Les clichés de Badiou : Staline effacé, Mao au premier plan

Outre sa voix de bronze et sa longévité, Alain Badiou a pour lui une obstination dans le communisme qui force l’admiration. La dimension autocritique récente de sa production avait paru un peu contradictoire. Certes, la centralité de l’État semblait devoir être remisée au magasin des accessoires, mais pas Mao Tsé-Toung.

Le voilà (Badiou) qui, dans un récent entretien accordé à L’Humanité dimanche (17 au 23 décembre 2020), en remet une couche et, pour le même prix, procède à un élégant vernissage. C’est que maoïste un jour, Badiou l’est toujours.

Comme on l’interroge sur ses « rapports avec Marx » – excellents à tous égards – il en profite pour glisser en première ligne le Petit Livre rouge, sacré, c’est bien le cas de le dire, « meilleur manuel du militant communiste ».

S’inspirant peut-être du découpage historique du féminisme, par « vagues », Badiou place la première étape communiste, entre les années 1840 et la fin du XIXe siècle, sous le patronage de Marx ; la seconde, entre 1917 et les années 70 du XXe siècle sous celui de Lénine. Vous noterez l’habile et prudent escamotage de l’une des figures du panthéon maoïste : Staline. C’est pourtant bien lui qui dirige et inspire le communisme, dès le printemps 1923, lorsque Lénine est rendu quasi-impotent par une série d’accidents vasculaires cérébraux, soit pendant quarante-sept longues années de la période considérée.

La troisième étape étant, mais on commençait à s’en douter, placée sous le patronage de Mao. La Révolution culturelle chinoise se trouve ainsi associée à la Commune de Paris, via celle de Shangai… Ce bonneteau historique permet de faire de Mao un quasi-libertaire, et ça c’est plus fort que de jouer au mah jong !

NB.

La colorisation n’a aucune signification politique. J’ai simplement tenté de pallier les défauts de lisibilité de la photo de l’article dont je dispose.

Par ailleurs, dans le second extrait, une négation parasite rend la lecture problématique. Je pense qu’il faut lire: «…au fait qu’ici même une partie considérable du prolétariat provienne d’ailleurs que de la France…» (et non «ne provienne»).