’il m’intéresse surtout de dire, c’est qu’il est odieux d’affirmer que la lutte sanglante de Castro es des communistes à Cuba est l’œuvre de misérables, de traitres ou de vendus. On n’a pas le droit de calomnier et de salir ainsi des hommes qui se sont déjà battus contre Batista, qui ont bravé la mort, et la bravent encore pour la liberté. Là encore, Ariel répète automatiquement ce que disent les communistes dont Castro est devenu un instrument car il ne pouvait que s’appuyer sur eux pour implanter sa dictature. C’est ce que démontre, entre autres auteurs, Yves Guilbert dans son livre magnifique Castro l’infidèle [1], qui ne fait que confirmer ce que savent ceux qui ont suivi impartialement l’évolution des faits à Cuba, après avoir applaudi, comme le firent les Cahiers du socialisme libertaire, le triomphe de Fidel Castro et de ses compagnons de lutte.

Ainsi le résultat a-t-il été que, le 2 mai dernier, Cuba est devenue la première « République démocratique populaire » du continent américain. C’est-à-dire, le premier État soi-disant communiste et certainement totalitaire de cette partie du monde.

Cela doit suffire, me semble-t-il, à éclairer la lanterne de qui veut veut vraiment y voir clair, car c’est l’aboutissement d’un évolution rapide, mais tenace, dans un sens bien déterminé.

On reste confondu devant les affirmations, du genre de celle où Ariel, dit que, loin d’asservir les syndicats, Castro, au contraire, les a créés. Cela prouve avec quel sérieux il se documente, car le mouvement syndical, et syndicaliste, existe à Cuba depuis le début du siècle ; à la chute de Batista, la majorité des travailleurs des villes appartenaient à de puissantes organisations ouvrières, mais comme ils ne s’inclinaient pas facilement devant Castro, on a eu recours à la tactique traditionnelle des communistes et des fascistes : créer apparemment des syndicats nouveaux, pour éliminer les récalcitrants.

Pour Ariel, je commets une « faute morale » en dénonçant la tournure prise par le nouveau régime cubain. Il faut donc admettre comme bonne la suppression de tous les journaux, de toutes les publications non communistes, l’étranglement de la presse, qui ne se soumet pas à la dictature totalitaire, les persécutions contre ceux qui défendent la liberté, le droit de réunion, d’association, de pensée et d’expression de la pensée, la fermeture des centres culturels libres, l’investissement des syndicats et des véritables coopératives. Quant au fait que les partis politiques n’existent plus, cela ne justifie nullement que la liberté y ait gagné. D’abord, répétons que le parti communiste, qui a maintenant tout en main, existe et domine tout, avec les « techniciens » russes, tchécoslovaques, chinois, allemands de l’Est, et ajoutons que quand la disparition de ces partis est accompagné, comme c’est le cas, de la disparition de tout ce qui est libre ou libertaire, soit en essence, soit dans sa définition doctrinale, c’est se moquer du monde qu’affirmer que l’étape actuelle de la Révolution cubaine conduit à un régime libertaire.

J’ai dans mes articles publiés dans les Cahiers du socialisme libertaire, qu’Ariel attaque, donné des éléments de preuves qui justifiaient mes affirmations. J’ai par exemple, cité la circulaire qui nous a été envoyée par des camarades mexicains qui sont allés sur place et nous ont demandé instamment de « ne pas citer, dans nos écrits, le nom de camarades cubains pouvant nous renseigner, car il y va de leur liberté, et même de leur vie ». Cela suffit pour résumer l’état de choses qui règne dans l’Ile malheureuse. Mais Ariel n’en tient pas compte, comme il ne tient pas compte du fait que les enfants sont militarisés dès l’âge de sept ans, et reçoivent, dès le même âge, des cours de formation marxiste, qui sont étendus à toute l’armée et aux milices.

Mais c’est pour des hommes comme lui que notre camarade Marcelo Slinas écrivait, dans le numéro de février de Solidaridad gastronomica, la dernière publication libertaire cubaine qui vient de disparaitre, un article intitulé : « ¡ Dan ganas de escupir ! » (« Cela donne envie de cracher » – sous-entendu : de dégout !).

« Plus d’un de ceux à qui je me réfère ont l’audace de pontifier de loin sur ce qu’ils ignorent, de juger l’attitude de ceux qui se trouvent au cœur des faits et qui peuvent ainsi les connaitre : et ils ne sont pas peu nombreux ceux qui vont, de faux pas en faux pas, de conseil en conseil, jusqu’à préconiser une alliance entre nos forces et les forces du plus grand ennemi que la liberté et le droit individuel aient jamais eux dans l’histoire humaine. »

Je rappelle que Marcelo Salinas, vieux militant libertaire avec qui j’étais en relations (et je dis j’étais, car plus personne ne peut échanger de correspondance avec nos camarades cubains), non seulement dirigeait Solidaridad gastronomica, mais est secrétaire général de la Fédération libertaire cubaine, maintenant réduite au silence.

Et entre le témoignage des staliniens et de leurs instruments, et celui de mes camarades, je m’arrête d’abord à ce dernier. Du moins j’en tiens compte.

Voici du reste celui de nos camarades de la Libertarian League résidant à New-York, qui sont en contact continuel avec ce qui se passe à Cuba, et avec des réfugiés, dont des anarchistes cubains et qui déclarent dans un Manifeste lancé pendant la tentative de débarquement qui a récemment échoué :

« Le stalinisme est arrivé à imposer une dictature plus répressive, plus féroce que celle de Batista. Les masses sont contrôlées par une combinaison de démagogie et de terreur […] Les « envahisseurs » de Cuba sont des Cubains sincères et dévoués, disposés à donner leur vie pour sauver le pays d’une dictature odieuse. Ils sont la même sorte d’homme qui ont lutté à côté de Castro il y trois ans. En grande partie, ce sont les mêmes individus […] Les amants de la liberté du monde entier ne peuvent qu’appuyer tout effort pour renverser Castro, même si la lutte doit être longue. »

Ariel prétend que l’on instaure à Cuba un socialisme populaire. Pour lui, qui ne semble pas connaitre plus les doctrines sociales dont il s’occupe que les faits qu’il commente, « nationaliser », tout par l’organisme étatique gigantesque qui s’appelle INRA, c’est instaurer la socialisme ! Les « coopératives » cubaines sont aussi socialistes que les kolkhozes russe. Nos auteurs ont toujours proclamé, avec raison, que le capitalisme d’État était pire que le capitalisme privé, car en plus d’exploiter, il tue la liberté, et toute possibilité de défense. Mais cela, Ariel l’ignore encore. Du moins a-t-on le droit de le supposer. Sinon, ce serait pire.

Il ne suffit pas d’exproprier le capitalisme privé, les grands propriétaires terriens, et de distribuer des armes au peuple pour instaurer le socialisme. Il ne suffit pas non plus d’avoir le peuple derrière soi. Peron avait le peuple argentin avec lui. Il l’a encore. Tout démagogue habile peut entrainer les masses. Il s’agit de savoir où il les mène.

Pour le moment, à Cuba, on les a menées à un État totalitaire. On ne nous persuadera pas que ce soit le chemin de la liberation des hommes.

Capture d’écran 2015-01-15 à 14.38.41 Gaston Leval

Un exemple de la façon dont Ariel « reflète » la pensée d’autrui. Il écrit : « Il est très dangereux d’assimiler Castro à Hitler et Mussolini, surtout au moment où l’existence même de la Révolution cubaine est menacée. » Or je n’ai fait de comparaison que quant aux moyens que des démagogues (Hitler, Mussolini, Peron, tous les dictateurs d’Amérique latine) ont employé pour entrainer les masses. Ce n’est pas faire de Castro un Hitler ou un Mussolini comme le commentaire l’insinue. Un petit Staline ? De plus, mon article (Cahiers du socialisme libertaire) est paru un mois et demi avant les événements cubains.

[1Éditions de La Table Ronde.

Solidarité avec les victimes du coup d’État de Recep Tayyip Erdoğan

Les membres du groupe musical Yorum ont d’abord vu leur local perquisitionné et leurs instruments de musique détruits.

Ils et elles ont alors enregistré la vidéo ci-dessous pour montrer que la musique peut survivre aux coups de crosses. Ce pied-de-nez au dictateur Erdoğan a valu à tous les membres de Yorum d’être arrêté(e)s. Ils et elles, comme des dizaines de milliers de militant(e)s politiques, de syndicalistes, de journalistes, d’avocat(e)s, d’intellectuel(le)s sont aujourd’hui en prison.

Solidarité avec les victimes du coup d’État de Recep Tayyip Erdoğan, avec tous/toutes les camarades turques et kurdes persécuté(e)s, détenu(e)s et torturé(e)s!