Foutez la paix à Jean-Marc Rouillan ! (2006)

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Comment peut-on être assez niais pour se prétendre militant révolutionnaire et accorder un entretien politique au journal L’Express ? Comment peut-on être Rouillan ?

Si encore le pauvre garçon avait cru, je ne sais pas moi, que Philippe Val est toujours un chanteur anarchisant et Charlie hebdo une feuille contestataire… on se serait dit, en hochant la tête tristement : « Sûr qu’il a pas mal de choses à remettre à jour après vingt années d’incarcération !… » Mais L’Express ! Un journal de droite pour cadres, qui a toujours été un journal de droite pour cadres…

En quoi l’opinion des lecteurs de L’Express sur ses idées politiques peut-elle paraître présenter un intérêt aux yeux de Rouillan ? Mystère insondable de l’âme humaine.

Que dit Rouillan à L’Express ? Rien, évidemment. Rien qui présente le moindre intérêt. Si L’Express publiait des articles lisibles, ça se saurait, et si on se souciait de l’opinion de Rouillan sur la marche du monde, on aurait pris des dispositions depuis vingt ans pour lui permettre de l’exprimer.

Le problème, pour Rouillan, est que son opinion n’a d’intérêt pour les plumitifs de L’Express que parce qu’il est en partie bâillonné par les conditions de sa semi-liberté. C’est ça qui est excitant : le pousser à la faute. Notez qu’il est sympa de foncer, comme ça, tête baissé dans les panneaux qu’on lui tend, pas obligé pourtant ! « Rouillan a une bouche, il s’en sert, et ça ne plait pas à tout le monde », écrit Michel Henry dans Libération (et hop ! un entretien[1]). Et une cervelle, il en a une aussi non ? Pourrait s’en servir, jamais trop tard pour commencer…

Enfin ! voilà un garçon qui est passé de l’anarchisme à une bouillie stalinoïde, qui a quand même fait vingt ans de taule pour complicité dans le meurtre d’un grand patron[2].

Et que fait-il en sortant de taule (et à moitié encore ! il est contraint d’y passer ses nuits et ses week-end), il bavarde avec des journalistes pour cadres et il s’inscrit au nouveau parti de gauche que lance la Ligue communiste ! C’est pas des preuves d’insertion sociale, ça ? Franchement, qu’est-ce qu’on exige de plus ? Qu’il s’inscrive aux Jeunes de l’UMP ? Qu’il aille écouter le pape à Lourdes entre Philippe Sollers et Alina Reyes ? Qu’il fasse traverser les enfants à la sortie des écoles ?

Est-ce qu’on ne va pas nous foutre la paix une bonne fois avec les scories de la triste aventure d’Action directe ? Est-ce que la racaille parquetière va s’acharner longtemps sur une poignée de vaincu(e)s de l’histoire, auxquels seul cet acharnement d’État risque de donner (et pour la première fois !) une audience autre qu’infinitésimale ?

Non seulement Rouillan ne doit être sanctionné d’aucune manière pour ses stupides épanchements médiatiques, mais sa situation doit être éclaircie : il doit être purement et simplement remis en liberté. Comme aussi Nathalie Ménigon, Régis Schleicher et Georges Cipriani (ces deux derniers sont toujours détenus). On verra que, passé quelques semaines de curiosité malsaine pour des militants si longtemps incarcérés, plus personne — même à L’Express — ne songera à venir les taquiner, un micro sous le nez.

J’écrivais fin septembre 2005 : « C’est maintenant qu’il faut libérer, sans exception, tous les militants et militantes d’Action directe et clore — par un geste que rendent possible la loi et la conjoncture politique — ce chapitre de l’histoire de l’extrême gauche française. » C’est d’autant plus vrai après le décès en liberté de Joëlle Aubron et les demi-mesures concernant Ménigon et Rouillan.

Foutez-leur donc la paix une bonne fois !

Ça nous fera des vacances !

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[1] Libération du 2 octobre 2008.

[2] « Plutôt que de parler de révolution, Rouillan a toujours préféré la faire, les armes à la main », écrit Michel—fais-moi-mourir-de-rire—Henry).