Barrage au fascisme? ou… «Quand préfèrera-t-on le plus grand bien au moindre mal?» par Gédicus

De l’ami Gédicus, un texte déjà ancien, et toujours d’actualité.

Mona montre son cul

 

À force de prendre les gens pour des cons, ils le deviennent. C’est sans doute la première leçon à tirer de ce que les Madame Soleil de la politologie appellent le « séisme » des élections pestilentielles. À force de cultiver l’abrutissement chez le « citoyen » on en fait un abruti. Et tous les apprentis sorciers de la « démocratie » cuisinée à la sauce trouillarde en paient le prix. C’est grave, nous disent-ils. Mais ce qui est grave c’est de parler de ce « tremblement de terre » (l’arrivée de Le Pen à la présidentielle) comme si rien ne l’avait annoncé. Ce qui est grave c’est d’avoir pendant des années encouragé ce qui a permis cela. Ce qui est grave c’est d’avoir entonné le chant des sirènes sécuritaires à pleins poumons et de s’étonner ensuite de ce qu’il produit.

Tous ceux dont un journaliste dit, sans sourire, qu’ils se vivent abandonnés par les pouvoirs publics, les services de l’État, les élus et les politiques ; tous ces délaissés, maltraités, flippés et désespérés dont on cultive depuis longtemps le désarroi et sur lesquels on cogne à coups redoublés de mensonge et de mépris ; tous ces trouillards et lâches qui n’ont pas les couilles de se battre contre le Goliath capitaliste et qui préfèrent cogner sur leur pauvre voisin basané ; tous ceux qui s’accrochent avec ferveur à la bouée xénophobe et raciste ; tous ceux qui sont trop mous pour prendre leur destin en main et qui rêvent d’un homme fort pour les sortir du merdier (en oubliant comment ces « hommes forts » ont pu par le passé l’accentuer et l’ensanglanter, le merdier) ; tous ceux chez lesquels on n’a su nourrir que de la haine ; tous ceux là ont préféré « l’original à la copie » comme dit celui qui en bénéficie. Ils ont préféré le démagogue qui veut faire führer aux démagogues mous et fuyants de la « raie publique » prostituée.

Et ça fait quand même un paquet de gens. Et la Lepénisation de leurs esprits est bien installée. Et ce sera plus difficile de la faire partir que ça n’a été de la faire venir. Et tout ce qui permettra à Le Pen de jouer les martyrs, empêché de remplir son rôle de nouveau Charles Martel-Pétain sauveur des français, la renforcera.

Certes c’est tant mieux si en réaction la jeunesse « emmerde le Front National », comme l’affirment de braves chanteurs, et si une génération accède à l’esprit critique à cette occasion. Mais ce serait cultiver bien des illusions que de lui laisser croire que la mobilisation pour « faire barrage au fascisme » n’est pas un bon moyen de faire rentrer le peuple dans le giron de mensonges dont il avait tendance à s’écarter.

Car elle est bien pratique cette extrême-droâte. Tellement pratique qu’on se demande comment les prétendus démocrates auraient pu durer sans elle. Il aurait sans doute fallu qu’ils trouvent de nouvelles manières de convaincre qu’ils allaient raser gratis. Et ça n’aurait pas été facile. Car leur business était en perte de vitesse. Le parti abstentionniste était sur le point de gagner les élections, ce qui aurait été une mauvaise assise pour leurs magouilles à venir.

Alors qu’aujourd’hui, grâce à l’extrême-droâte et à sa ronflante menace, le veautant retourne à l’urne en meuglant ; le couillon s’empresse de ré-adhérer au parti qu’il avait fini par délaisser ; une belle jeunesse pleine d’énergie s’engage sur la voie radieuse où l’on gobe allègrement les illusions et les mensonges. Plus besoin de baratin et de promesses. Un seul programme : « faire barrage au fascisme ». Finies les velléités de mettre à nu et d’extirper les racines de la crapulerie dominante ; finies les tentatives d’améliorer le sort des humains en construisant une autre société.

L’arnaque se refait une beauté en jouant sur la menace du pire : Tu es dans la merde jusqu’au cou mais, attention, on pourrait t’obliger à t’asseoir ! Alors ne te plains pas. Défend ton confort !

Ainsi un escroc va se faire plébisciter sur le trône où il fera la même politique que son rival, mais avec la livrée « démocrate ». Ainsi la gôche va se refaire une santé et pourra de nouveau contribuer à faire avaler aux prolos les couleuvres des « nécessaires concessions » au progrès du capitalisme sauvage. Ainsi le manège de la bonne vieille bouffonnerie qui fait tourner le monde depuis trop longtemps reprend de l’élan.

C’est, me dit-on, choisir le « moindre mal ».
Et quand choisira-t’on le plus grand bien ?

A la prochaine, si le DPS le veut bien.*

Gédicus, le 26 avril 2002.

*L’arnaque a réussi au-delà de toute espérance. L’escroc a été élu avec un pourcentage de suffrages avoisinant ceux de Staline ou d’Amin dada, hier. Et il s’est permis un gentil commentaire : On les a bien niqués ! 

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Ce texte est tiré du blog : http://gedicus.ouvaton.org