Ce manifeste poétique et abstentionniste fait partie du recueil Les Poèmes indésirables qu’Armand Robin édite lui-même à la Noël 1945.
Il sera repris l’année suivante dans Le Prolétaire, journal communiste révolutionnaire (voir illustration ci-après).
Le dimanche
Le citoyen
mécanisé – machinisé – robotisé – capitalifié – fascistifié défascitifié – stalinisé – hitlérisé – nazifié – démocratisé socialisé – communisé – réactionnarisé – révolutionnarisé taylorisé – stakhanovisé – militarisé – collectivisé – étatisé usinifié – unifié – progressivisé – pasteurisé – molotovisé fordisé
Se réveille un peu moins bêtifié :
«Çà, mais nom de Dieu, mais j’ai des yeux!
«Et même j’ai des yeux qui sont MES yeux;
«Ces yeux, si j’essayais
«De m’en servir pour REGARDER!»
Le dimanche
Le citoyen
Reste un danger.
Il se souvient d’avoir entendu dire quelque part :
«Le dimanche, c’est le jour du seigneur.»
Et chaque dimanche il fait le seigneur.
Il menace d’aller
Dans les bois, dans les prés;
Et là, TERREUR, TERREUR, ce qu’il regarderait
Existerait.
Il menace d’aller prendre
Des leçons chez les plantes!
Et même il peut lui venir l’idée
D’aimer un cheval, un oiseau,
D’écouter
Un ruisseau.
Le dimanche
Il pense
Qu’il peut prendre un peu de vie pour s’en endimancher
Et même il pense
Qu’il peut penser.
Un tel crime contre le crime ne peut plus être toléré:
Vite affichez :
TU N’IRAS PAS TE PROMENER,
AUX CHAMPS TU N’IRAS PAS RÊVER.
TU IRAS VOTER.