Foutez la paix à Jean-Marc Rouillan ! (2006)

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Comment peut-on être assez niais pour se prétendre militant révolutionnaire et accorder un entretien politique au journal L’Express ? Comment peut-on être Rouillan ?

Si encore le pauvre garçon avait cru, je ne sais pas moi, que Philippe Val est toujours un chanteur anarchisant et Charlie hebdo une feuille contestataire… on se serait dit, en hochant la tête tristement : « Sûr qu’il a pas mal de choses à remettre à jour après vingt années d’incarcération !… » Mais L’Express ! Un journal de droite pour cadres, qui a toujours été un journal de droite pour cadres…

En quoi l’opinion des lecteurs de L’Express sur ses idées politiques peut-elle paraître présenter un intérêt aux yeux de Rouillan ? Mystère insondable de l’âme humaine.

Que dit Rouillan à L’Express ? Rien, évidemment. Rien qui présente le moindre intérêt. Si L’Express publiait des articles lisibles, ça se saurait, et si on se souciait de l’opinion de Rouillan sur la marche du monde, on aurait pris des dispositions depuis vingt ans pour lui permettre de l’exprimer. Lire la suite

Régis Schleicher, un homme libre ! (2005)

Régis Schleicher, militant de l’organisation Action directe passait en jugement en novembre et décembre 2005 pour une tentative d’évasion de la centrale de Moulins en 2003, c’est ce que rappellait le quotidien Libération (22-23 octobre 2005) qui publiait un entretien avec lui dont sont extraits les passages suivants [Schleicher obtenait, fin août 2009, un régime de semi-liberté] : Lire la suite

MAINTENANT ! (2005)

En quoi la libération des militant(e)s d’Action directe est une pressante nécessité

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La chambre d’application des peines de Douai a refusé, le 14 septembre 2005, pour la énième fois, la libération conditionnelle de Nathalie Ménigon[1].

On sait que l’état de santé de cette militante, qui a subi deux accidents vasculaires cérébraux, est très précaire, notamment du fait de sa détention. On sait que la prison détruit et qu’elle ne soigne pas celles et ceux dont elle a détruit la santé. De ce point de vue, la prison est un mensonge obscène sur la possibilité d’un « châtiment » qui se « limiterait » à la privation de liberté.

Ceci rappelé, disons que le présent texte ne se fixe pas pour tâche de ressasser les motifs d’ordre humanitaire ou idéologiques qui justifieraient la libération des ancien(ne)s militant(e)s d’Action directe. Ces motifs sont bien connus et d’ailleurs reconnus par un nombre croissant de personnes qui ne partagent aucun des objectifs d’Action directe ou qui partagent certains d’entre eux (« révolution », « communisme ») en désapprouvant l’assassinat politique comme moyen d’action, soit pour des raisons philosophiques, soit pour des raisons tactiques, soit les deux à la fois.

Au-delà d’une élémentaire opposition au traitement que l’on inflige à ces détenu(e)s « au nom de la société », le présent texte veut attirer l’attention sur le fait que leur libération ne présenterait que des avantages, y compris — à rebours des « inquiétudes » gouvernementales —celui de prévenir les réactions désespérées que ne manquerait pas de susciter le décès en prison de l’un(e) d’entre eux. Lire la suite

LE TEMPS DE VIVRE (2004)

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Par l’aigri, par l’amer, par le sucré,

L’expérience, le fruit présent, l’espoir

Me menacent, m’affligent, m’apaisent

 Giordano Bruno

Notre temps n’est pas le leur.

Leur temps est celui de la faute, de l’aveu, du châtiment ou du repentir : c’est le temps des prêtres et des geôliers. C’est un temps d’oubli, un temps sans histoire, un temps de registres morts.

Un jour ils viennent vous chercher ; ils vous entravent les mains ; ils disent que vous devez embarquer dans une machine à remonter le temps. Ils font comme s’ils pouvaient vous transporter tel[le] que vous êtes aujourd’hui dans un temps de vingt-cinq ans en arrière ; comme si vous étiez pareil[le], inchangé[e], transposable, décalquable, démontable et remontable…

Il n’existe pas de mots pour dire ce qu’ils croient qu’ils peuvent faire de vous.

À chaque fois qu’ils se servent du mot « espace », c’est pour réduire l’espace réel. Ils disent « espace de Shengen » et ils construisent une nasse. Ils disent « espaces de libre expression » pour annoncer que l’expression sera réglementée. Ils veulent que le monde entier ressemble à un hall d’aéroport ; zone duty-free pour les riches, zone de rétention pour les pauvres.

Et la même « justice », partout. Pas pour tous ! Non ! Partout : deux poids, deux mesures. De toute façon, ce sont eux qui ont construit les instruments de mesure : codes, chronomètres, sondages.

Ça n’est pas difficile à comprendre. L’Europe par exemple ; c’est un espace qu’ils construisent (qu’ils réduisent, donc) ; ils le mesurent avec leurs instruments (ceux qu’ils ont construits). Donc, plus il y a de pays en Europe et moins il y a d’étrangers dans le monde qui peuvent demander l’asile, par exemple à la France. Donc, plus l’Europe est grande, moins il y a d’asile possible dans le monde. Comme cela vise les pauvres, les militants et les artistes, cela s’appelle une harmonisation.

Ils ont décidé le « mandat d’arrêt européen ». C’est un instrument avec lequel ils pourront arrêter le temps et réduire l’espace des pauvres, des militants et des artistes sans asile partout dans l’espace qu’ils calculent. C’est une machine nouvelle qui demande quelques réglages. On y procède en usant d’exilé[e]s qu’on avait mis de côté dans un coin de l’espace. Comme un vieux chiffon ; ça n’est pas joli mais ça peut servir. Ils ont utilisé, sans anicroche, un Paolo Persichetti ; ils essaieraient bien un Cesare Battisti, une Roberta Cappelli, et quelques autres. À chaque fois, ils améliorent le système. Quand tout sera au point, ils n’auront plus qu’à faxer : « Machin Chose », et hop ! le lendemain, Machin remontera le temps jusqu’à une prison, plus loin en Europe. Quelle harmonie ! Quelle paix sociale ! Quelle démocratie ! Ils en ont les larmes aux yeux…

Pas la larme facile pourtant, ou alors se retiennent, par pudeur. Mais immense grandeur d’âme, ça oui, du côté du deuxième poids de la deuxième mesure qui, bientôt, partout. Libèrent un Papon par ci, un Patron par là.

Mais les quatre d’Action directe ? Non, pas ceux-là ! Pas le temps ! Pas dans les temps ! « N’a qu’à se passer de jogging ! » dit le magistrat d’une Nathalie Ménigon diminuée par deux accidents vasculaires-cérébraux. Déjà hors du temps. Pas de machine disponible, et pour remonter jusqu’où ?

Vous entendez ce qu’ils nous disent ?

Ils disent que Ménigon, Cypriani, Rouillan et Aubron doivent d’ores et déjà être considéré[e]s comme des cadavres !

Critiquant (en 1985) l’absurdité de la stratégie armée d’AD, j’avais qualifié ses militants de « bouffons sanglants* ». Je le rappelle ici à destination de certains soucieux pétochards qui se taisent par crainte de paraître approuver des actes commis il y a vingt ans.

Qui, aujourd’hui, sont les bouffons sanglants ? qui sont les assassins ? Sinon ceux qui condamnent des exilés politiques à l’extradition après vingt-cinq ans de vie en France, et à une mort en cage — longue et douloureuse — quatre personnes gravement malades. Un aliéné, une hémiplégique et deux cancéreux, pitoyable tableau de chasse pour une loi du talion qui n’ose pas dire son nom !

Rien n’est donné ou acquis dans le monde du « droit ». Il n’est rien que nous ne devions arracher ; y compris l’espace et le temps de vivre.

Paris, le 9 avril 2004

* Cf. « Contre AD et contre l’État », sur ce blog.

« C’EST ÇA LE TERRORISME ! » (2012)

« TERRORISME » ET CURCUMA (SUITE)


 

Ce 21 mai 2012 marquera une date dans la définition de ce qu’est un procès politique — et par voie de conséquence un acte politique, et même la politique tout court — et de ce qu’est le « terrorisme ».

On sait que les magistrats de la dixième chambre du tribunal correctionnel de Paris ont la lourde tâche devant l’histoire de juger six jeunes « curcumistes », accusés de « terrorisme » en général et de fabriquer des bombes au curcuma en particulier.

Aujourd’hui était le jour du réquisitoire du procureur général. On aurait juré que cet excellent magistrat avait lu « “Terrorisme”, curcuma, et crime par la pensée », tant il avait choisi d’illustrer, dès ses premières phrases, le passage suivant, que je reproduis pour les paresseux vivant du RSA, nombreux (hélas !), à me lire :

« Nous n’en sommes plus à écarter les justifications politiques d’actes délictueux au regard du droit pénal (vous dites que vous êtes un militant politique, mais je constate que vous avez fait sauter une mairie). Police et justice travaillent aujourd’hui, au service de l’État, à stigmatiser des prises de position politiques et sociales, de “mauvaises intentions” a-t-on pu dire justement, en utilisant des éléments disparates auxquels seuls les textes “antiterroristes” eux-mêmes donnent une apparente cohérence. »

Évidemment notre procureur a tourné les choses à sa manière ; copier/coller du Claude Guillon aurait fait mauvais genre.

Il a donc commencé par récuser fermement le reproche de « procès politique », allégation polémique et d’ailleurs politique que le tribunal voudra bien ignorer. « Ce qui compte, a-t-il dit en parlant de nos « curcumistes », ce sont leurs intentions. » Lire la suite